« Une nouvelle administration Trump pourrait placer les États-Unis en dehors des règles de l’OMC », selon Sébastien Jean de l’IFRI.

« Une nouvelle administration Trump pourrait placer les États-Unis en dehors des règles de l’OMC », selon Sébastien Jean de l’IFRI.
« Une nouvelle administration Trump pourrait placer les États-Unis en dehors des règles de l’OMC », selon Sébastien Jean de l’IFRI.

Une victoire de la démocrate Kamala Harris la placerait dans la continuité de Joe Biden. Mais les prix se sont envolés et son camp n’a pas vaincu l’inflation, ce qui lui est vivement reproché par le candidat républicain. Si Donald Trump est élu, la politique énergétique constituera l’un des changements les plus importants. Alors que l’administration démocrate a investi des centaines de millions de dollars pour soutenir l’industrie verte, Trump souhaite reprendre la fracturation hydraulique pour produire du gaz et du pétrole de schiste.

L’élection américaine concernant la première puissance économique mondiale, avec sa monnaie standard, le dollar, aura inévitablement des répercussions sur l’économie mondiale. Sébastien Jean, professeur au Conservatoire national des arts et métiers et directeur associé à l’IFRI, l’Institut français des relations internationales, compare les deux résultats possibles.

franceinfo: Quelles pourraient être les conséquences concrètes pour les Américains de l’élection de Kamala Harris ou de Donald Trump ? Si elle est élue, la démocrate serait-elle plutôt dans la continuité de Joe Biden ?

Sébastien Jean: Oui, absolument. On peut s’attendre à une continuité, peut-être à un resserrement, un approfondissement sur certains aspects. Il souhaite par exemple accorder des incitations fiscales ciblées dans des secteurs liés par exemple à la décarbonation de l’économie, à des éléments stratégiques comme les semi-conducteurs. Ce n’est pas tout à fait clairement défini, mais ce projet est définitivement sur la table. Et d’une manière générale, cela s’inscrit dans la continuité de ce que l’administration Biden a pu faire jusqu’à présent. Y compris, il faut le souligner, avec une politique budgétaire très ambitieuse. Il existe un déficit élevé aux États-Unis, ce qui signifie que le déficit est utilisé pour stimuler l’économie. Et elle continuera probablement à le faire.

Si c’est Donald Trump en revanche, on imagine une politique de rupture.

Oui, beaucoup d’incertitude aussi, avec une volonté affichée de déréglementation, tant financière qu’environnementale. Et puis une politique budgétaire très ambitieuse, voire un peu débridée, qui ouvre beaucoup d’incertitudes sur la cohérence.

«La question que l’on peut se poser est de savoir quel est l’équilibre entre les annonces sensationnelles de Trump et, derrière elles, les gens qui tentent de recoller les morceaux et de gérer les choses de manière cohérente.»

Sébastien Jean, associate director at IFRI

sur franceinfo

On a vu que c’était un peu ce qui s’était passé lors de son premier mandat.

L’un des changements les plus importants si Donald Trump est élu concerne la politique énergétique. Alors que l’administration démocrate a investi des centaines de millions de dollars pour soutenir l’industrie verte, le célèbre IRADonald Trump souhaite reprendre la fracturation hydraulique pour produire du gaz et du pétrole de schiste. Quel impact pour nous et pour l’Europe ?

C’est une partie importante de la tragédie de cette élection. Le climato-scepticisme de Donald Trump est tragique, compte tenu de la situation, compte tenu de la nécessité d’une coordination internationale en la matière. Son approche consiste d’une part à nier le problème et, d’autre part, à nier toute nécessité de recourir à la coordination sur les questions climatiques ou énergétiques. Donc, de ce point de vue, c’est, je trouve, potentiellement tragique.

Est-ce que cela est encore de nature à favoriser le prix de l’énergie aux Etats-Unis ? Aujourd’hui, Michelin annonce la suppression de 1 250 emplois en et affirme que nous ne sommes plus compétitifs en matière d’énergie.

Il existe probablement aux États-Unis un désir effréné de tirer le meilleur parti économique possible d’une énergie bon marché, sans être grevé par aucune réglementation. Ainsi, à court terme, il pourrait y avoir un avantage économique pour les États-Unis, ce qu’ils ont déjà, car aujourd’hui, le prix du gaz ou de l’électricité y est très nettement moins cher qu’aux États-Unis. en Europe. Mais en fait, la situation pourrait bien empirer.

Voyez-vous une inquiétude de la part des industriels en France, en Europe, quand on regarde le prix de l’énergie de plus en plus compétitif aux Etats-Unis ?

C’est vrai, mais cette inquiétude existe déjà, notamment depuis ce fameux Inflation Reduction Act, qui date de plus de deux ans, et qui non seulement permettait aux États-Unis de bénéficier de son énergie bon marché, mais s’accompagnait aussi de crédits d’impôts très importants pour développer un certain nombre de filières liées à l’énergie, et notamment les énergies propres dans le cas de l’IRA. Cette inquiétude des constructeurs européens existe donc. Peut-être que cela changera un peu de direction et empirera avec Trump.

Qu’il s’agisse de Kamala Harris ou de Donald Trump, les États-Unis risquent de continuer à disposer d’une énergie bon marché. Le principal problème est plutôt le risque de déréglementation.

En effet. Et le risque de perturber tout effort de coordination autour des questions de politique énergétique et climatique. Et aussi rompre les efforts visant à réduire nos émissions et à contrôler ensemble le changement climatique.

L’autre grande priorité de Donald Trump est de renforcer les droits de douane : +10 à 20 %, et même +60 % sur les produits importés de Chine. Est-ce une rupture ou non avec la politique actuelle menée par Joe Biden ?

Ce serait clairement une rupture d’accord. L’administration Biden s’est placée dans la continuité de la première administration Trump et on peut supposer qu’une administration Harris serait dans cette continuité, avec des changements. Mais une deuxième administration Trump constituerait, selon les déclarations qui ont été faites, une véritable rupture avec ce qui a été fait précédemment.

« Une nouvelle administration Trump pourrait effectivement contraindre les États-Unis à adopter des politiques qui les placeraient en dehors du cadre commercial multilatéral et des règles de l’OMC. »

Sébastien Jean, associate director at IFRI

sur franceinfo

Et est-ce dangereux pour vous ?

Oui, car c’est une manière de désorganiser complètement ce qui existe comme architecture de coordination. Et potentiellement provoquer une gestion chaotique des relations commerciales internationales, sans disposer d’une stratégie suffisamment bien définie.

Il s’agit du principe « America First », qui veut favoriser tout ce qui est produit aux Etats-Unis, et donc l’emploi américain aussi.

C’est vrai. Mais lorsque je parle de l’absence d’une stratégie bien établie et cohérente, je fais notamment référence à ce que nous avons vu lors de son premier mandat, comme la guerre commerciale avec la Chine qui a été soudainement suivie d’un accord qui, quand on regarde il n’avait pas vraiment de cohérence pour répondre aux problèmes qui se posaient. Il y a donc beaucoup d’incertitude, beaucoup de désorganisation, c’est ça qui pose problème. Il ne s’agit pas nécessairement du fait de se sentir en conflit et de mettre la concurrence stratégique avec la Chine au cœur de l’agenda, car cela, de toute façon, l’administration Harris le fera aussi, mais d’une manière probablement plus cohérente et plus respectueuse d’une certaine coordination.

Mais Donald Trump s’en prend ouvertement à Kamala Harris en matière d’inflation. L’administration Biden n’a pas réussi à ramener les prix à un niveau raisonnable. Quelles conséquences ces hausses de droits de douane, notamment sur les produits importés de Chine, peuvent-elles avoir sur l’inflation ?

Il y a ici un double paradoxe. D’une part, l’administration Biden a plutôt bien réussi. L’économie américaine a relativement bien réussi à contrôler l’inflation, mais les électeurs ont du mal à la reconnaître comme telle.

“D’un autre côté, Trump dénonce l’inflation, mais il annonce en fait un certain nombre de mesures qui risquent d’être inflationnistes.”

Sébastien Jean, associate director at IFRI

sur franceinfo

Les droits de douane sont tout d’abord une taxe sur la consommation. Sa manière de gérer les relations avec la Banque centrale américaine, en la délégitimant, risque aussi de conduire à des poussées inflationnistes. Sa politique budgétaire consiste à dépenser à tout prix, ce qui peut aussi avoir des conséquences inflationnistes. Et même les expulsions massives d’immigrés illégaux peuvent provoquer des pénuries de main-d’œuvre dans un certain nombre de secteurs et donc des pressions inflationnistes.

 
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