« Vous avez perdu 5,7 kilos. Et quatre centimètres autour de la taille. Dans trois mois ! C’est excellent ! »
La nutritionniste Élise Latour, calculatrice en main, estime la perte de poids totale de mon expérience vegan. “Tu y es allé tout en ! », résume Mmoi Latour. C’est le moins qu’on puisse dire.
En 97 jours de véganisme, je n’ai triché que deux fois. Je me suis strictement tenu à une alimentation végétalienne saine, en me concentrant sur les produits frais et les féculents de grains entiers, qui favorisent la satiété. Autre objectif : éviter autant que possible les aliments ultra-transformés, qui contiennent une longue liste d’ingrédients nocifs, dont de nombreux additifs. Cette précision est importante, car il est tout à fait possible, de nos jours, d’adopter un régime végétalien où dominent les produits transformés et la malbouffe.
« Une assiette de pâtes blanches avec une sauce tomate, des frites et un Coca, c’est vegan. Mais c’est de la malbouffe», résume le cardiologue Josep Iglesies-Grau, de l’Institut de Cardiologie de Montréal, qui a accepté de m’accompagner dans cette aventure.
Dr. Iglesies-Grau et Mmoi Latour m’a fait passer une batterie de tests avant et après trois mois de véganisme. Prise de sang, test d’effort cardiaque (VO2 max), mesure du poids avec une balance qui mesure non seulement les kilos que vous pesez, mais aussi le pourcentage de graisse et sa répartition sur le corps.
Sous la supervision du neuropsychologue Louis Bhéré, j’ai également passé plusieurs tests cognitifs. L’objectif : tenter de déterminer si ce nouveau régime, en favorisant la santé cardiaque, pourrait également augmenter la vascularisation cérébrale et, donc, les performances cognitives.
Les résultats sont étonnants.
Avant cette expérience, j’étais une femme de 54 ans en très bonne forme physique, mais en surpoids, avec un taux de cholestérol élevé et frôlant la zone du prédiabète. Je prenais des médicaments depuis des années pour l’hypertension artérielle et le reflux acide.
Si j’avais continué le même régime alimentaire, j’étais très probablement sur la voie du diabète, de l’hypercholestérolémie et des maladies cardiaques. « Vous êtes un excellent exemple en matière de prévention ! », a résumé diplomatiquement le Dr Iglesies-Grau lors de notre première rencontre.
Après trois mois de véganisme, j’ai perdu un pourcentage important de mon propre poids, presque entièrement dans la région abdominale, là où se trouve la graisse la plus dangereuse pour la santé cardiaque. Près des deux tiers de ces kilos perdus étaient constitués de graisse.
J’ai pu dire au revoir à mes médicaments contre le reflux acide. Mon taux de mauvais cholestérol a diminué. Mon taux de glucose a diminué, tout comme ma résistance à l’insuline. Ma voix2 max – déjà au-dessus de la moyenne – s’est amélioré de près de 20 points de pourcentage… même si j’ai pris soin de maintenir le même niveau d’exercice.
Vous êtes en bien meilleure santé maintenant qu’il y a trois mois. Toutes les mesures vont dans la bonne direction. Vous n’avez pas stoppé la tendance : vous l’avez inversée.
Le Dr Iglesias-Grau.
Sur le plan cognitif, le neuropsychologue Louis Bhéré a observé la même courbe. “Il y a eu une nette amélioration dans presque tous vos tests”, a-t-il déclaré. Mémoire, aisance verbale, rapidité de traitement de l’information, capacité à effectuer deux tâches simultanément… Bien sûr, il y a un « effet d’apprentissage » dans ce type de test cognitif, qui peut conduire à une amélioration des résultats, nuance-t-il.
Cependant, les résultats d’un autre test d’imagerie cérébrale, qui mesure cette fois-ci objectivement l’activité cérébrale, confirment les résultats obtenus lors des tests cognitifs. « Vous avez mieux réalisé la tâche, avec moins d’effort mental », analyse-t-il.
« Le résultat de votre expérience est que le style de vie a un impact. C’est ce que nous constatons dans les recherches : 45 % des risques de démence sont modifiés lorsque les gens effectuent ce genre de changements. C’est énorme. »
Je l’avoue, les deux premières semaines de l’expérience ont été difficiles. À l’épicerie, voir tous ces étalages qui me sont désormais inaccessibles – viandes, poissons, charcuteries, fromages, œufs – me donne le vertige. Mais que vais-je manger pendant trois mois ?
Il a fallu trouver de nouvelles références, de nouveaux sites de recettes, d’autres manières de concevoir un repas. Le sentiment de perte était important. Mais plusieurs entretiens avec des végétaliens m’ont donné un coup de pouce.
« J’ai toujours aimé cuisiner, et maintenant j’ai l’impression d’avoir une toute nouvelle boîte de crayons de couleur ! », m’a raconté Catherine Gélinas, coiffeuse en chef dans l’industrie du cinéma, devenue végétalienne pour des raisons de santé.
Ce qui m’a frappé, c’est le nombre de techniques que l’on peut utiliser pour un même légume. Prenez l’aubergine : c’est magique, tout ce qu’on peut en faire !
Catherine Gélinas, végétalienne
Catherine Gélinas et les autres m’ont fait découvrir ces nouveaux crayons de couleur. Julien, par exemple, qui travaille comme inspecteur dans les abattoirs canadiens, est devenu végétalien après avoir travaillé dans certaines provinces où tuer les étages sont immenses. Il nous a également demandé de changer son nom afin de ne pas subir de conséquences au niveau de son travail.
« L’abattage se fait très correctement au Canada. Mais j’ai réalisé l’impact que cela avait, le nombre d’animaux qui meurent chaque jour pour que nous puissions manger de la viande. Ça m’a frappé comme un camion, dit-il. Un jour, je me suis dit : ça suffit ! » Julien m’a donné une tonne de recettes, de techniques, d’ingrédients et d’astuces.
C’est grâce à eux, et à Élise Latour, que j’ai découvert la levure nutritionnelle – surnommée parmesan vegan, qui donne un goût de fromage sans fromage ; protéine végétale texturée (PVT) – ce qui reste de la graine de soja une fois l’huile extraite, qui est séchée et conditionnée en sachets. Une fois réhydraté, le produit imite très bien la viande hachée. Honnêtement, dans le chili ou les tacos, tout ce que vous verrez, c’est du feu.
À la troisième semaine, j’avais l’impression de commencer à maîtriser mes nouveaux crayons de couleur en concevant mon propre pâté chinois végétalien. Le PVT réhydraté avec un mélange de bouillon de champignons et de vin rouge, doré dans un généreux filet d’huile d’olive, de champignons, d’oignons et d’ail haché. Purée de pommes de terre au beurre végétal et boisson à l’avoine, maïs et hop, au four. Vraiment bien.
Dans le même esprit, j’ai découvert les vertus du quinoa, de l’orge mondé et de la farine de pois chiches. J’ai trouvé des dizaines de recettes – délicieuses – à base de légumineuses et de tofu. Le mot « tofu » vous fait grincer des dents ? Vous ne le reverrez plus jamais de la même manière après avoir goûté la mousse au chocolat et tofu de Geneviève O’Gleman ou encore le viande fumée de tofu de marque TofuTofu.
Mais le véritable test de fin gourmet le végétalien est arrivé à Thanksgiving. Je voulais recevoir. Etait-ce vraiment possible en mode vegan ? Ma collègue Alice Girard-Bossé m’a donné la recette du champignon Wellington de Cuisine du New York Times. Un plat gourmand et spectaculaire. Avec une salade verte et un tartare de betterave en entrée, le repas a été une réussite.
Je suis donc resté strictement végétalien, mais je ne suis pas devenu ascète. J’ai mangé certains aliments ultra-transformés, dont mon plaisir coupable, les chips. Je buvais du vin régulièrement. J’ai mangé au restaurant, y compris, à quelques reprises, dans des fast-foods. J’ai aussi réalisé que la majorité de ces établissements proposent des options végétaliennes.
Et non, je n’avais pas faim. Les plantes et les légumineuses regorgent de fibres, la sensation de satiété était totale après un repas. J’ai même souvent eu du mal à finir mes assiettes !
Non, je n’ai pas non plus manqué de protéines. J’ai fait un petit calcul pour vous : un tartare de betterave aux graines de courge rôties, une tranche de pain complet et une tasse de boisson à l’avoine enrichie en protéines de pois, ça fait 31 grammes de protéines au total, autant que dans un blanc de poulet !
Cependant, devenir végétalien a demandé beaucoup de travail. Les menus ont dû être davantage planifiés. Recherchez des recettes. Acquérir de nouvelles techniques. Faire face à quelques repas catastrophes : le tempeh, notamment, qui n’a pas baissé du tout, et la plupart des « fauxmages », un gros blabla.
Et maintenant la question qui brûle sur vos lèvres : est-ce que j’ai continué ? Non, je ne suis pas devenu végétalien à vie. Certains aliments me manquaient beaucoup – le fromage par exemple –. Je les ai réintroduits, en quantités plus limitées, dans mon menu hebdomadaire. Pourtant, plusieurs produits – lait de vache, viande hachée – ont définitivement quitté ma vie. Mon objectif : maintenir une alimentation aux trois quarts végétale, avec occasionnellement des produits issus du monde animal.
« Le véganisme n’est pas une religion », résume Catherine Gélinas. Vous devez vous accorder une pause, vous féliciter lorsque vous essayez de nouvelles choses et ne jamais tomber dans la culpabilité. »
Faites ce que je n’ai pas fait : allez-y progressivement. Un repas par semaine, puis deux… Et je parie que vous aussi vous apprécierez vos nouveaux crayons de couleur.
Le petit lexique des légumes
- Végétariens : ils évitent la viande et le poisson, mais consomment tous les sous-produits animaux, comme les produits laitiers et les œufs.
- un pêcheur : ils évitent la viande, les produits laitiers et les œufs, mais mangent du poisson.
- Végétaliens : pas de consommation de produits ou sous-produits d’origine animale. Leur alimentation est entièrement basée sur les plantes.
- Végétaliens : non seulement ils ne consomment aucun produit ou sous-produit animal, mais ils évitent également les vêtements fabriqués à partir de matières animales, les cosmétiques testés sur les animaux ou les activités où des animaux pourraient être exploités.