Arrêtés en Syrie, en fuite, impliqués dans les combats… Que deviennent les membres du régime de Bachar al-Assad ?

Ils étaient des milliers à servir un régime tyrannique. Depuis la chute de Bachar al-Assad, les nouvelles autorités syriennes traquent les fidèles du dictateur déchu. L’un d’eux, le général Mohammed Kanjo Hassan, impliqué dans les condamnations à mort à la prison de Saydnaya, a été arrêté jeudi 26 décembre près de Tartous, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). L’arrestation de “l’un des criminels du régime d’Assad (…) représente une étape importante vers l’obtention de la justice.s’est félicité la Coalition de l’opposition syrienne, qui regroupe les principaux groupes politiques en exil,

En revanche, selon les experts, la plupart des officiers supérieurs et proches du dictateur ne sont plus en Syrie. A l’inverse, les simples militaires et fonctionnaires du régime peuvent bénéficier de l’amnistie promise par le gouvernement de transition. Entre les personnes graciées, arrêtées et en fuite, voilà ce qui arrive aux personnes qui ont travaillé pour le régime syrien renversé.

Des officiers supérieurs proches de Bachar al-Assad en fuite

« Nous poursuivrons les criminels de guerre et les récupérerons dans les pays vers lesquels ils ont fui afin qu’ils reçoivent leur juste punition »a promis le chef de la coalition au pouvoir, Ahmed al-Charaa, également connu sous son nom de guerre Abu Mohammed al-Joulani, selon un communiqué publié sur Telegram le 10 décembre.

Voiture “c’est évident” que les officiers supérieurs et les lieutenants du régime “tous ont fui”a estimé le directeur de la Commission pour la justice internationale et la responsabilité (Cija), William Wiley, à la chaîne de télévision britannique Sky News. Bachar al-Assad en premier. Le jour de la chute du régime, le dictateur syrien et sa famille sont partis vers la Russie, via la base militaire russe de Hmeimim, située dans le nord de la Syrie, précise-t-il dans un communiqué.

« Il y en a à Moscou, en Iran, en Irak, au Liban… »

William Wiley, directeur de Cija

sur Sky News

« Il y a une bonne partie des anciens dirigeants syriens en Irak »confirme Adel Bakawan, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri). «Ils peuvent y trouver refuge sans être inquiétés»au vu des bonnes relations entre le régime d’Assad et Bagdad. Selon le New York TimesMaher al-Assad, le frère du dictateur syrien déchu, a fui à travers le désert irakien. Le ministère de l’Intérieur du pays a néanmoins démenti lundi sa présence en Irak, ainsi que celle d’Ali Mamlouk, l’ancien chef des services de sécurité et de renseignement syriens. Tous deux font l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par la , notamment pour complicité de crimes contre l’humanité.

Un portrait déchiré de Maher al-Assad, le frère du dirigeant syrien déchu Bashar al-Assad, gît sur le sol de sa villa à Yafour, près de Damas, en Syrie, le 23 décembre 2024. (SAMEER AL-DOUMY / AFP)

L’épouse de Maher al-Assad et leur fils ont transité par Beyrouth pour rejoindre Dubaï, a confirmé le ministre libanais de l’Intérieur sortant, Bassam Mawlawi. La principale conseillère politique de Bachar al-Assad, Bouthaïna Chaabane, est également passée par Beyrouth, selon le ministre.

D’autres membres du régime pourraient être là. « S’il y a des soldats syriens qui sont entrés au Liban et qui ne sont pas recherchés, ils peuvent passer par les voies légales et rester au Liban »a précisé Bassam Mawlawi. Et pour les responsables syriens qui seraient sur la liste de la justice internationale ? « Il y a le Hezbollah »un mouvement islamiste allié à Bachar al-Assad, sur lequel ils peuvent compter, souligne Adel Bakawan.

Les combattants pro-Assad continuent d’affronter le HTS

Dans certains bastions historiques de la minorité alaouite, dont est issu Bachar al-Assad, des combattants armés de l’ancien régime continuent de se battre. Le 15 décembre, des policiers ont incité les civils à la violence sous prétexte de « défendre les Alaouites »rapporte l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) sur X.

Les combattants pro-Assad se sont notamment repliés à Lattaquié, dans le sud de la Syrie, où se trouvent « des villes et villages dans lesquels ils peuvent trouver refuge »observe Adel Bakawan. Cédric Labrousse, doctorant spécialiste du nord-est syrien, parle de «véritable maquis de montagne, petits villages et longues routes sinueuses» sur X.

Le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS), à la tête de la coalition qui a renversé le régime, multiplie les opérations à Tartous pour neutraliser la résistance. Mercredi, une arrestation a tourné au drame, faisant 17 morts, lors d’affrontements entre les forces de sécurité générale et des hommes affiliés à un responsable de l’ancien pouvoir, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme.

Les combats entre combattants pro-Assad et forces de sécurité ont fait quatre morts à Homs. A la frontière entre la Syrie et le Liban, autour de Tell Kalakh et d’al Quba, les combats faisaient encore cours vendredi. Quant à la capitale Damas, le district à majorité alaouite Mazzé 86où certains habitants ont servi dans les forces de sécurité de Bachar al-Assad, est bloqué par HTS, selon la BBC.



Des combattants affiliés à la nouvelle administration syrienne vérifient les papiers d'un conducteur après avoir fermé une route menant à Mazzeh 86, un quartier à majorité alaouite, à l'ouest de Damas, le 26 décembre 2024. (ANWAR AMRO / AFP)

Des combattants affiliés à la nouvelle administration syrienne vérifient les papiers d’un conducteur après avoir fermé une route menant à Mazzeh 86, un quartier à majorité alaouite dans l’ouest de Damas, le 26 décembre 2024. (ANWAR AMRO / AFP)

Malgré les affrontements, les nouvelles autorités tentent de rassurer les différentes communautés syriennes. « HTS, par sa présence militaire, fait tout pour ne pas être provocateur »souligne Adel Bakawan. Malgré ces propos qui se veulent apaisants, l’analyste Sam Heller de la Century Foundation, un groupe de réflexion progressiste américain, a rapporté à l’AFP un « sentiment de vulnérabilité » qui augmente parmi les minorités.

Un haut dignitaire du régime arrêté

Le général Mohammed Kanjo Hassan a été capturé jeudi près de Tartous, avec 20 membres de sa garde du corps, rapporte OSDH, cité par l’AFP. Le chef de la justice militaire du régime Assad a condamné à mort « Des milliers de personnes lors de procès accélérés »a déclaré à l’agence de presse Diab Seria, co-fondateur de l’Association des détenus et des disparus de la prison de Saydnaya, lieu devenu symbole de la violence de la dictature. Cet officier haut gradé y enfermait des mineurs jusqu’à leur majorité, avant de leur imposer la pendaison, précise France Inter.


Une vue aérienne de la prison de Saydnaya, au nord de Damas (Syrie), le 16 décembre 2024. (SAMEER AL-DOUMY / AFP)

Une vue aérienne de la prison de Saydnaya, au nord de Damas (Syrie), le 16 décembre 2024. (SAMEER AL-DOUMY / AFP)

Vue aérienne de la prison de Saydnaya, au nord de Damas (Syrie), le 16 décembre 2024. (SAMEER AL-DOUMY / AFP)


P.
notre Adel Bakawan, des responsables arrêtés et impliqués dans des crimes graves, tels que “l’usage d’armes chimiques ou la torture”sera probablement « jugé lors de procès publics ». Pour d’autres, sans preuve directe, « il est très probable qu’ils soient libérés dans le cadre de ce qu’on appelle la justice transitionnelle »souligne le chercheur.

Amnistie accordée aux militaires et fonctionnaires

Les soldats ordinaires ne sont pas ciblés par HTS. « Nous avons accordé l’amnistie à ceux qui étaient en service obligatoire »» a déclaré Ahmed al-Sharaa. Appelés à remettre leurs armes et leurs papiers militaires aux nouvelles autorités, ils se sont présentés par centaines ces derniers jours à Damas pour se faire enregistrer, selon l’Associated Press.


Des militaires du régime syrien déchu viennent se faire enregistrer auprès des nouvelles autorités, le 23 décembre 2024, à Alep (Syrie). (KASIM RAMMAH/ANADOLU/AFP)

Des militaires du régime syrien déchu viennent se faire enregistrer auprès des nouvelles autorités, le 23 décembre 2024, à Alep (Syrie). (KASIM RAMMAH/ANADOLU/AFP)

Des militaires du régime syrien déchu viennent se faire enregistrer auprès des nouvelles autorités, le 23 décembre 2024, à Alep (Syrie). (KASIM RAMMAH / ANATOLIE / AFP)

Les autorités vérifient qu’ils ne mentent pas sur leur situation. « Nous avons des listes avec les noms de personnes recherchées, parmi lesquelles plus de 50 officiers de haut rang. Nous les avons identifiés sur la base de vidéos et de témoignages”a expliqué un combattant HTS, stationné à Tartous, à Monde. Cette promesse d’amnistie a en tout cas ramené près de 2 000 soldats qui avaient fui en Irak lors de la chute du régime, rapporte Reuters.

“Beaucoup de gens se sont rendus pour avoir certaines garanties de rester dans le pays et de ne pas vivre dans la panique”.

Adel Bakawan, chercheur à l’Ifri

sur franceinfo

Diplomates, fonctionnaires et “Tous ceux qui n’ont pas été impliqués dans des crimes contre le peuple syrien ont été amnistiés”explique Adel Bakawan tout comme «les membres du parti Bass». Le parti au pouvoir a depuis annoncé sa suspension.

L’ancien Premier ministre Mohammed al-Jalali a également bénéficié de cette amnistie. « Lorsque les nouvelles autorités sont arrivées à Damas, la première personne qu’elles ont rencontrée était lui. Il est resté à son poste jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement.»se souvient Adel Bakawan. Mohammed al-Jalali s’est immédiatement déclaré prêt à soutenir le nouveau “direction”.

 
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