Généralement considérée comme une COP de transition, la conférence qui s’ouvre à Bakou (Azerbaïdjan) devra cependant jouer un rôle crucial en matière de financement climatique. Une question qui a un fort impact sur bien d’autres questions.
Tensions entre l’Est et l’Ouest sur fond de guerre en Ukraine et d’opposition russe aux progrès climatiques, tensions entre pays du Sud et pays du Nord sur les flux financiers, mais aussi inquiétudes nées de la réélection de Donald Trump aux Etats-Unis… C’est en C’est dans une atmosphère très inflammable que s’ouvre la COP 29, à Bakou (Azerbaïdjan), ce dimanche 11 novembre. Inflammable et surtout carboné alors que le monde enregistre un nouveau record d’émissions de CO22 en 2023 selon l’Emissions Gap Report 2024 publié par les Nations Unies jeudi 24 octobre : 57,1 gigatonnes d’équivalent pétrole (GtCO2e), environ 24 GtCO2et supérieur au quota fixé pour 2030 pour ne pas dépasser la limite de 1,5°C (33 GtCO2e).
Un niveau de croissance de 1,3% par rapport à 2022, encore supérieur à la croissance moyenne de la décennie pré-covid 19 : 0,8% par an. La question des ambitions climatiques de tous les pays fera donc évidemment partie des enjeux de cette conférence azerbaïdjanaise. Mais avec de nouvelles contributions déterminées au niveau national (CDN) attendues l’année prochaine, lors de la COP 30 à Belém (Brésil), c’est surtout la question financière qui mobilise les énergies, cette fois, à Bakou. A commencer par la définition d’un nouvel objectif collectif quantifié (NCQG) de financement climat, c’est-à-dire la contribution des pays développés aux pays vulnérables, étant donné que l’Accord de Paris prévoit sa fixation d’ici 2025.
Quel soutien financier pour les pays vulnérables ?
La tranche précédente de cette aide financière, qui devrait s’élever à 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2020, puis jusqu’en 2025, atteindra finalement son objectif en 2022, selon l’OCDE, avec deux ans de retard et avec un échec de plus de 25 %. milliards de dollars. . Ce qui aura largement contribué à alimenter les tensions. Que devons-nous faire maintenant pour assurer la transition vers la neutralité carbone ? Si des discussions technico-scientifiques sont en cours sur ce sujet depuis plusieurs années pour évaluer les besoins réels” pour l’instant on n’a pas vu beaucoup de chiffres sur le tableaunote Lola Vallejo, conseillère spéciale climat de l’Iddri. L’Inde a parlé d’un billion de dollars (MD$). Le comité de haut niveau sur le financement climatique a évoqué 2 400 milliards pour 2030, mais cela inclut la mobilisation interne des pays et le financement externe.. »
Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), quant à lui, situe le besoin mondial d’investissements supplémentaires dans une fourchette comprise entre 900 et 2 100 milliards de dollars par an entre 2021 et 2050. Une somme importante », mais l’économie mondiale et les marchés financiers représentent une valeur totale de 110 000 milliards de dollars par an », observe Mark Tuddenham, expert COP au Centre technique interprofessionnel d’études sur la pollution atmosphérique (Citépa). Ce total serait alors limité à 0,8-1,9% de l’économie mondiale. Pour donner un signal positif aux négociateurs de la COP et libérer de l’énergie pour tout le reste, notamment en vue de la COP 30, il faudrait absolument, selon les observateurs, fixer un montant. Cela représentera probablement environ 1 000 milliards de dollars par an. ” Tout le monde a intérêt à un accord », insiste la ministre française de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, en cabinet. A condition de trouver le bon équilibre : l’inatteignable serait contre-productif. Cependant, la plupart des pays industrialisés sont confrontés à de sévères contraintes budgétaires.
Quelle position pour la France ?
En raison de la forte détérioration des relations avec l’Azerbaïdjan, notamment avec l’Arménie, le président de la République Emmanuel Macron ne se rendra pas à Bakou. La ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, quant à elle, ne devrait arriver que dans la première semaine.
“Héritier” symbolique de l’Accord de Paris, dont elle veut démontrer la pertinence près d’une décennie plus tard, la France n’entend cependant pas pratiquer la politique de la chaise vide. Selon le cabinet du ministre, il veillera notamment à ce que l’adaptation reste une priorité et à ce que les « pertes et dommages » ne disparaissent pas de l’agenda.
Outre le programme officiel, la France entend également évoquer l’importance du secteur de la construction dans la lutte contre le changement climatique. Concernant la Contribution déterminée au niveau national (NDC), la France devrait en remettre une copie au premier semestre 2025.
Quelles sont les méthodes pour être efficace ?
Mais au-delà de ce chiffre, qui sera toujours bien en deçà des besoins réels, se posent une multitude d’autres questions sur lesquelles il sera encore plus difficile de trouver un consensus entre le Nord et le Sud. S’agira-t-il de dons, de subventions ou de prêts ? Le Groupe arabe, par exemple, propose que les pays industrialisés versent 441 milliards de dollars par an en subventions ou en dons. Mais pour quelles cibles, quelles dotations, quels objectifs quantitatifs et qualitatifs, quels délais ? Avec quelle suite ? Et surtout avec quels contributeurs ? Ayant mobilisé jusqu’à présent plus d’un quart des financements climat, les pays européens estiment avoir fait leur part et souhaiteraient élargir la base aux pays émergents à revenus élevés : Chine, Corée du Sud et pays du Golfe notamment.
À l’origine de 30 % des émissions (12 % du total historique), la Chine refuse catégoriquement d’imposer de telles contraintes. Quant aux États-Unis, première économie mondiale, première Source historique d’émissions avec 20 % du total et deuxième émetteur en 2023 (11 %), ils font la sourde oreille. L’élection de Donald Trump à la présidence du pays n’améliorera certainement pas la situation. Le 21 octobre, la Commission Environnement du Parlement européen s’est prononcée en faveur d’un objectif ambitieux mais aussi d’un élargissement des financements au secteur privé et de solutions “innovantes”, sur ce terrain rejoint Agnès Pannier-Runacher : philanthropie, taxes fossiles, transactions financières, aériennes, maritimes, etc.
Quels flux demander ?
Cette approche déplaît à de nombreux pays en développement, qui soupçonnent une tentative des pays développés de se soustraire à leurs responsabilités. Mais ce serait cohérent avec le troisième objectif à long terme de l’Accord de Paris visant à aligner tous les flux financiers sur les objectifs d’atténuation et d’adaptation » dit Lola Vallejo. En réalité, certains pays, comme la Chine, contribuent déjà au financement climatique des pays vulnérables sur une base volontaire ou via des banques de développement dédiées, mais sans déclarer ces montants, de peur de créer des obligations. L’Europe et la France voudraient au contraire imposer plus de transparence dans ce domaine, pour améliorer la coordination et l’efficacité, mais aussi la mobilisation des fonds privés.
Sur fond de ce débat, un autre se dessine, toujours d’actualité et pour lequel Bakou pourrait servir de caisse de résonance : celui d’une nécessaire réforme des flux financiers internationaux et des banques multilatérales de développement, dont la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI). . , l’accès aux investissements s’avère de plus en plus difficile pour les pays du Sud.
Quel avenir pour les crédits carbone ?
Autre sujet brûlant de cette conférence azerbaïdjanaise : la nécessité de finaliser une fois pour toutes les modalités d’application de l’article 6 de l’Accord de Paris pour permettre aux pays de l’adopter sinon d’un commun accord, du moins à l’échelle d’un marché mondial. Cet article permet une coopération volontaire entre pays en développement et pays développés sous la forme de mécanismes de marché du carbone : des actions d’atténuation et d’adaptation pour les uns qui permettent d’améliorer les résultats des contributions déterminées au niveau national (CDN) pour d’autres.
A Dubaï, les décisions sont restées bloquées faute de consensus entre les parties. Mais depuis, l’Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (SBSTA) et le sous-organisme qui supervise les mécanismes ont choisi d’approfondir le sujet en éliminant de leur propre initiative la possibilité de générer des crédits carbone à partir d’activités qui évitent les émissions, d’une part d’autre part, favorisant le développement d’une norme pour l’absorption du CO22 et, d’autre part, une méthodologie de traitement des informations identifiées comme confidentielles dans les transactions. Cette approche proactive pourrait être adoptée et validée à Bakou ou rejetée car jugée non conforme à leur mandat ; avec le risque de bloquer davantage la mise en œuvre de ces outils.
Et que donnez-vous aux fossiles ?
Finalement insérées dans le texte de l’accord de la COP 28, après plusieurs revirements, de manière non contraignante sous forme d’objectifs, la sortie du charbon et l’abandon des énergies fossiles seront à nouveau évoqués lors de cette nouvelle conférence. Notamment à l’initiative de l’Union européenne qui souhaite « un signal indubitable » et progresser dans leur mise en œuvre, par exemple en les traduisant en CDN et en réduisant les subventions fossiles. Selon les observateurs, la pression sur ce dossier devrait toutefois être moins forte qu’à Dubaï l’année dernière. Signe des temps : la déclaration finale du sommet du G20, organisé cette année en septembre à Delhi, n’évoque même pas le sujet. Les pays africains estiment, quant à eux, qu’il appartiendra avant tout aux pays industrialisés de s’engager dans ce domaine.
Pendant ce temps, l’écart entre les ambitions affichées et les projections climatiques continue de se creuser. ” Pour atteindre l’objectif de +2°C, il faudrait presque quadrupler le niveau d’ambition, c’est-à-dire le niveau de réduction, envisagé par les CDN. Pour atteindre l’objectif de +1,5°C, il faudrait plus que quintupler celui-ci », observe Mark Tuddenham de la Citépa. Selon le PNUE, il serait encore techniquement possible d’atteindre l’objectif de +1,5°C. ” Ce qui manque, c’est la volonté politique des principaux pays émetteurs de traduire leurs objectifs en mesures, actions et calendriers concrets à mettre en œuvre. », estime Mark Tuddenham. Dans un contexte économique et géopolitique aussi tendu, les chances de voir ces pays se mobiliser massivement paraissent plus que minces.
Article publié le 9 novembre 2024