Depuis la bande de Gaza assiégée, des peintres palestiniens ont réussi à envoyer leurs œuvres à Amman, la capitale jordanienne, pour raconter dans une exposition la guerre dévastatrice qui fait rage dans le territoire palestinien depuis plus d’un an.
Pendant six mois, des passeurs anonymes ont transporté les peintures par petits lots, en passant par le poste frontière de Rafah avec l’Égypte – fermé en mai dernier après la prise de contrôle par Israël – jusqu’en Jordanie, où elles sont désormais exposées jusqu’à la fin de l’année à la galerie Darat al Funun. .
Mohammad Shaqdih, directeur adjoint de la galerie, explique que chaque exposition, intitulée « Sous le feu », « raconte la guerre quotidienne et les jours difficiles vécus par ces artistes déplacés par la guerre ».
Les peintures sont signées par quatre artistes palestiniens : Basel al-Maqousi, Majed Chala, Raed Issa et Souhail Salem, dont les œuvres étaient déjà familières aux visiteurs de Darat al Funun avant la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par l’attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas en territoire israélien.
Si leurs œuvres ont pu quitter Gaza, elles sont toujours coincées dans l’étroite bande de terre assiégée par Israël, où la guerre a fait plus de 43 500 morts, pour la plupart des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas, et un désastre humanitaire.
Pour faire passer leurs messages, ils écrivent des lettres attachées à leurs créations.
– « L’amour en temps de guerre » –
Basel al-Maqousi décrit ainsi ses tableaux, comme celui représentant un enfant amputé, comme « des morceaux de nos corps parsemés d’éclats de bombes ».
« Ce sont nos cris, nos souffrances (…) les sourires de nos enfants disparus avec leurs écoles. C’est l’amour en temps de guerre, de peur de la mort, de la perte des êtres chers et de l’inconnu », écrit-il.
Dans un message accompagnant un dessin représentant un homme embrassant sa femme au milieu des destructions, Majed Chala décrit « des scènes qui rappellent ce que nos parents nous ont raconté à propos de la Nakba de 1948 », le départ forcé des Palestiniens de leurs terres lors de la création de l’État d’Israël. .
“Mais ce qui se passe aujourd’hui est dix fois plus grave”, ajoute cet artiste qui dit avoir été déplacé du nord de la bande de Gaza vers le sud, après avoir perdu sa maison, son atelier et ses œuvres vieilles de 30 ans.
– « Langage universel » –
“Ces pages simples (…) témoignent de moments poignants de la guerre à Gaza”, écrit Souhail Salem, dont les œuvres ont été dessinées au stylo à bille dans des cahiers.
L’exposition rassemble 79 œuvres réalisées avec des matériaux de fortune comme des emballages de médicaments ou des pigments naturels comme l’hibiscus, la grenade ou le thé.
Ils représentent des personnes sous les bombardements, des évacués sur des charrettes à ânes, des tentes, des visages fatigués, des enfants émaciés ou des hommes menottés entourés de véhicules militaires.
« Le langage de l’art est universel. Nous essayons, à travers ces peintures, d’envoyer au monde notre voix, nos cris, nos larmes et nos cauchemars», confie Bassel al-Maqousi, 53 ans, originaire de Gaza, contacté par l’AFP.
Parmi les visiteurs de l’exposition, Victoria Dabdoub, 37 ans, architecte, semble émue.
“Il est important que de telles œuvres soient exposées dans le monde entier afin que les gens puissent ressentir la souffrance (…) des habitants de Gaza”, a-t-il déclaré.
A proximité, sur la lettre envoyée par l’artiste Raed Issa et accrochée à un mur, on lit : « les bombardements et la terreur ne s’arrêtent ni de nuit ni de jour ! Gaza est triste et attend l’aide divine.”
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