à l’avant-garde du changement climatique

C’est au Svalbard, point zéro du changement climatique, que la glaciologue Heïdi Sevestre mesure et observe au quotidien l’ampleur de ces changements. Dans ce coin reculé de la planète, l’amateur de glaces a accès à un laboratoire naturel inestimable.

Un texte de Annie-Claude Brisson

Les variations de température et de climat observées sur ce territoire à mi-chemin entre la Norvège et le pôle Nord affectent le reste du monde.

Le Svalbard est une région extraordinaire, d’une beauté à couper le souffle. Malheureusement, cette beauté est aujourd’hui devenue l’épicentre du changement climatique. Cette région et une partie de l’océan autour du Svalbard sont devenues une région qui se réchauffe six à sept fois plus vite que le reste de la planète.résume celui qui travaille notamment pour Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique.

La glaciologue Heïdi Sevestre analyse le comportement des glaciers du Svalbard. Photo : Radio-Canada/Annie-Claude Brisson

Le scientifique passe une partie de l’année à Longyearbyen, la ville la plus septentrionale du monde. Cette communauté isolée abrite l’UNIS, l’université la plus au nord. Heïdi Sevestre y a fait son doctorat et y enseigne parfois.

Le glaciologue a accès à un immense terrain de jeu scientifique. L’archipel norvégien est recouvert à près de 60 % de glace. Le glacier le plus proche se trouve à seulement trois kilomètres de la ville de Longyearbyen.

Quand on est glaciologue comme moi, c’est vraiment un paradis blanc de pouvoir travailler ici. C’est absolument extraordinaire.

Heidi Sevestre

Le scientifique des Alpes françaises passe rapidement des laboratoires de recherche aux glaciers. Une installation qui fait l’envie de plusieurs de ses confrères.

C’est génial pour les glaciologues comme moi. Nous avons tous types de glaciers, des glaciers qui atteignent le niveau de la mer, qui sont confinés dans des cirques, des petits, des très grands, très lents, très rapides. Nous avons vraiment toute la gamme de glaciers qu’on peut avoir sur Terre, sauf qu’ici, ils sont super accessibles.

Nous sommes dans un endroit qui symbolise le changement climatique. C’est l’endroit où le réchauffement est le plus rapide sur Terre et le monde doit l’entendre.

Heidi Sevestre

Ce que nous étudions ici, sur les glaciers, permet ensuite de retranscrire cela sur les glaciers du Groenland et de l’Antarctique. Et ainsi mieux comprendre, par exemple, la montée rapide du niveau des mers.

Heïdi Sevestre compare les glaciers à ses amis, aux membres de sa famille. Photo : Radio-Canada/Annie-Claude Brisson

Le contraste est saisissant. Heïdi Sevestre est si petite face aux glaciers qu’elle se compare à des amis, aux membres de sa famille.

Les glaciers me déplacent chaque jour. Il n’y a pas de doute. Quand je les vois, je suis véritablement hypnotisée par leur beauté, par tout ce qu’ils ont à nous apprendre. Mais je ne peux m’empêcher de les regarder avec une certaine tristesse, une certaine souffrance de voir avec quelle rapidité les glaciers réagissent au changement climatique.

Le Svalbard permet à la communauté scientifique d’étudier les glaciers dans un contexte de changement climatique plus prononcé qu’ailleurs. Photo : Radio-Canada/Annie-Claude Brisson

Une excursion sur les eaux de l’océan Arctique nous permet d’approcher le glacier Borebreen. Ce n’est pas sa taille ou son emplacement qui retient l’attention, mais plutôt sa vitesse de déplacement.

Il change complètement de comportement, il accélère. Nous l’appelons le surtension glaciers. Borebreen, derrière moi, se déplace à raison de trois mètres par jour. Ce qui est extrêmement rapide pour un glacier de cette taille.

Heidi Sevestre indique que la communauté scientifique je ne comprends pas vraiment ce qui force les glaciers à accélérer. Elle s’est également intéressée, lors de son doctorat, à la dynamique des surtensions glacial.

Un glacier comme Borebreen qui accélère, il amène beaucoup de glace dans les océans. Nous devons vraiment comprendre pourquoi les glaciers s’accélèrent et à quelle vitesse ils accélèrent la montée du niveau de la mer.

Tout ce qui se passe ici influence le reste de la planète. La fonte des glaces contribue activement à la montée du niveau des océans.

Heidi Sevestre

Au Svalbard, le pergélisol s’étend sur des centaines de mètres d’épaisseur. Le scientifique explique que des gaz à effet de serre émanent de la fonte de ce sol gelé en permanence.

Ces gaz à effet de serre nous affecteront ailleurs, que ce soit au Canada, en Europe ou en Asie.

La banquise est également déterminante, selon Heïdi Sevestre.

Il est blanc et reflète le rayonnement solaire. Cela refroidit donc cette région arctique. Le problème, si cette banquise disparaît, nous avons à la place un océan très sombre. L’océan absorbe très bien la chaleur du rayonnement solaire.

La glace marine est la climatisation de l’Arctique.

Heidi Sevestre

Comme le rapporte le glaciologue, plus cette couche de glace disparaît, plus cela modifie le climat et génère des événements météorologiques extrêmes.

Quand on a des canicules, quand on a des moments très chauds, très froids, très secs, très humides, aujourd’hui, on se rend compte que c’est lié, en partie, à la banquise arctique.

De la glace sur l'eau.

En raison de leur forme, ces morceaux de glace sont appelés glaces aux crêpes. Photo : Radio-Canada/Annie-Claude Brisson

Heidi Sevestre résume la situation de manière simple, voire sévère. L’avenir de chacun dépend de la santé des écosystèmes arctiqueselle dit.

Partagez vos connaissances avec les autres

Heidi Sevestre partage son temps entre recherches de terrain, expéditions et communication scientifique. Elle se fait un devoir de partager ses connaissances autant que possible. Elle s’exprime devant divers publics, dans les médias et participe à plusieurs documentaires. C’est sans équivoque : la science doit dépasser le domaine des experts.

La science n’a aucun impact si elle n’est pas communiquée.

Heidi Sevestre

Heidi Sevestre se réjouit également de voir de plus en plus de ses pairs partager leur science au plus grand nombre. Elle enseigne ce qu’elle connaît et maîtrise, mais aussi l’amour de la communication scientifique.

Aujourd’hui, nous avons vraiment besoin que le grand public, les politiques et les entreprises comprennent ce qui se passe. Si nous perdons l’Arctique tel qu’il est aujourd’hui, les conséquences seront absolument terribles.

Un vent d’espoir

Malgré un discours lucide sur l’état de l’Arctique, un peu d’espoir reste pour Heidi Sevestre. Elle parle du Svalbard comme d’une région test pour l’action contre le changement climatique. Elle cite en exemple la fermeture de la mine de charbon de Longyearbyen prévue pour 2025. La ville était, jusqu’il y a peu, alimentée par une centrale électrique au charbon. Au lieu du charbon, nous développons de nouvelles énergies.

On commence à comprendre qu’investir dans la science, c’est investir dans l’avenir, se réjouit-elle. Dans l’endroit qui se réchauffe le plus rapidement sur Terre, nous subissons cette transformation, cette mutation.

Au-delà du cercle polaire arctique, où le réchauffement climatique est plus soutenu qu’ailleurs sur la planète, elle espère que sa voix, son message traversera les eaux glaciales de l’Arctique.

Ce reportage a été réalisé grâce à une subvention du Fonds québécois en journalisme international.

 
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