Les quatre syndicats de l’entreprise appellent à une première grève de 24 heures jeudi, avant un nouveau mouvement en décembre. En ligne de mire : le démantèlement du fret et l’ouverture à la concurrence des lignes régionales, notamment.
Ils s’apprêtent à sortir les banderoles et les mégaphones. Après une première journée de mobilisation jeudi 21 novembre, les quatre syndicats de la SNCF ont déposé un préavis de grève pour un mouvement renouvelable et illimité à partir du 11 décembre. Soit dix jours avant les vacances de Noël. Dans un communiqué commun, la CGT-Cheminots, l’Unsa-Ferroviaire, SUD-Rail et la CFDT-Cheminots disent regretter le manque “inflexion” de la direction du groupe. Dans leur ligne de mire : le démantèlement annoncé de la filiale fret, la scission de l’entreprise en filiales privées, ainsi que l’ouverture à la concurrence des lignes régionales. Mais ils cherchent aussi à peser sur les négociations salariales alors que la direction doit dévoiler ses propositions mercredi. Franceinfo résume pourquoi les cheminots appellent à la grève.
Ils refusent le démantèlement de la filiale fret
Les quatre syndicats représentant la SNCF demandent à la direction de revenir sur sa décision de démanteler sa filiale Fret SNCF. La première entreprise de fret ferroviaire en France disparaîtra au 1er janvier 2025 pour renaître sous la forme de deux sociétés distinctes, baptisées Hexafret pour le transport de marchandises et Technis pour la maintenance des locomotives.
Les organisations syndicales réclament un moratoire, “permettre aux différents acteurs de se remettre autour de la table et de trouver les moyens de garantir non seulement la continuité de Fret SNCF, mais aussi son développement à plus long terme.” « Ce moratoire est indispensable compte tenu de la souffrance de nos confrères du fret »argumentent-ils dans un communiqué commun.
Pour Thomas Cavel, secrétaire général de la CFDT-Cheminots, « Il doit y avoir une fenêtre de discussion qui s’ouvre pour avancer vers une décision plus conforme à l’intérêt collectif. »
« Nous sommes bien avant Noël. D’ici les départs en vacances, il reste plus d’un mois et demi. C’est une chance donnée au dialogue social.
Thomas Cavel, secrétaire général de la CFDT-Cheminotsà l’AFP
“On a des collègues qui ont travaillé toute leur vie, pendant 20, 25 ans, pour l’entreprise publique Fret SNCF, et le 1er janvier,” tout s’arrête, regrette Julien Troccaz, le secrétaire fédéral de SUD-Rail, contacté par l’AFP. « Aujourd’hui, nos confrères ne savent pas comment les choses vont se passer au 1er janvier. Ils savent qu’ils seront dans des entreprises privées, mais ils ne connaissent pas leurs droits sociaux. Alors évidemment, il y a de la souffrance. »
Ils sont contre l’ouverture des lignes régionales à la concurrence
Au dossier Fret de la SNCF s’ajoutent la privatisation des lignes régionales, des TER, Transilien et autres Intercités. A partir de la mi-décembre, “plus de 1.500 cheminots seront transférés” soit avec des concurrents comme Transdev, soit “dans les filiales de droit privé que la SNCF crée alors qu’elle aurait pu faire un choix de continuité”conteste Julien Troccaz, secrétaire fédéral SUD-Rail, dans Ouest de la France. Conséquence pour eux : “Ils ne bénéficieront plus du cadre social qui existe à la SNCF.” Ces filiales de la SNCF ont en effet été créées pour répondre aux appels d’offres TER lancés par les régions qui ont décidé d’ouvrir leur réseau ferroviaire à la concurrence.
Plus largement, les syndicats dénoncent dans leur communiqué « une trajectoire de fragmentation et de balkanisation du réseau ». Ils pointent du doigt “privatization in TER, Transilien and Intercités activities” ainsi que “the breakup of SNCF Réseau” sous l’effet de l’ouverture à la concurrence. « La loi de 2018 a certes réduit la dette de la SNCF de 35 milliards d’euros, mais elle a aussi transformé l’établissement public industriel et commercial de la SNCF en société anonyme (SA). Cette SA, détenue à 100 % par l’État, est elle-même actionnaire d’une multitude de sociétés, dont Fret SNCF, toutes gérées de manière indépendante.rappelle Le monde.
Les syndicats déplorent un « stratégie de dumping social interne assumée par le groupe, avec pour conséquence une atomisation des règles sociales dans les multiples PME ferroviaires que la direction entend créer pour chaque lot ouvert à la concurrence ».
Ils veulent peser sur les prochaines négociations salariales
Cette mobilisation a aussi un autre objectif : peser sur les futures négociations salariales qui concernent les 150 000 cheminots. La direction doit d’ailleurs dévoiler ses propositions mercredi 20 novembre. Ces négociations s’annoncent extrêmement difficiles : sur les trois dernières années, les cheminots ont obtenu entre 5 et 6 % d’augmentation par an, la direction suivant le cours de l’inflation. Pour 2025, avec un ralentissement des hausses de prix à environ 1,5 %, la proposition de la direction sera en effet inférieure.
« Pour préparer les esprits à cet atterrissage, la direction a mis en place, ces derniers mois, un observatoire des rémunérations et des avantages sociaux. L’idée est d’inciter les cheminots à ne pas s’arrêter au seul salaire, mais à prendre en compte l’ensemble du « paquet » d’avantages (billet gratuit, comité d’entreprise, mutuelle, etc.) »explique Fanny Guinochet, spécialiste d’économie à franceinfo.
Mais les syndicats mettent en avant les bénéfices records du TGV : 1,3 milliard d’euros en 2023. Les chiffres de fréquentation sans précédent ont en effet permis à l’entreprise d’être rentable pour la troisième année consécutive. «La question des bénéfices réalisés par l’entreprise, en effet, doit se poser aux salariés. Les milliards qui y sont consacrés doivent aller aux cheminots sous forme d’augmentations générales de salaires.»estime Thierry Nier, secrétaire général de la CGT ferroviaire, interrogé par TF1.