(Québec) Le député caquiste Sylvain Lévesque a violé le code d’éthique de l’Assemblée nationale en tentant de tromper la commissaire Ariane Mignolet qui faisait enquête sur lui. Le parti de François Legault est également critiqué pour l’utilisation de sa banque de données électorales appelée « Coaliste ».
Publié à 10h46
Mis à jour à 15h23
Dans son rapport d’enquête déposé à la Chambre mercredi, M.e Mignolet recommande à l’Assemblée nationale d’adopter une « réprimande » contre le député Sylvain Lévesque – une sanction rare. Le vote aura lieu jeudi.
Sylvain Lévesque a démissionné de son poste de vice-président de l’Assemblée nationale dès le dépôt du rapport du commissaire à l’éthique. Le premier ministre François Legault a simplement déclaré que le sort du député de Chauveau (au Québec) sera discuté lors de la réunion du caucus caquiste mercredi soir.
Rappelons qu’en novembre 2020, Pierre Fitzgibbon, alors ministre de l’Économie, avait été réprimandé unanimement par l’Assemblée nationale suite à une recommandation du commissaire à l’éthique, une réprimande symbolique sur laquelle le gouvernement Legault avait donc insisté.
L’enquête de Me Mignolet sur Sylvain Lévesque a été déclenché en janvier, à la suite d’une demande du député de Québec solidaire Vincent Marissal. On a alors appris qu’un employé du bureau de M. Lévesque avait invité un citoyen, qui demandait l’aide du député, à participer à un cocktail bénéfice de la CAQ au coût de 100$ pour rencontrer le ministre des Finances, Éric Girard, afin de faire avancer son dossier. . Les faits remontent à l’hiver et au printemps 2023.
Selon le rapport, le député a communiqué « sciemment » des « informations inexactes » au cours de l’enquête en réponse à une demande du commissaire qui visait à comprendre le contexte entourant l’envoi de l’invitation partisane au citoyen.
Quelle est cette information inexacte ? Sylvain Lévesque a indiqué au commissaire qu’il avait transmis au cabinet de la ministre Girard à l’hiver 2023 un texte que la citoyenne avait écrit au sujet de ses doléances. En réalité, il ne l’avait jamais envoyé, contrairement à la promesse qu’il avait faite à la citoyenne à l’hiver 2023. temps.
Dans des documents du bureau du député obtenus par la commissaire, on apprend même que le dossier de la citoyenne avait été « fermé », qu’aucune action de la part du député n’avait été jugée nécessaire et qu’on ne voulait pas qu’on « achale le cabinet des Finances avec » le texte de la citoyenne.
D’autre part, la commissaire révèle que peu de temps après le déclenchement de l’enquête, Sylvain Lévesque a utilisé une adresse courriel personnelle pour transmettre le texte de la citoyenne au cabinet du ministre Girard. Il a ensuite supprimé le courriel, ce qui le soustrayait à la preuve recueillie par la commissaire.
« Le Député a tenté de tromper et entraver le Commissaire dans l’exercice de ses fonctions », conclut la commissaire. Sylvain Lévesque a ainsi violé l’article 41 du code d’éthique.
Le député a soutenu devant la commissaire qu’il a communiqué des informations qu’il savait inexactes en raison du « grand malaise » qu’il éprouvait quant à la façon dont le dossier de la citoyenne avait été traité. « Il a ainsi transmis des informations erronées, dit-il, pour éviter que la qualité de son travail ne soit jugée négativement », écrit la commissaire.
Si Sylvain Lévesque a « exprimé ses regrets », il « banalise toujours les répercussions de sa conduite ». « Il ne semble pas réaliser qu’elle a non seulement nui à l’enquête, mais qu’elle a aussi – et surtout – eu pour effet de déconsidérer l’institution du Commissaire. En effet, malgré ses excuses ciblées, le Député n’a reconnu ses erreurs que partiellement ». Sa conduite « a pour effet de miner significativement la confiance du public envers l’Assemblée nationale et, plus largement, envers les institutions démocratiques ».
Le député doit être sanctionné selon elle, « compte tenu de la gravité des manquements, de l’expérience parlementaire du Député et de son devoir d’exemplarité accru en raison de sa fonction de vice-président de l’Assemblée nationale ». Elle recommande à l’Assemblée nationale d’adopter une réprimande contre Sylvain Lévesque.
Quant à l’invitation faite par le bureau du député pour le cocktail de financement de la CAQ, la commissaire considère que M. Lévesque n’a pas violé le code d’éthique. Certes, « la preuve recueillie révèle une utilisation suffisamment significative des ressources de l’État par l’attachée politique du Député […] à des fins qui ne sont pas liées à l’exercice de la fonction », soit à des fins partisanes. Mais il s’avère que le député lui-même n’a pas autorisé cette utilisation », conclut-elle.
Lors de son reportage, Ariane Mignolet met en avant « un autre enjeu identifié » lors de son enquête, un enjeu embarrassant pour la CAQ. Elle a découvert que « l’équipe du bureau de circonscription utilise la plateforme Coaliste lors du traitement des dossiers » des citoyens.
Cette base de données des partis contient des informations provenant de la liste électorale et est « conçue essentiellement à des fins électorales ». Les mots « Sympathisant », « Opposant » et « Non marqué » apparaissent dans des cases situées dans le dossier de chaque électeur, écrit le commissaire. Coaliste peut être utilisé par les députés et leur personnel dans l’exercice de leurs fonctions selon celui-ci. « Ainsi, (ils) ont accès, lors du traitement des dossiers, à des informations partisanes concernant les personnes qui demandent leur aide. », y compris « le niveau de sympathie envers le parti ».
«Je crois que le simple fait d’avoir accès à ces informations peut donner l’apparence d’une influence partisane sur le traitement d’un dossier» et «affecte la nécessaire neutralité du bureau de circonscription», écrit-elle. «Cette situation contribue à estomper la séparation entre les activités partisanes et les activités liées à l’exercice de la fonction de député.»
Elle demande à la CAQ de « mettre en place immédiatement les mesures nécessaires pour que les députés et les membres de leur personnel n’aient pas accès, dans l’exercice de leur mandat ou de leurs fonctions et, plus encore, à l’occasion du traitement des dossiers citoyens ». , informations à caractère partisan enregistrées dans cette plateforme ou tout autre registre similaire ».
Ils ont dit
Je dois admettre que je n’ai pas été parfait lors du processus d’enquête qui a mené à ce rapport. Concernant les manquements qui me sont imputés, je reconnais avoir très mal réagi et avoir transmis des informations inexactes. […] Je m’en excuse. […] Je demeure plus que jamais déterminé à servir mes concitoyens du comté de Chauveau. J’ai l’intention de leur montrer que je suis toujours digne de leur confiance.
CAQ MP Sylvain Lévesque, in a statement on Facebook
Le parti doit supprimer l’accès au Coaliste dans les bureaux de circonscription. Il doit y avoir un pare-feu entre les activités partisanes du parti et le travail du bureau de circonscription d’un député, qui est là pour servir la population sans aucun lien avec l’affiliation politique.
Le député de Québec solidaire, Vincent Marissal, qui a demandé l’enquête
Nous exigeons que le premier ministre expulse le député Sylvain Lévesque du caucus caquiste. On ne peut pas dire qu’un député n’est pas assez honnête pour être vice-président de l’Assemblée nationale, mais qu’il est assez malhonnête pour être député caquiste. Cela ne tient pas la route. […] Il n’a plus la légitimité pour représenter les citoyens de Chauveau.
Le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, qui a affronté M. Lévesque aux élections de 2022 et veut se représenter si le député démissionne