Les associations professionnelles dénoncent la campagne de haine dont le film de Joseph Paris fait l’objet sur les réseaux sociaux. Des attaques venues de la sphère fasciste, qui vise de plus en plus systématiquement le cinéma et ses subventions.
Par Mathilde Blottière
Publié le 21 novembre 2024 à 17h00
LLa sphère fasciste a trouvé un nouveau visage turc. On dirait qu’elle a du temps libre. Après Quelques jours pas plus, de Julie Navarro, qui a abordé le sujet des jeunes migrants, et Avant que les flammes ne s’éteignent, de Mehdi Fikri, sur les violences policières, c’est au tour d’un documentaire de subir son courroux inepte en ligne. Le retrait, de Joseph Paris, retrace la montée de l’islamophobie en France et la construction d’un discours identitaire obsédé par la sécurité. Sujet politiquement brûlant certes, mais diffusion relativement confidentielle. Sorti le 30 octobre 2024, ce film de niche n’a été distribué qu’à une vingtaine d’exemplaires : on est loin d’un instrument de persuasion de masse.
Et pourtant, le distributeur de RetomberHervé Millet (Destiny Films), reportage« un déferlement de haine sur les réseaux sociaux, X, Facebook, des commentaires racistes venant pour la plupart de personnes n’ayant même pas vu le film. » « A croire que les fascistes n’avaient que ça à manger », ironise le réalisateur Joseph Paris, qui ne minimise pas les effets de ce type de campagne. « Je suis très blessé qu’on puisse m’accuser, par exemple, de complaisance envers les assassins de Samuel Paty. Mon film se tient du début à la fin du côté des victimes du terrorisme islamiste ! »
Une « guerre culturelle »
Tout a commencé lors d’une avant-première du film le 12 octobre à Limoges, où des militants locaux de gauche ont identifié des membres du groupe Action française venus, à pied et en voiture, rendre une petite « visite de courtoisie » à l’équipe. de Retomber. “Je les ai vus passer plusieurs fois devant mon hôtel puis devant le cinéma”, témoigne Joseph Paris. L’incident s’arrête là. Mais dix-neuf jours plus tard, une autre projection, organisée par le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) et par Attac, à Metz, servira de point de départ au déchaînement de la sphère fasciste sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook. page du film et de son distributeur, Destiny Films.
Découvrez la note et l’avis
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Lors du débat d’après-projection, un échange houleux sur la question de la laïcité à l’école a eu lieu entre le protagoniste du film, Yasser Louati, militant, ancien porte-parole du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF, dissous par le ministre de l’Intérieur). Gérald Darmanin en 2020), et un professeur d’histoire-géographie présent dans la salle. “Quelques jours plus tarddit la productrice Audrey Ferrarese (Drouille de Trame), l’enseignant, membre de l’association des professeurs d’histoire-géographie de Lorraine, a publié un communiqué en ligne attaquant le film. » Après avoir énuméré ses griefs contre Le retrait, le communiqué concluait ainsi : « Il est déconcertant, deux semaines après l’hommage à Samuel Paty, de découvrir un documentaire déjà primé et financé par le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) amalgamant autant de sujets de société sensibles pour créer un récit à la limite du complot, où les quelques arguments factuels sont orientés dans une direction délibérément trompeuse et malhonnête. »
A partir de là, la situation s’est dégradée, selon le producteur. « Le communiqué a fini sur le site extrémiste Fdesouche avant d’être repris et médiatisé par une certaine presse. » Le 8 novembre, Laurence de Charette s’est inscrite Le Figaro un article plein de nuances où Le retraitdont elle précise qu’il a bénéficié du soutien du CNC et de l’Union européenne, est qualifié de « Film de propagande fraternelle ». Le 11 novembre Marianne publie à son tour un article sobrement intitulé “le doc qui ulcère les profs”.
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Entre-temps, un député RN de l’Aisne, Eddy Casterman, a posté sur son compte X une vidéo dénonçant la projection de Retomber prévue le 27 novembre à l’Assemblée nationale. Organisée à l’initiative du député LFI Thomas Portes, cette séance, déjà pleine, est une projection « sur invitation » uniquement. Selon le site d’extrême droite Boulevard Voltaire, Eddy Casterman a écrit une lettre, cosignée par ses collègues députés Anne Sicard et Thibaut Monnier, pour demander à la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, « de condamner la diffusion de ce film documentaire et de bien vouloir faire la lumière sur les circonstances qui ont rendu possible sa projection dans la salle de cinéma de l’Assemblée nationale ».
Les attaques venant de la presse et de ce député RN ne doivent pas rester sans réponse.
Réalisateur Joseph Paris
Pendant que la productrice Audrey Ferrarese parle de “guerre culturelle”, Le réalisateur Joseph Paris tente de mettre les choses au clair. « L’assaut en ligne est une chose. Mais les attaques venant de la presse et de ce député RN ne doivent pas rester sans réponse. Ces gens voudraient que le cinéma soit aux ordres d’une idéologie d’État, ce qui serait une grave atteinte à la liberté de création. Quant à l’appel à censurer un film dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, j’ose espérer que le président de la Chambre ne le laissera pas passer. »
Grand classique de l’extrême droite, les aides reçues par les films attaqués sont aussi systématiquement pointées du doigt comme étant de « l’argent public ». Dans le communiqué de soutien à Retomber et son équipe que les associations professionnelles du cinéma (SDI, SPI, SRF) ont publié hier, rappellent notamment distributeurs, producteurs et réalisateurs « que les fonds du CNC ne sont complétés par aucun crédit du budget de l’Etat et proviennent uniquement et en totalité d’une taxe prélevée sur les billets d’entrée et sur les diffuseurs (principalement télévision et médias en ligne). C’est un système vertueux de redistribution, envié dans le monde entier et qui ne vient donc pas des impôts.»