CeuxTerrorisme en France –
Samuel Paty, les adultes aux manettes
Les audiences autour de l’assassinat du professeur décapité le 16 octobre 2020 se sont ouvertes ce lundi devant la cour d’assises spéciale de Paris.
Ariane Hasler– Paris
Publié aujourd’hui à 21h16
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- Le procès de Samuel Paty se déroule au Palais de Justice de Paris.
- Huit adultes sont jugés pour leur rôle dans cet assassinat terroriste.
- Deux prévenus risquent la perpétuité pour complicité, six pour encouragement.
- Le verdict sur les responsabilités des accusés sera rendu le 20 décembre.
C’est dans un silence de pierre que le président de la Cour a lu le long rapport d’enquête dans la grande salle d’audience du palais de justice de Paris, dit « Grands Procès ». Une lecture qui ramène le public à l’histoire glaçante de Samuel Paty, ou comment un professeur d’un collège des Yvelines a été décapité en pleine rue suite à un mensonge devenu rumeur.
“Il était inquiet”
Ce 16 octobre 2020, Samuel Paty, 47 ans, se sait en danger. Et pour cause : depuis plusieurs jours, une rumeur court à propos d’une classe où il aurait montré des caricatures du prophète Mahomet et aurait demandé aux étudiants musulmans de quitter si ces dessins les offensaient. Une jeune fille s’est alors indignée et a été exclue de l’école pendant deux jours.
En réalité, la jeune fille en question n’était pas présente ce jour-là et l’enseignant a simplement proposé aux élèves de détourner le regard s’ils étaient choqués par les caricatures, sans provoquer de réaction de leur part. Malheureusement, ce mensonge, relayé par le père de la jeune fille et par un prédicateur islamiste, s’est multiplié sur les réseaux sociaux et au sein de l’école, au point que Samuel Paty a été confronté à son directeur ainsi que par des parents d’élèves et qu’il a subi des menaces.
Ce 16 octobre, plusieurs de ses collègues ont déclaré au juge d’instruction l’avoir trouvé « inquiet », visiblement préoccupé par cette affaire qui, par ailleurs, dérange tous les enseignants. Depuis plusieurs jours, le professeur, dont l’adresse privée circule sur les réseaux sociaux, demande à être reconduit chez lui en voiture. Ce jour-là, le collègue à qui il avait demandé ce service n’a pas pu le faire. Samuel Paty quitte l’école à pied, cagoule sur la tête. Quelques mètres plus loin, son assassin le poignarde d’abord dans le dos, l’attaque et, dans l’horreur ultime, le décapite.
Le père et le prédicateur
Six mineurs, dont la jeune fille à l’origine de la rumeur meurtrière, ont déjà été condamnés fin 2023 à des peines allant de 14 mois de prison avec sursis à 6 mois pour leur participation à cet assassinat. La question est désormais de savoir quel rôle ont joué les adultes accusés dans cette affaire dans la terrible spirale qui a conduit à cette action.
Il y en a huit en tout. Deux d’entre eux risquent la prison à vie pour « complicité d’assassinat terroriste ». Aujourd’hui âgés de 22 et 23 ans, ils étaient amis du meurtrier et sont accusés d’avoir aidé ce dernier à développer son action, notamment en l’accompagnant dans l’achat de l’arme qui a servi à tuer Samuel Paty. Tous deux affirment qu’ils n’étaient pas au courant de ses projets.
Et puis il y a les six autres accusés. Tous sont jugés pour avoir encouragé le tueur dans son action, notamment via les réseaux sociaux, mais sans y avoir directement participé. Parmi eux, le père de la jeune fille qui a déclenché toute cette affaire. Derrière la vitre du box des accusés, il garde la tête baissée. A 52 ans, l’homme aux cheveux gris et à la voix chevrotante est accusé d’avoir publié une vidéo relatant le mensonge de sa fille, donnant le nom du professeur et l’adresse de son collège, avant de retirer cette information.
Mais si la rumeur a pris de l’ampleur, c’est aussi à cause de l’action d’un autre homme qui, lui, reste la tête haute pendant la lecture du président, puis, lunettes sur le nez, prend des notes. Il s’agit du prédicateur islamiste de 65 ans qui a propagé la rumeur à travers ses réseaux sociaux radicaux. Des réseaux qui ont fait office de caisse de résonance, au point d’alerter le futur meurtrier et de le pousser à contacter le père de la jeune fille, l’assurant de « son soutien » dans son combat contre Samuel Paty. Le père et le prédicateur risquent 30 ans de réclusion criminelle pour « association de malfaiteurs terroriste ».
Importance du contexte
Leur ligne de défense sera sensiblement la même : ils n’ont jamais littéralement appelé à la mort de Samuel Paty et ignoraient les projets du meurtrier. Mais le rapport d’enquête rappelle que le contexte était particulièrement inflammable.
Début septembre, à l’occasion de l’ouverture du procès des attentats de « Charlie Hebdo », les caricatures qui avaient conduit les tueurs dans les locaux du journal satirique ont été republiées, déclenchant des appels d’Al-Qaïda à commettre des attentats en France. Quelques jours avant l’assassinat de Samuel Paty, un homme a tenté de tuer deux passants devant les anciens locaux de l’hebdomadaire.
C’est dans ce contexte qu’un jeune Tchétchène radicalisé cherchait une cible pour exprimer sa colère et sa violence. Les réseaux sociaux le lui ont apporté sur un plateau. Plus de 90 témoins doivent être entendus. Le verdict sur les responsabilités de chacun est attendu le 20 décembre.
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