Pourquoi la violence contre les policiers dans les prisons augmente-t-elle ?

Les attaques contre les agents correctionnels au Centre de détention de Québec pendant les Fêtes ne sont pas des cas isolés. D’autres agressions ont eu lieu récemment à Sorel et à Bordeaux et se sont multipliées ces dernières années dans les prisons de la province. Comment expliquer une telle augmentation des violences contre le personnel pénitentiaire ?

Les experts parlent sans détour du manque de ressources pour faire face à une population carcérale de plus en plus complexe.

Nous n’investissons pas d’argent, soutient Pierre Tabah, avocat spécialisé en droit pénitentiaire. Quand on fait face à des organisations criminelles qui en ont les moyens, il faut s’en équiper […]il faut s’adapter. Je pense que les services correctionnels ont manqué de ressources ces dernières années, en raison de la pandémie.

Selon Mathieu Lavoie, président national du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec, il manque actuellement 500 agents dans le réseau carcéral de la province, qui compte 17 établissements.

Nous avons environ 10 % de nos postes qui sont vacants et un peu plus de 10 % de personnes absentes. Il y a donc une pénurie de personnel de 20 % sur l’ensemble du réseau correctionnel.indique M. Lavoie.

En contrepartie, la population carcérale dans l’ensemble du Québec tourne autour de 120 %, précise-t-il.

Des détenus plus dangereux

La surpopulation carcérale au Québec n’explique pas à elle seule la hausse du nombre de cas de menaces envers la sécurité des agents correctionnels. Le type de détenus y est pour beaucoup.

La population carcérale a augmenté, explique M. Lavoie. Les gangs de rue sont de plus en plus présents à l’intérieur, de plus en plus violents, et veulent en prendre le contrôle pour poursuivre leurs trafics et toutes leurs activités criminelles. Nous constatons une augmentation de la violence. On le voit aussi, en même temps, avec la multiplication des intrusions par drone, qui deviennent quotidiennes dans certains établissements.

Mathieu Lavoie, président national du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec.

Photo : Avec la permission de Dominic Morissette

Entre 2018 et 2023, plus de 270 agressions ont été perpétrées contre des agents correctionnels au Québec, selon le Syndicat des agents de la paix en services correctionnels.

Non seulement les récents attentats de Québec, Sorel et Bordeaux ajoutent aux statistiques, mais ils démontrent également les dangers grandissants qui attendent les agents dans leur milieu de travail.

Nous parlons d’attaques majeures, d’attaques qui peuvent causer des blessures permanentes ou graves.dit M. Lavoie.

Ce n’est pas quelque chose qui nous surprend quand on voit l’importance de la population carcérale et les tensions à l’intérieur des murs, que l’on voit augmenter d’année en année depuis quatre ou cinq ans. Cela touche tout le personnel et les agents correctionnels de tous les établissements de détention.

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Prison de Bordeaux (Photo d’archive)

Photo : -

Des périodes d’isolement plus fréquentes

Le manque de personnel et de ressources a eu des conséquences sur la façon dont les prisons sont gérées au Québec, surtout depuis la pandémie, estime Pierre Tabah.

Ils ont décidé de se débrouiller en mettant les détenus à l’isolement. Faute de personnel, les détenus sont plus souvent enfermés [et] plus longtemps dans leur cellule. Cela rend donc le tempérament des détenus beaucoup plus difficile.explique cet avocat spécialisé en droit pénitentiaire.

Et quand on gère un système de prisonniers en les gardant en prison plus longtemps, en réduisant les portions de nourriture distribuées, en réduisant les services […]eh bien, il y a une réaction de la part des détenus.

Il suffit que quelqu’un soit plus malheureux que les autres et c’est comme une traînée de poudre. Quand ça commence, c’est difficile de s’arrêter.

Une citation de Pierre Tabah, avocat spécialisé en droit pénitentiaire

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Pierre Tabah, avocat spécialisé en droit pénitentiaire.

Photo : - / Capture d’écran / -

Mathieu Lavoie croit qu’il y a des améliorations à apporter à la formation des agents pour s’occuper de la population carcéralequi compte davantage de membres de gangs de rue, de récidivistes et de personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale.

En plus d’améliorer la formation, Me Tabah estime que des changements importants doivent être apportés à l’ensemble du réseau pour améliorer la sécurité du personnel.

Certaines installations sont vétustes et nécessitent des rénovations et davantage de budget. Il existe des systèmes à mettre en place pour se protéger contre les drones […]. Beaucoup de choses peuvent se faire administrativement… Mais cela demande des moyens.

L’augmentation de la violence à l’intérieur des prisons n’est pas seulement observable au Québec. Dans son rapport 2023-2024 sur la situation dans les pénitenciers du pays, l’Enquêteur correctionnel du Canada a fait état de 176 agressions contre des agents correctionnels dans les six établissements à sécurité maximale.

Avec les informations de Gabrielle Proulx

 
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