Au tribunal correctionnel du Vaucluse,
Un sanglot profond parcourt la pièce. Irrépressible. Animal, presque. Celle d’une mère. Le président du tribunal correctionnel du Vaucluse vient d’annoncer que son fils, l’un des cinquante hommes accusés du viol de Gisèle Pelicot, a été condamné à neuf ans de prison. Quant à vingt-trois autres accusés, un mandat de dépôt a été émis contre lui : celui qui était arrivé libre ira en prison dès la fin de l’audience. Elle ne peut pas le voir et ne pourra pas le serrer une dernière fois dans ses bras : compte tenu de l’affluence extraordinaire, les proches de l’accusé suivent le verdict dans une salle de diffusion.
Pendant près d’une heure et demie, le président du tribunal, Roger Arata, a livré l’épilogue de ces quinze semaines d’audience. Sans surprise, Dominique Pelicot a été condamné à la peine maximale – vingt ans – avec une possible peine de détention de sécurité. En entendant ces mots, « l’ogre de Mazan » parut particulièrement ému. Installés à quelques mètres de lui, face au box, Gisèle Pelicot et ses enfants sont restés stoïques. Quarante-huit prévenus ont également été reconnus coupables de « viol aggravé », condamnés à des peines allant de deux à quinze ans de prison. Les deux derniers ont été condamnés à un an de prison pour « agression sexuelle ».
“Cet enfoiré n’a mis que vingt ans”
Si les peines sont toutes inférieures à celles demandées par le parquet (sauf pour Dominique Pelicot), seuls neuf accusés sont sortis libres du tribunal, dont trois sont sous mandat de dépôt différé et devraient rapidement être incarcérés. Beaucoup s’étaient préparés, arrivant à l’audience avec un gros sac en prévision d’une éventuelle détention. Avant la lecture du verdict, on a vu ici et là dans les couloirs du tribunal des compagnes, des filles et des parents des accusés les serrer longuement dans leurs bras, les yeux rouges.
Mais même en s’y préparant, la phrase est un choc. Sur les bancs de la salle de diffusion, la fille d’un accusé sanglotait sans pouvoir s’arrêter. Une jeune femme se lève soudain, les larmes aux yeux, en entendant le tribunal prononcer une peine de dix ans de prison contre un prévenu que l’on devine être son père. La solidarité s’instaure. Beaucoup s’embrassent, se consolent. Il y a de la colère aussi contre Dominique Pelicot. « Ce salaud n’a mis que vingt ans », s’écrie une femme, dévastée.
« Justice complice »
Beaucoup mettront beaucoup de - à quitter cette salle, longtemps après l’annonce du verdict. Parce que dehors, c’est l’effervescence. Deux cents féministes manifestent devant le palais de justice. Lorsqu’ils ont appris le contenu des phrases, ils n’ont pas non plus caché leur frustration. Mais parce qu’ils les trouvent trop faibles. « Justice complice », « honte à la justice », « appel du parquet »… scandent-ils en chœur. Ils ont hué copieusement les quelques accusés laissés en liberté, qui n’ont eu d’autre choix que de traverser cette foule pour quitter le tribunal. Gisèle Pelicot a reçu une longue ovation. L’escorte policière peine à contenir la foule.
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Et que pense-t-elle de ces phrases ? Ses enfants disaient qu’ils les trouvaient trop bas. Gisèle Pelicot n’en a pas parlé lors de sa brève déclaration, préférant se concentrer sur l’avenir. « Je pense aux victimes méconnues, dont les histoires restent souvent dans l’ombre. Je veux que vous sachiez que nous partageons le même combat », a-t-elle déclaré, se disant confiante dans la capacité « de saisir un avenir dans lequel tous, femmes et hommes, pourront vivre en harmonie ».