Les banques primaires guinéennes ne distribuent pas assez de crédit, disent-elles !

Les banques primaires guinéennes ne distribuent pas assez de crédit, disent-elles !
Les banques primaires guinéennes ne distribuent pas assez de crédit, disent-elles !

Par Diallo Safayiou*

Ces dernières semaines, nous avons assisté avec beaucoup d’attention à un panel où le financement de l’économie guinéenne a été abordé sous toutes ses facettes. Compte tenu des positions de certains participants et intervenants, les banques primaires implantées sur tout le territoire ne participent pas suffisamment au financement de l’économie guinéenne. Nous nous faisons donc un devoir de partager dans cet article nos modestes connaissances et expériences sur ce sujet important.

Avant de juger les banques, il faut d’abord connaître leurs contraintes car il n’est pas judicieux d’accorder du crédit à une relation commerciale que vous ne connaissez pas bien. Tout d’abord, il faut savoir qu’en banque, tout commence par le KYC (Know Your Customer). Dans ce pays, connaître le client est très difficile car de nombreux prospects, avant de devenir clients, retiennent l’information (cas des traders par exemple, des apporteurs de fonds). De plus, il n’est pas possible de tirer des informations précises sur certaines perspectives spécifiques comme les PPE (Personnes Politiquement Exposées) de sources publiques car elles sont inexistantes. A cela s’ajoute l’absence de plateforme de clients indésirables ou figurant sur une liste de sanctions financières nationales, sous-régionales ou régionales, de surveillance maritime ou d’exclusion RSE.

Par ailleurs, il est vrai que les contraintes de financement ont longtemps été considérées comme l’un des principaux obstacles au développement économique du pays en général et des PME en particulier. Cela ne veut pas dire que des difficultés d’accès au crédit bancaire ne soient pas observées au niveau du marché des Particuliers et des Grandes Entreprises. Si l’on prend le cas particulier des PME qu’il faut souligner, de nombreux entrepreneurs n’ont pas la notion de ce que les procédures KYC appellent les données financières (bilan, compte de résultat etc.) ni les informations financières estimées par le Relationship Manager (conseiller clientèle) dans le client. Pourtant, avant d’accorder un prêt, il faut au minimum des états financiers certifiés des trois (3) derniers exercices précédant l’année en cours afin de mieux apprécier la tendance. Cependant, même s’ils sont réalisés, ils ne reflètent parfois pas la réalité de l’entreprise. Ce n’est pas pour rien que les impayés ne font qu’augmenter dans ce pays avec un taux d’impayés (25% en moyenne) relativement élevé, ce qui limite la répartition du crédit.

Toutefois, la question du sous-financement de l’activité économique dans un contexte d’excès de liquidité bancaire reste une question centrale. Si aujourd’hui les banques préfèrent constituer des liquidités et bénéficier d’une situation de rente plutôt que de prendre le risque de financer des activités productives, notamment celles des PME, c’est aussi en partie dû à l’absence d’un Banque Centrale des Risques (différent du projet SIC de la Banque Centrale en lien avec la banque mondiale) dont le but est de réduire le risque de crédit par la collecte, le traitement et enfin le partage d’informations sur la situation financière des relations d’affaires qui sollicitent l’aide du système bancaire.

En revanche, les banques sont confrontées à plusieurs autres problèmes dans leur activité, comme la volatilité du taux de change mais aussi de l’inflation provoquée par la hausse des prix des produits importés, notamment du carburant, qui impacte directement le panier des ménages par ses effets de contagion. Concernant plus particulièrement le niveau du taux d’intérêt appliqué, il dépend du niveau de l’inflation qui était d’environ 7% sur un an en octobre 2024 (taux officiel bien entendu) et 7% suite au discours du président à la nation de la transition ( voir Discours du 31/12/2024).

A cela s’ajoute le coût de la ressource, la marge de la banque et la prime de risque. En outre, les banques rencontrent de nombreuses autres difficultés décisions de justice dans les litiges les opposant à des clients qui ne respectent pas leurs engagements. La dernière affaire qui a fait l’objet d’une médiatisation date de juin 2022 suite à l’affaire qui a été tranchée en faveur de HAMAN au détriment deAFRILANDE etECOBANK

D’autres facteurs non moins importants entrent malheureusement en ligne de compte dans cette situation. Ceux-ci incluent : frais d’enregistrement des actes, taxes, frais de notaire et d’huissier

etc., exprimés en pourcentage des montants des crédits à distribuer. Tous ces éléments contribuent à augmenter de plus en plus le coût du crédit. Par ailleurs, si les banques implantées en Guinée sont confrontées à divers problèmes comme indiqué ci-dessus, certaines d’entre elles rendent également la vie des demandeurs de crédit insupportable car,certains vendeurs abusent de leur position pour que leurs décisions soient affectées par un manque de visibilité de la part de relations commerciales qui en ont besoin

. De même,les garanties requises pour la constitution d’un prêt sont dans la plupart des cas contraignantes et portent souvent sur des actifs . Ce qui fragilise les agents économiques. Etant donné que les PME par exemple constituent un véritable vecteur de croissance économique, l’État guinéen a néanmoins créé un fonds de garantie GPP (Partial Portfolio Garantie) en 2023 sur recommandation et appui de la Banque Mondiale qui partage le risque de perte à 50% pour MPME (micro, petites et moyennes entreprises). Toutefois, à ce stade, nous ne pouvons pas nous prononcer sur l’enveloppe répartie entre les différentes banques primaires en place, même si certains observateurs estiment qu’elle serait relativement faible. Aussi, toujours sur les fonds de garantie, il existe un autre projet de garantie pour MPME de la FGPE

qui comprend même des engagements de signature avec une prise de risque de 70 %.

Par ailleurs, ce fonds de garantie des prêts, bien qu’insuffisant, permet de réduire le poids du service de la dette (capital dû + intérêts). Tout cela ne peut être possible qu’avec l’assistance de la Banque Centrale (BCRG) en sa qualité de Régulateur.

Enfin, malgré ces multiples contraintes, à fin novembre 2024, l’encours de financement de l’économie (crédits/engagements par espèces sans crédits/engagements par signature) par les banques s’élève à plus de 22,504 milliards GNF.

A notre humble avis, compte tenu de l’importance du sujet, la BCRG devrait prendre les devants pour étudier pleinement cette question car de nombreux agents économiques se plaignent de ne pas avoir accès aux services bancaires. Par ailleurs, compte tenu des chiffres dont nous disposons, le taux d’escompte n’atteignait même pas 8% à fin novembre 2022 même s’il est soutenu par ailleurs qu’il se situe autour de 15% (ce sujet fera l’objet d’une discussion plus approfondie). communication ultérieure). Cela signifie simplement que près de 92 % de la population ne bénéficie pas de services bancaires et est donc financièrement exclue. Comment développer notre pays sans aide bancaire (en l’absence de bourse) ?

Afin de ne pas faire perdre de temps au lecteur, nous comptons revenir sur ce sujet dans les prochains jours avec plus de détails (avec des informations chiffrées) afin d’éclairer l’opinion publique et l’autorité monétaire sur les véritables enjeux des réformes à entreprendre dans ce secteur. .

Notes de l’éditeur

À propos du cas Hamana Ecobank

Hamana SA, une société guinéenne, est en conflit avec Ecobank suite à des transactions financières remontant à 2011, pour le financement de l’importation de 25 000 tonnes de riz. Ecobank avait accordé des lettres de crédit d’un montant total d’environ 10 millions USD et un découvert de 5 milliards GNF à Hamana. Des désaccords sur les montants dus ont conduit à un audit comptable en 2018, révélant que Hamana devait 989 millions GNF et 7 millions USD à Ecobank. Suite à un contre-avis, le tribunal a ordonné en 2021 à Ecobank de rembourser 53 milliards GNF et 8 millions USD à Hamana, provoquant les protestations du secteur bancaire et la médiation du ministère de la Justice, aboutissant à un protocole d’accord. Un panel de cinq experts a été constitué, concluant que Hamana devait 8 millions de dollars à Ecobank, tandis que la banque devait 5 milliards de GNF à Hamana. En 2022, Hamana a rompu cet accord et engagé une procédure de saisie des actifs d’Ecobank, invoquant un jugement antérieur. Des discussions ultérieures ont révélé un montant de 310 000 dollars non crédité sur le compte de Hamana, exacerbant ainsi le conflit. La médiation ayant échoué, il semble que seule une nouvelle intervention judiciaire pourra résoudre ce différend.

À propos de Safayiou DIALLO

Safayiou DIALLO est titulaire d’un Master en Recherche en Politiques Economiques en 2014 à l’Université de Sonfonia Conakry ainsi que de 5 certificats auprès du FMI, notamment en Développement Financier et Inclusion Financière (décembre 2021), en Programmation Financière 1 et 2 (mars 2022). ), sur le Debt Sustainability Framework for Low-Income Countries (CVD PFR) (2022) et enfin dans Macroéconomique Diagnostics (2023). Il est également titulaire d’un certificat sur la Lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme auprès de l’école supérieure de la banque (avril 2019).

 
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