Grippe aviaire, menace d’une future pandémie ? La vigilance est plus importante que jamais, disent les experts, face aux signes de mutation du virus à mesure qu’il se propage parmi les vaches laitières et infecte les humains aux États-Unis.
À ce stade, rien n’indique que cette maladie se transmettra un jour entre humains et les autorités sanitaires américaines continuent de considérer comme faible le risque pour la santé de la population générale.
La grippe aviaire A (H5N1) est apparue en 1996 en Chine, mais depuis 2020, le nombre de foyers chez les oiseaux a bondi, un nombre croissant d’espèces de mammifères ont été touchées ainsi que des régions du monde auparavant épargnées, comme l’Antarctique.
Nouvelle évolution
Plus de 300 millions de volailles ont été tuées en raison de la maladie depuis octobre 2021, et 315 espèces d’oiseaux sauvages touchées ont été détectées dans 79 pays, a indiqué l’Organisation mondiale de la santé animale.
Les mammifères qui mangeaient des oiseaux morts infectés, comme les phoques, ont également commencé à mourir en masse.
Nouveau développement en mars : cas de grippe aviaire dans plusieurs troupeaux de vaches laitières aux Etats-Unis.
Selon les Centers for Disease Control and Prevention, 58 personnes ont été testées positives pour la grippe aviaire dans le pays cette année, dont deux n’ayant jamais été exposées à des animaux infectés.
En novembre, des chercheurs ont rapporté que 8 des 115 travailleurs laitiers testés dans le Michigan et le Colorado présentaient des anticorps contre la grippe aviaire, ce qui suggère un taux d’infection de 7 %.
Plusieurs éléments suggèrent que “la grippe aviaire frappe à notre porte et pourrait déclencher une nouvelle pandémie”, estime Meg Schaeffer, épidémiologiste à l’institut américain SAS.
Plusieurs obstacles empêchent encore le virus H5N1 de se propager facilement entre humains, notamment la nécessité de muter pour infecter plus efficacement les poumons.
Mais la version de la grippe aviaire qui infecte les vaches américaines n’est qu’à une mutation de se propager plus facilement parmi les humains, selon une étude publiée jeudi dans la revue Science.
Bientôt plus dangereux ?
Pour le virologue Ed Hutchinson, de l’Université de Glasgow en Écosse, cela suggère que le virus H5N1 n’est qu’à « un pas » de devenir « plus dangereux pour nous ».
Le récent séquençage génétique d’un adolescent canadien très malade de la grippe aviaire a montré que le virus avait commencé à évoluer pour trouver des moyens de se lier plus efficacement aux cellules du corps, a déclaré le chercheur au Science Media Centre.
Mais, a-t-il ajouté, « nous ne savons pas encore si le virus de la grippe H5N1 évoluera vers une maladie humaine », et d’autres obstacles subsistent.
Or, plus le virus est capable d’infecter différents animaux et espèces, « plus il est probable qu’il s’adapte pour mieux infecter les humains », prévient Meg Schaeffer.
Et si une pandémie de grippe aviaire devait éclater, elle serait « extrêmement grave » chez l’homme, faute d’immunité acquise, selon elle.
Les cas parmi les ouvriers agricoles américains ont été relativement bénins jusqu’à présent. Mais près de la moitié des 904 cas humains de H5N1 enregistrés depuis 2003 ont été mortels, selon l’Organisation mondiale de la santé.
Appelant à « se préparer à l’éventualité d’une pandémie de grippe aviaire », Maria Van Kerkhove, qui dirige le Département de prévention et de préparation aux épidémies et pandémies de l’OMS, a jugé fin novembre que « nous n’en sommes pas encore là » mais que « nous devons redoubler de vigilance ».
Évitez le pire des scénarios
Pour Tom Peacock, virologue à l’Imperial College de Londres, il y a des raisons de ne pas être trop pessimiste. Des traitements antiviraux et des vaccins sont ainsi disponibles contre la grippe aviaire, une différence majeure par rapport au Covid en 2020, a-t-il expliqué à l’AFP.
Pour éviter le pire, plusieurs experts de la santé ont appelé à renforcer, notamment aux Etats-Unis, les contrôles, les équipements de protection pour les travailleurs susceptibles d’être exposés, mais aussi le partage d’informations.
Vendredi, le ministère américain de l’Agriculture a annoncé un plan visant à tester l’approvisionnement en lait pour détecter le virus de la grippe aviaire.
Le lait cru ou non pasteurisé est particulièrement préoccupant car il s’est avéré contaminé à plusieurs reprises. Mais Robert F. Kennedy Jr, vaccino-sceptique choisi par Donald Trump comme prochain ministre de la Santé des États-Unis, en est fan.
Une éventuelle levée des restrictions sur le lait cru « mettrait en danger la santé humaine », selon Meg Schaeffer.
(AFP)