À bord de sa petite voiture, dans laquelle nous prenons place pour nous rendre à l’appartement d’un de ses patients, le Dr Patrick Bernier nous avoue qu’il essaie de se détendre un peu.
J’essaie d’y aller doucement; Je conduis plus « cowboy » que d’habitude !
confie le médecin de famille spécialisé en psychogériatrie.
Le Dr Bernier se rend dans une résidence privée pour aînés du quartier Lebourgneuf à Québec. Il s’occupe de patients présentant des problèmes cognitifs souvent accompagnés de troubles de santé mentale.
A la maison, ils seront moins anxieux, plus dans leur élément
il explique.
L’objectif est que ces patients restent le plus longtemps possible à leur domicile, malgré leur état de santé, loin des urgences et CHSLD. Le médecin les évalue à domicile afin qu’en fonction de leur état, les préposées aux bénéficiaires et les infirmières qui les accompagnent adaptent leurs soins.
Les médecins qui font des visites à domicile, comme le Dr Patrick Bernier, prennent beaucoup de - pour se déplacer, ce qui signifie qu’ils voient nécessairement moins de patients qu’au cabinet.
Photo : - / Jean-Michel Cloutier
L’ampleur du problème exponentiel
Au Québec, près de 20 000 personnes attendent un premier service de maintien à domicile. Les gouvernements successifs ont promis depuis des années une transition vers les soins à domicile, mais ils n’ont jamais pleinement tenu leurs engagements.
Face au vieillissement rapide de la population et au resserrement des finances du réseau de la santé, les acteurs, dont le Dr Bernier, expriment leurs inquiétudes.
Je ne pense pas qu’on aille nécessairement dans la bonne direction en matière d’accès aux soins.
Le gouvernement cherche à réduire les dépenses de 1,5 milliard de dollars dans le système de santé. Le 29 novembre, le ministre de la Santé, Christian Dubé, reconnaissait qu’il pouvait y avoir des répercussions sur les patients.
Je ne sais pas comment nous allons réussir. […] Je pense que les équipes comme la nôtre méritent d’être développées et plus répandues aussi
croit le Dr Bernier.
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Dr Patrick Bernier dans les bureaux de l’établissement Christ-Roi du CIUSSS de la Capitale-Nationale
Photo: - / Pierre-Alexandre Bolduc
Sa petite équipe de cinq médecins travaille en étroite collaboration avec des infirmières, des préposés aux bénéficiaires, des ergothérapeutes et plusieurs autres professionnels qui desservent les régions de Québec, de la Côte-de-Beaupré et de Portneuf.
C’est sûr que c’est moins de frais ; nous ne le cacherons pas. C’est plus facile pour le système de santé si les gens restent chez eux
argumente le médecin.
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La Dre Leila Mekki Berrada fait partie d’une équipe de cinq médecins spécialisés en gériatrie qui effectuent des visites à domicile dans la région de la Capitale-Nationale. Ils tentent d’aider les patients souffrant de troubles neurocognitifs.
Photo: - / Pierre-Alexandre Bolduc
Patrick Bernier admet également qu’il voit mal comment Santé Québec, le nouvel employeur unique du réseau de la santé, améliorera la situation. Celui qui dit qu’il a vécu
plusieurs fusions dans le réseau prônent plutôt la décentralisation et un modèle où les gens se parlent plutôt que de s’envoyer des papiers
.
On a une certaine dérive vers les structures, constate-t-il. En tant que clinicien, je n’y vois pas beaucoup d’avantages.
Un plan trop tard pour relever le défi à venir ?
En 2031, 1 Québécois sur 4 aura plus de 65 ans. En 2061, ce sera près de 1 Québécois sur 3. Le besoin de soins à domicile va donc croître de façon exponentielle.
En entrevue à son bureau à l’Assemblée nationale, la ministre responsable des Aînés, Sonia Bélanger, dit garder son calme, même si la pression risque d’être énorme. Elle a annoncé fin novembre qu’elle présenterait d’ici un an une nouvelle politique nationale de maintien à domicile, mais les organisations estiment qu’il est déjà trop tard.
Cette année, nous visons à atteindre 400 000 personnes bénéficiant d’un maintien à domicile. C’est 10 000 de plus que l’année dernière
souligne le ministre.
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La ministre responsable des Aînés, Sonia Bélanger, défend le bilan de son gouvernement en matière de soins à domicile. Elle maintient que les objectifs qu’elle s’était fixés ont été atteints et qu’elle poursuit le travail.
Photo : - / Jean-Michel Cloutier
À aucun moment, le ministère de la Santé ne peut prendre 100 % du budget dont dispose le gouvernement. Il est très important de respecter le budget.
Même si elle soutient que le gouvernement a augmenté le financement des soins à domicile, le nombre d’heures de service et le nombre de postes, les critiques accusent la Coalition Avenir Québec (CAQ) de miser sur le modèle des résidences pour personnes âgées. La mise en œuvre de cette promesse phare du gouvernement Legault a coûté en moyenne 825 000 $ par unité.
Il est véritablement utopique de penser que toutes les personnes vieillissantes au Québec pourront demeurer chez elles, explique Mme Bélanger. Et les résidences pour personnes âgées, on est en train de transformer le modèle d’habitation au Québec avec ça. C’est extraordinaire ce qui se passe là-bas. J’en suis très fier.
Des soignants à bout de souffle
J’ai sept téléphones depuis ce matin, puis tout le monde va sur liste d’attente
déplore le responsable du répit à l’Association des proches aidants de la Capitale-Nationale, Claude Bergeron.
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L’équipe de l’Association des proches aidants de la Capitale-Nationale discute des listes d’attente pour venir en aide aux proches aidants.
Photo : - / Jean-Michel Cloutier
Les mines sont très faibles dans les bureaux de l’organisation. Le financement est lent et la liste d’attente pour obtenir de l’aide s’allonge de jour en jour.
L’organisme ne peut compter que sur 15 soignants pour offrir des blocs de répit de 4 heures aux soignants qui s’occupent du mieux qu’ils peuvent d’une personne à domicile.
Actuellement, c’est un désastre ; nous ne voulons pas être malades
soutient la présidente-directrice générale de l’Association, Suzanne Girard.
Elle souligne que lorsque les soignants sont plus âgés, il y a souvent deux malades à la maison
. Et plusieurs mourir avant la personne soignée, par épuisement
.
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La PDG de l’Association des proches aidants de la Capitale-Nationale, Suzanne Girard, est découragée par la longue liste d’attente de son organisme. Elle peine à pouvoir offrir des services de répit à tous les proches aidants qui en font la demande.
Photo: - / Pierre-Alexandre Bolduc
Tout le monde a les yeux rivés vers le ministère de la Santé, en attendant que les budgets bénéficient du répit
dit Mme Girard en soupirant.