Célébré et consacré partout dans le monde, l’écrivain Kamel Daoud suscite la polémique en Algérie, son pays d’origine. A chacune de ses apparitions, dans les médias français notamment, les rares espaces d’expression encore disponibles dans les médias privés du pays se transforment en arène polémique. Et la remise lundi 4 novembre du prix Goncourt, la plus prestigieuse des récompenses pour un écrivain francophone, est l’occasion pour certains de se consacrer à la critique. “le traître” qui est arrivé par là « reconnaissance de son allégeance » a « La France et le sionisme »et d’autres à saluer “l’enfant du pays” dévoué grâce à son talent. Ce sont deux visions de l’Algérie qui s’opposent.
« Kamel Daoud a gagné le Goncourt. Il est ainsi le premier auteur algérien à avoir remporté ce prestigieux prix littéraire. Une immense fierté. Vous êtes l’Algérie qui gagne, l’Algérie intelligente»a écrit sur X le journaliste Hacen Ouali, l’un des premiers à réagir au sacre de son compatriote.
« En remportant, en ce jour historique du lundi 4 novembre 2024, le prestigieux prix Goncourt par six voix sur dix, Kamel Daoud brise enfin le plafond de verre sur lequel butaient jusqu’alors les écrivains algériens, de différentes générations, au génie littéraire. incontestable»note pour sa part Omar Ouali, un autre journaliste francophone qui préfère “savourez le triomphe” de Kamel Daoud.
Des dizaines d’autres messages saluent la consécration de l’auteur de Houriscomme celui de l’architecte Namik Rabia qui évoque « un moment de gloire » pour un écrivain qui est « certainement le plus talentueux de sa génération »ou l’économiste Fouad Hakiki. D’autres se sont contentés des habituelles « félicitations ».
Deux visions opposées de l’Algérie
Mais Kamel Daoud n’a pas seulement des amis en Algérie. De nombreux journalistes, écrivains et élites – pas seulement arabophones, prompts à vilipender et soupçonner tout ce qui vient de France – voient derrière cette haute distinction une motivation politique ou idéologique plutôt que littéraire.
C’est le cas de Nassira Belloula. Ce prolifique écrivain francophone et berbérophone, qui vit entre l’Algérie et le Canada, estime que ce Goncourt 2024 « ne répond pas aux critères littéraires établis pour lesquels l’excellence est reconnue ». Le roman Houris est selon elle « une œuvre qui souffre d’une lourdeur qui nuit à son appréciation, le style, la narration et le thème semblent répondre à un besoin précis, qui vise à combler une attente ». “Ce prix se présente plus comme un prix politique que comme un prix littéraire, ce qui ressort des déclarations de l’auteur et de ses interlocuteurs.résume-t-elle.
Parmi les critiques adressées à Kamel Daoud, ses positions contre l’islamisme, sur la guerre actuelle à Gaza – on lui reproche l’absence de « condamnation » du massacre de civils et une prétendue absence de « compassion » envers les victimes civiles palestiniennes.
Mais les critiques sont très rares à l’encontre de l’œuvre de l’écrivain et plus particulièrement de son roman. Houris n’est pas disponible en Algérie, les Éditions Gallimard étant interdites du Salon international du livre d’Alger (Sila) qui s’ouvre ce mercredi 6 novembre. Signe d’un certain malaise dans les milieux intellectuels algériens, les médias ont quasiment ignoré l’événement en dehors de quelques petites informations informatives. articles. Les autorités se sont également abstenues de tout commentaire.
Kamel Daoud n’a cependant pas attendu les dernières années et une sélection pour le prix Goncourt pour défendre ses idées, note Amira Bouraoui, militante politique et médecin, en référence aux chroniques qu’il a écrites pendant de nombreuses années dans Le Quotidien d’Oran. « La nature de Kamel Daoud est de semer la discorde, analyse un connaisseur. Ce qui tend, c’est sa liberté de ton, notamment sur la question des relations avec la France. Il refuse la rente commémorative. »