La presse américaine a récemment révélé la décision de Joe Biden d’autoriser l’Ukraine à utiliser des missiles américains à longue portée ATACMS pour cibler des cibles sur le territoire russe. Dans la foulée, de nombreuses publications et articles affirmaient que la France et le Royaume-Uni avaient également décidé d’autoriser l’utilisation de leurs missiles Scalp, s’alignant sur la position des États-Unis.
La plupart de ces publications, largement relayées dans les réseaux pro-russes, affirment que le quotidien Le Figaro serait la Source de cette information.
Les Scalp sont des missiles à longue portée développés par la France et le Royaume-Uni, dont plusieurs dizaines ont été livrés à l’Ukraine. Ils sont appelés « Storm Shadow » dans leur version britannique.
FAUX
La France n’a pas radicalement changé de position après les révélations faites par la presse américaine. En mai dernier, Emmanuel Macron s’était déclaré favorable à l’utilisation de missiles Scalp contre des cibles situées en Russie, comme le rapportaient des médias français. Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a également réagi lundi à ce sujet, indiquant que l’usage de missiles sur le territoire russe restait “une option”, ajoutant “donc, rien de nouveau sous le soleil”.
Le feu vert avait-il vraiment été donné par la France ? « Avec la déclaration du ministre des Affaires étrangères, on voit que la France est dans une sorte d’ambiguïté stratégique » analyse Stéphane Audrand, consultant international en risques et officier de réserve. « Nous n’avons vu aucune vidéo ou photo suggérant une frappe dans les profondeurs du territoire russe avec un Scalp ou un Storm Shadow. L’utilisation est donc difficile à estimer. »
Pour le spécialiste, il est probable que la France n’ait effectivement pas voulu faire cavalier seul. « Sur des sujets très stratégiques et potentiellement escaladeurs sur le plan nucléaire, il y a une coordination spécifique dans ce qu’on appelle le P3, c’est-à-dire les trois puissances nucléaires occidentales : le Royaume-Uni, la France et les Etats-Unis. Souvent, on constate que Paris, Londres et Washington sont alignés dans leurs comportements. »
La porte ouverte à une utilisation future ?
Certains analystes avancent également que la présence de composants américains dans les missiles français et britanniques aurait permis aux États-Unis d’opposer leur veto à leur utilisation. « Il est possible que la France ait livré des Scalps avec des composants américains. Mais il n’est pas facile de déterminer si la réglementation donne aux Américains le droit d’empêcher la réexportation ou si elle autorise des limites d’utilisation. Plus qu’une sorte de blocage juridique, c’est selon moi plutôt l’alliance P3 qui est en jeu. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait des composants américains dans les missiles pour que nous puissions arriver à ce niveau de refus et que nous prenions plutôt la voie de la négociation. L’idée n’est pas non plus de montrer un front qui serait désuni », précise Stéphane Audrand.
De la même manière, « il est effectivement possible que la France et le Royaume-Uni suivent les Etats-Unis maintenant qu’ils ont accepté », poursuit le spécialiste. « Il y a aussi une question de fierté nationale pour Paris et pour Londres. Nous ne pouvons pas dire immédiatement « Le président Biden a dit oui, donc pour nous, c’est oui ». Il est nécessaire que chacun ait son propre temps pour communiquer.
Que dit l’article du Figaro ?
La Source citée par les différentes publications, Le Figaroa d’ailleurs publié dimanche un article à ce sujet, dont un passage sur les missiles français a été mis à jour. Comme on peut le voir dans une version archivée de l’article en question, on pouvait lire initialement : « Les Français et les Britanniques avaient autorisé l’Ukraine à frapper profondément en territoire russe avec leurs missiles SCALP/Storm Shadow. Joe Biden, après plusieurs mois de demandes pressantes, a donné son accord à Volodymyr Zelensky pour utiliser les missiles américains ATACMS… ».
L’article n’affirmait donc pas, contrairement à ce que suggéraient des publications sur les réseaux sociaux, que la France se serait immédiatement alignée sur la position américaine.