La tension monte entre Cogeco et Telus, deux concurrents qui attendent une décision importante du régulateur à venir en début d’année concernant la revente de services Internet.
Le PDG de Cogeco, Frédéric Perron, dénonce la campagne que vient de lancer Telus, la qualifiant de propagande.
Depuis la fin novembre, Telus appelle les Canadiens à signer une pétition pour contester la décision du gouvernement fédéral du mois dernier de demander au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) de réévaluer la possibilité pour Telus d’offrir des services Internet par fibre optique au Québec. et l’Ontario selon les règles actuelles permettant l’accès aux réseaux concurrents, notamment celui de Cogeco.
Dans une déclaration en novembre, le ministre canadien de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a exprimé ses inquiétudes quant à la viabilité des petits FAI proposant des solutions alternatives et quant à la poursuite des investissements dans l’infrastructure Internet. Il a donné 90 jours au CRTC pour réexaminer la situation.
Le CRTC avait précédemment déclaré en août que les opérateurs étaient considérés comme de « nouveaux concurrents » susceptibles de perturber le statu quo au profit des consommateurs lorsqu’ils opèrent à l’extérieur de leur territoire.
L’organisme de réglementation avait cité un avis du Bureau de la concurrence selon lequel les avantages d’autoriser les services d’accès haute vitesse de gros l’emportent probablement sur les risques.
Un argument avancé en faveur d’un examen est que le CRTC n’a pas correctement pris en compte l’effet à long terme du regroupement par les grands opérateurs, car les petits acteurs n’offrent pas de services sans fil, ce qui peut les désavantager.
Frédéric Perron ajoute que Telus profite d’une faille dans la réglementation permettant aux grands opérateurs d’accéder aux réseaux de leurs plus petits concurrents.
Le système d’accès Internet tiers n’a pas été conçu pour être utilisé par les grands fournisseurs, dit-il.
Selon Frédéric Perron, le CRTC doit combler cette lacune pour que le régime fonctionne comme il était initialement censé le faire.
Ces dernières années, les grands opérateurs ont racheté des fournisseurs plus petits qui utilisaient les réseaux d’autres acteurs régionaux en profitant des règles Internet de gros. Aujourd’hui, ils font partie des trois grands, affirme le patron de Cogeco, et bénéficient encore de ces règles.
Frédéric Perron soutient que pour un fournisseur régional comme Cogeco, cela signifie que près de 50 % des consommateurs qui utilisent son réseau via le régime réglementé d’accès aux services Internet de gros sont en fait des clients de grands opérateurs.
Telus, de son côté, demande au CRTC de maintenir le statu quo et soutient que la demande faite par le gouvernement fédéral au CRTC crée de l’incertitude pour les consommateurs en plus de menacer les « progrès » réalisés par Telus grâce à son service Internet et ses forfaits. intégrant des services mobiles, du divertissement, de la domotique, des technologies de sécurité, etc.
«Cette propagande de Telus est complètement absurde», affirme Frédéric Perron.
Telus se présente comme un nouveau concurrent pour les services Internet dans plusieurs régions du Québec et de l’Ontario, ce qui irrite Frédéric Perron. « Qui ne connaît pas Telus ? Ils sont déjà présents. Ils ont un réseau cellulaire. Ce n’est pas un nouveau joueur. »
Deuxièmement, ajoute-t-il, Telus prétend pouvoir baisser les prix. «Mais les prix baissent à l’Est et augmentent à l’Ouest, où Telus exploite un réseau», a indiqué le patron de Cogeco sans plus de précisions sur sa déclaration.
Ce n’est pas en écrasant un joueur comme Cogeco que Telus aidera la concurrence à long terme. Il s’agit d’une propagande malhonnête démontrant que Telus dispose de gros budgets marketing pour nous écraser.
Frédéric Perron, PDG de Cogeco
Chez Telus, la vice-présidente régionale du marketing, Nathalie Dionne, répond que Telus est un nouveau concurrent pour Internet dans l’est du pays.
« Nous sommes bien connus en mobilité, mais il n’en demeure pas moins que nous offrons Internet dans peu de territoires au Québec. Nous sommes vraiment un acteur émergent au Québec et en Ontario. Pouvoir pénétrer sur ces territoires nous permet de servir nos clients avec plus d’options de regroupement de services, permettant ainsi plus d’économies et de choix », a-t-elle déclaré, précisant que le CRTC a établi des règles claires concernant les prix de revente en tenant compte des coûts pour les opérateurs d’infrastructures.
Dans un document d’intervention devant le CRTC daté du 12 décembre, Telus soutient que sa part du marché Internet en Ontario et au Québec est inférieure à 4 %, ce qui la place derrière Bell, Rogers, Vidéotron, Cogeco et TekSavvy.
« Ce n’est pas viable que cela devienne un bar ouvert », estime Frédéric Perron. Cela ne vaut plus la peine d’investir pour connecter les maisons et entretenir un réseau si tout le monde peut l’utiliser. »
L’avenir d’Internet au pays est lié à la décision que prendra le CRTC cet hiver, selon lui.
« Les règles du CRTC n’ont pas été conçues pour encourager l’expansion des grands fournisseurs, mais plutôt pour encourager la concurrence, et ce n’est pas en écrasant des acteurs comme Cogeco et Eastlink que Telus aidera la concurrence à long terme. Tout le monde est d’accord, sauf Telus», dit-il.
Frédéric Perron affirme que la menace est existentielle pour Cogeco.
« Cela représente un risque énorme pour la pérennité des acteurs régionaux. Nous avons réalisé des analyses financières qui montrent que nous perdrions des parts de marché significatives si la situation ne changeait pas. Cela ferait mal financièrement. Telus commence seulement à exploiter la faille du système», affirme Frédéric Perron.