“Nous avons un besoin urgent d’aide« . Face au quartier Doujani à Mayotte, «complètement détruit», Naouelle Bouabbas lance un appel de détresse. Pas plus tard que la semaine dernière, des centaines de maisons se trouvaient ici. Cabanes précaires. Tôle ondulée pour les murs, poutres en bois pour la structure. Aujourd’hui, il ne reste que des ruines. Un village fantôme. « Époustouflé », par le tourbillon du cyclone Chido.
“C’est fou ce qu’on vit ici”
“Il n’y a plus de vies à sauver ici», déplore ce praticien en milieu hospitalier. Le plus dur commence pour les survivants : compter les morts. Seul. “Rien n’est en place pour chercher des personnes sous les décombres», s’enrage Naouelle.
Une colère partagée par Iri, une étudiante mahoraise ayant grandi dans le quartier Kaweni, surnommée «le plus grand bidonville de France« . Un quartier qui se conjugue désormais avec le passé : «Toute la journée, on cherchait des gens dans les décombres», rembobine-t-il, le ton sérieux.
Il insiste : «Il y a eu des morts. Je connais quelqu’un qui s’est pris un morceau de tôle dans le ventre. La coupure l’a vidé“.Sauvetage?”Ils ne montent pas dans les hauteurs. On arrive entre nous à dégager la route», déplore-t-il.
“Ils ont installé une tente à l’hôpital de Mamoudzou. Nous essayons d’y emmener les blessés. Tout à l’heure, j’étais dans la voiture avec un homme presque mort. C’est fou ce qu’on vit ici« .
Le manque de moyens résonne jusqu’à Naouelle, jusqu’à Doujani. “Actuellement, rien n’est prévu pour rechercher des personnes sous les décombres. J’ai accueilli une femme qui n’a pas bu depuis 3 jours et qui est à la rue, qui a tout perdu. C’est le cas de milliers de personnes« .
Survivre au chaos
“Tout ce que l’on sait de Mayotte a disparu« . Même constat de désolation en centre-ville de Mamoudzou pour Guy, un Congolais demandeur d’asile à Mayotte. Des kilomètres de routes dans les jambes, le père de deux enfants est venu dénicher quelques précieux bars du réseau près de la mairie de la capitale.
“Même les maisons permanentes sont concernéesrépète-t-il devant les toits arrachés. Comment dormir et protéger nos enfants alors que nous sommes en pleine saison des pluies», s’indigne-t-il.
Tout est devenu compliqué, épuisant, anxiogène… Du carburant ? Les gares sont saturées. Espèces? Les distributeurs sont assiégés. Eau? Nourriture? Savon…”Les magasins sont vides. Nous ne pouvons même pas trouver de sel», s’alarme Guy.
Une pénurie qui inquiète aussi les consommateurs des supermarchés qui se ruent en masse dans les rayons. “Rien n’est en place pour leur distribuer de la nourriture et des boissons», regrette Naouelle Bouabbas. Conséquence : «Il y a des pillages dans les magasins et les pharmacies», prévient-elle.
Sur une île au climat social déjà étouffant, la peur d’un embrasement est palpable. Une inquiétude relativisée par Iri. “Des délinquants des bidonvilles ? Ils se fondent désormais dans la masse des galériens. Je pense que beaucoup sont traumatisés. La plupart d’entre eux ne dorment jamais dans des maisons permanentes. Ils ont perdu des êtres chers. Pour l’instant, c’est comme si Chido avait remis les compteurs à zéro« .
En attendant une véritable aide, le jeune homme ne compte quasiment que sur lui-même et ses proches. Ou du moins ceux qui ne manquent plus.