RCI : « guerre des prix » dans le secteur du ciment (INTERVIEW)

RCI : « guerre des prix » dans le secteur du ciment (INTERVIEW)
RCI : « guerre des prix » dans le secteur du ciment (INTERVIEW)

Laurette Konan, directrice juridique de LafargeHolcim Côte d’Ivoire, filiale du groupe Holcim, leader mondial des solutions de construction innovantes et durables, explique dans cette interview comment le phénomène affecte la rentabilité du secteur.

La pléthore d’opérateurs affecte-t-elle la rentabilité des entreprises du secteur ?

Jusqu’en 2015, nous n’étions que trois opérateurs. Aujourd’hui, plus d’une dizaine de cimentiers sont installés en Côte d’Ivoire avec des capacités de production supérieures à la demande du marché.

Partant du constat évoqué ci-dessus, il est nécessaire que l’État puisse encadrer les autorisations d’implantation de cimenteries en Côte d’Ivoire. En fait, il y a des pays qui le font, le Ghana, notre voisin immédiat, le fait. Ce sont des décisions prises pour assurer l’équilibre du marché.

Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, l’ensemble des cimentiers installés ont une capacité de production de 15,35 millions de tonnes par an, alors que la demande est d’environ 6,5 millions de tonnes par an.

La capacité de production dépasse largement la demande, tandis que de plus en plus d’opérateurs continuent d’arriver. Une production supérieure à la demande constitue un véritable obstacle à la survie du secteur cimentier en Côte d’Ivoire.

Le plafonnement des prix dans cet environnement nuit-il à la trésorerie ?

Nous sommes dans une économie libérale. De temps en temps, l’État prend des décisions pour limiter les prix. Aujourd’hui, notre industrie connaît des contraintes de prix. Le gouvernement prend cette décision pour plusieurs raisons, notamment lorsqu’il y a une volatilité des prix ou que les prix sont considérés comme excessifs.

Il arrive que nous, producteurs, signalons aux autorités de contrôle la guerre des prix interne qui nous affaiblit. Cela nous amène à un point où, pour gagner des parts de marché, nous sommes pratiquement obligés de baisser les prix, de sorte que nous vendons à perte et sans réaliser de marge.

L’autorité de contrôle a tenté de réguler les prix. Ainsi, en 2022, le gouvernement a plafonné le prix du ciment à 85 000 francs CFA la tonne. En application de cette disposition, le ministère du Commerce et de l’Industrie doit être informé de toute augmentation des prix du produit cimentier le plus consommé.

Ce que l’on constate dans la pratique, c’est que certains opérateurs vendent bien en dessous du prix maximum fixé par l’État. Cette situation crée une guerre des prix et nous empêche de générer des marges.

Malheureusement, le consommateur final ne profite pas vraiment de ces baisses de prix et au final les opérateurs du secteur du ciment ont de nombreuses difficultés à faire face aux coûts d’exploitation, ou plutôt à générer des bénéfices pour leur survie.

Vous êtes une filiale. Vos standards, en termes de standards, vont-ils au-delà de la politique de conformité locale ?

Nous avons une politique de production de nos produits conforme à la norme en vigueur en Côte d’Ivoire. Nous produisons différents types de ciment et chaque type de ciment est lié à une application bien spécifique.

Pour chaque type de ciment produit la norme est strictement respectée. Ainsi, Codinorm, concessionnaire des activités de normalisation et de certification, effectue à intervalles réguliers des contrôles sur la qualité des produits que nous mettons sur le marché.

Nous disposons également d’un laboratoire interne qui effectue ce contrôle quotidiennement. LafargeHolcim Côte d’Ivoire est une entreprise qui respecte la conformité et l’intégrité dans la manière dont elle mène ses activités. C’est l’une de nos valeurs clés qui crée un climat de confiance et protège notre réputation.

Concernant les règles et directives du groupe Holcim appliquées en Côte d’Ivoire, notre leitmotiv est de s’appuyer sur l’intégrité comme indiqué précédemment. En conséquence, nous instaurons la confiance, protégeons notre réputation et créons plus de valeur tout en réduisant les coûts de nos opérations commerciales.

Comment parvenez-vous à intégrer la notion de conformité et l’enjeu qu’elle représente pour l’entreprise dans vos relations avec vos clients, fournisseurs ou encore vos collaborateurs ?

La conformité, pour nous, signifie agir avec intégrité et consiste à toujours faire ce qui est juste et cela commence par respecter les règles en vigueur dans notre pays et les directives du groupe Holcim.

Nous avons un code de conduite que nous partageons avec tous nos employés, clients et fournisseurs. Bien que ce Code ne traite pas explicitement toutes les situations, il reflète l’esprit dans lequel nous opérons.

Pour nous, la performance et l’intégrité sont les clés d’un succès durable.

Quelle est l’importance ou le rôle du service juridique dans une branche comme la vôtre ?

Aujourd’hui, le rôle du juridique interne est très dynamique et très important compte tenu de sa position transversale.

Le service juridique de LafargeHolcim Côte d’Ivoire collabore avec tous les services de l’entreprise, leur prodiguant des conseils avisés pour opérer dans le cadre des normes et réglementations. On sait aujourd’hui que la direction juridique est en première ligne dans les décisions prises par les entreprises.

Responsable de la gestion de la conformité réglementaire et de la gestion des litiges, l’un de mes principaux objectifs est de m’assurer que toutes les opérations réalisées au sein de l’entreprise sont conformes aux lois et réglementations applicables, tout en supportant les objectifs de performance de l’entreprise.

Il s’agit d’un rôle intermédiaire dans lequel je dois gérer les intérêts et les risques opérationnels et juridiques. Ceci afin d’éviter des condamnations ou des pertes d’argent.

Que souhaiteriez-vous que l’État améliore en matière de réglementation de votre industrie ?

Sur ce point nous avons plusieurs sujets qui sont actuellement en discussion avec les autorités compétentes ; Il s’agit notamment de l’application du Règlement no. 14/2005/CM/UEMOA relative aux charges par essieu dans notre secteur et à l’inscription du ciment dans la liste des produits essentiels.

AP/Sf/APA

 
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