Logos des constructeurs automobiles japonais Honda et Nissan, le 4 mars 2009 à Genève (AFP / NICHOLAS RATZENBOECK)
Le géant automobile japonais Honda a indiqué mercredi qu’il étudiait la possibilité d’une fusion avec son compatriote en difficulté Nissan, fusion qui donnerait naissance au numéro 3 mondial, pour mieux faire face à Tesla et à leurs rivaux chinois du secteur électrique.
Déjà associés dans un “partenariat stratégique”, les constructeurs vont entamer des négociations pour se réunir sous la houlette d’une holding unique et signeront “prochainement” un protocole d’accord, précise le quotidien Nikkei.
“Comme annoncé en mars et août, nous discutons des possibilités de coopération dans de nombreux domaines” et une fusion “fait partie des possibilités”, a répondu un porte-parole de Honda à l’AFP.
Les deux groupes « explorent diverses possibilités de collaboration, pour tirer parti de leurs atouts respectifs », a simplement indiqué Nissan.
Honda envisage plusieurs options : fusion, fusion capitalistique ou société holding, a indiqué son vice-président Shinji Aoyama à l’agence Bloomberg. Selon la télévision japonaise TBS, l’annonce officielle pourrait intervenir dès lundi.
Honda et Nissan sont respectivement le deuxième et le troisième constructeur japonais derrière Toyota.
Ils envisagent d’inclure Mitsubishi Motors, dont Nissan est le principal actionnaire, au sein de la holding, explique Nikkei : cela donnerait naissance au troisième groupe automobile mondial, derrière Toyota et l’allemand Volkswagen.
À eux deux, Nissan, Honda et Mitsubishi cumulent 4 millions de véhicules vendus au premier semestre 2024, contre 5,16 millions pour Toyota.
Suite à des informations de presse, Nissan s’envolait mercredi de 23,69% à la Bourse de Tokyo, Mitsubishi de 19,64%, tandis que Honda reculait de 3,03%.
– « Nécessité stratégique » –
Makoto Uchida (à gauche), PDG du constructeur automobile japonais Nissan, et Toshihiro Mibe (D), patron du constructeur automobile Honda, se serrent la main au début d’une conférence de presse à Tokyo, le 1er août 2024 (AFP / Richard A. Brooks)
Honda et Nissan ont annoncé en mars un protocole d’accord pour un « partenariat stratégique », souhaitant collaborer sur des plateformes logicielles et des composants pour véhicules électrifiés. Initiative à laquelle Mitsubushi a adhéré en août.
Les constructeurs japonais cherchent à l’unisson à renforcer rapidement leur position dans le secteur électrique, dont le décollage en Chine et en Europe les a rattrapés.
Une fusion serait « une nécessité stratégique (…) les coûts croissants du développement des véhicules électriques et des batteries rendent la coopération nécessaire pour gérer les risques, réduire le fardeau financier » et « sécuriser les chaînes d’approvisionnement » dans un contexte de rentabilité étroite, Tatsuo Yoshida, analyste de Bloomberg Intelligence. , a déclaré à l’AFP.
Pour Nissan, soumis à une forte pression financière, « une fusion apporterait un répit à court terme », ajoute-t-il : le groupe a annoncé début novembre qu’il allait supprimer 9 000 emplois dans le monde et réduire ses capacités de production pour s’adapter à la chute des prix. ventes, notamment en Chine face à la concurrence des marques électriques locales.
De son côté, faute de masse critique, Honda peine à développer des technologies d’électrification. Elle vient d’échouer dans ses négociations avec General Motors pour le développement commun d’un véhicule électrique.
“Honda bénéficierait d’économies d’échelle en termes de réduction des coûts et de diversification des modèles”, alors que sa gamme n’a guère évolué ces dernières années et ne comprend aucun véhicule électrique, souligne Seiji Sugiura, de Tokai Tokyo Intelligence.
Mais l’équation organisationnelle sera “très compliquée”, prévient M. Yoshida : “Compte tenu de la faiblesse financière de Nissan, Honda pourrait chercher à avoir plus d’influence dans la gouvernance de la nouvelle entité”.
Signe du statut de proie de Nissan : le géant taïwanais de l’électronique Foxconn (Hon Hai), fournisseur d’Apple, s’est rapproché du constructeur pour acquérir une participation majoritaire, selon Bloomberg.
– Rattraper –
Les groupes japonais se sont longtemps concentrés sur les véhicules hybrides mêlant motorisation thermique et électrique, très appréciés au Japon, où ils représentaient 40 % des ventes en 2022.
Seulement 1,7 % des voitures vendues dans l’archipel cette année-là étaient électriques, contre 15 % en Europe occidentale et 5,3 % aux États-Unis.
Cela a conduit les constructeurs japonais à négliger l’essor de la demande mondiale de véhicules entièrement électriques, ce qui a permis à la Chine de dépasser le Japon en tant que premier pays exportateur de véhicules en 2023.
Au Japon même, le marché est désormais bousculé par l’américain Tesla, le champion chinois BYD, et le retour du sud-coréen Hyundai avec des véhicules électrifiés.
Alarmé, Honda a annoncé en mai vouloir doubler ses investissements dans l’électrification pour atteindre 65 milliards de dollars d’ici 2030, avec pour objectif de vendre des véhicules 100 % électriques d’ici 2040.
Nissan avait assuré en mars que 16 de ses 30 nouveaux modèles au cours des trois prochaines années seraient « électrifiés ».
Une fusion leur donnerait les moyens de leurs ambitions – et pourrait tourner la page de l’alliance historique de Nissan avec le français Renault, déjà considérablement réduite l’an dernier.
Nissan était hostile à toute fusion avec Renault, mais une fusion avec Honda « pourrait être considérée comme plus équilibrée et équitable », estime Tatsuo Yoshida. “Compte tenu de la détérioration de sa situation financière, Nissan n’a peut-être pas beaucoup de choix.”
