(Damas) L’ONU a prévenu mardi que le conflit n’était “pas encore terminé” en Syrie, où les nouvelles autorités dominées par des islamistes radicaux tentent de rassurer sur leur capacité à pacifier et à réunifier le pays, fragmenté et dévasté. par 13 ans de guerre civile.
Publié à 6h38
Mis à jour à 15h25
Etienne TORBEY, avec Marisol RIFAI à Beyrouth
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Alors que plusieurs missions étrangères rencontraient les nouveaux dirigeants à Damas, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, s’est exprimé devant le Conseil de sécurité sur les affrontements dans le nord du pays entre les forces kurdes syriennes et des groupes soutenus par la Turquie, au lendemain de la Offensive rebelle qui a chassé Bachar al-Assad du pouvoir le 8 décembre.
Il s’est dit “sérieusement préoccupé” par l’expiration d’un cessez-le-feu, négocié sous l’égide américaine, avant que Washington n’annonce sa prolongation “jusqu’à la fin de la semaine”.
Soutenant le nouveau pouvoir syrien, la Turquie estime que les forces kurdes implantées dans le nord-est – soutenues par les États-Unis contre les jihadistes du groupe État islamique (EI) – proviennent de son ennemi juré, le Parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK séparatiste.
« Dissolution » des factions armées
Le nouveau pouvoir entend étendre son autorité sur les zones kurdes du nord-est de la Syrie, a déclaré à l’AFP le chef militaire du groupe radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), qui en a pris la tête.
Mourhaf Abou Qasra, connu sous son nom de guerre Abu Hassan al-Hamwi, a annoncé que « la prochaine étape » serait la dissolution des factions armées pour les fusionner au sein de la future institution militaire. Le HTS sera « le premier à prendre l’initiative » de se dissoudre, a-t-il ajouté.
Il a également appelé l’ONU, les Etats-Unis et les pays européens concernés à retirer HTS – l’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda, qui affirme avoir rompu avec le djihadisme – de leurs listes d’organisations « terroristes ».
Bien qu’avec suspicion, l’Occident cherche à établir des liens avec le nouveau pouvoir.
La France, dont le drapeau a de nouveau été hissé sur l’ambassade, fermée depuis 2012, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont envoyé des émissaires à Damas et Washington a établi des contacts avec HTS.
Des diplomates allemands ont eu mardi un premier entretien avec le chef du HTS, selon le ministère allemand des Affaires étrangères.
« La France se prépare à être aux côtés des Syriens », a déclaré l’envoyé français Jean-François Guillaume.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a jugé que l’UE – qui s’est dite « prête » à rouvrir sa représentation à Damas – devrait « intensifier » ses relations avec HTS.
«Loup déguisé en agneau»
Israël, de son côté, affiche sa méfiance à l’égard des nouvelles autorités du pays voisin : son Premier ministre, Benjamin Netanyahu, a tenu mardi une réunion de sécurité en Syrie, au sommet du mont Hermon, aux confins d’une partie du Golan. occupée et annexée par Israël, où l’armée israélienne a été déployée après le 8 décembre.
Son vice-ministre des Affaires étrangères, Sharren Haskel, a qualifié le leader du HTS, Abu Mohammad al-Jolani, qui se fait désormais appeler par son vrai nom, Ahmad al-Chareh, de « loup déguisé en mouton ». L’armée israélienne a lourdement bombardé les sites militaires syriens depuis le 8 décembre, pour empêcher leur capture par les nouvelles autorités.
Le chef militaire du HTS a appelé à la fin des frappes et des « incursions » israéliennes.
Partout dans le pays, les habitants s’efforcent de reprendre leur vie, près de 14 ans après le début de la guerre civile, déclenchée en 2011 par la répression de manifestations pro-démocratie, et qui a fait un demi-million de morts et poussé à l’exil six millions de Syriens.
Dans les vieux souks de Damas, où la plupart des magasins ont rouvert, les commerçants ont peint leurs façades en blanc pour effacer les couleurs de l’ancien drapeau syrien à deux étoiles.
La plupart des prix des produits de première nécessité ont baissé suite à la levée temporaire des taxes.
« Pas de service de base »
« Tout s’est produit d’un coup : la chute du régime, la baisse des prix, l’amélioration de la vie. Nous espérons que ce n’est pas temporaire», raconte Abou Imad, qui a transformé sa voiture en petite épicerie sur une place de la capitale.
Mais l’ONU estime que sept Syriens sur dix ont besoin d’une aide internationale et a « déconseillé » mardi un retour « à grande échelle » des réfugiés jusqu’à ce que la situation soit stabilisée.
Dans un pays à majorité sunnite, mais multiethnique et multiconfessionnel, les nouvelles autorités sont également scrutées sur le traitement qui sera réservé aux minorités.
Selon l’agence des Nations Unies pour les migrations (OIM), des membres de minorités religieuses ont fui le pays par crainte de « menaces potentielles ».
M. Chareh a prôné lundi “un contrat social entre l’Etat et toutes les confessions pour garantir la justice sociale”.
Devant une délégation britannique, il a également « souligné la nécessité de lever toutes les sanctions imposées à la Syrie afin de permettre le retour des réfugiés ».
Certains ont commencé à regagner leurs foyers, comme à Maaret al-Noomane, dans l’ouest, où les combats qui ont éclaté en 2012 ont laissé un paysage dévasté.
Kifah Jaafer, chef local de la « Direction des zones libérées », rappelle que « la ville manque de tout », notant qu’il n’y a « pas d’écoles, aucun des services de base ». […] Il faudra […] beaucoup d’aide.