FIGAROVOX/TRIBUNE – Après avoir achevé la construction d’une première centrale nucléaire, le Kazakhstan peut se placer aux côtés de l’industrie nucléaire française, affirme son président, Kassym-Jomart Tokaïev, en visite d’État à Paris mardi 5 novembre.
Kassym-Jomart Tokayev est le président de la République du Kazakhstan.
Il est clair que le monde moderne devient de plus en plus imprévisible et se trouve dans une situation de turbulence et de polarisation géopolitique sans précédent. La situation est compliquée par deux défis mondiaux majeurs : l’augmentation rapide du réchauffement climatique et les mouvements migratoires massifs. Ces facteurs qui se renforcent mutuellement ont des conséquences dévastatrices qui affectent des millions de citoyens à travers le monde.
Cependant, les systèmes de gouvernance existants et les mécanismes de réponse internationaux ne sont pas suffisamment efficaces dans de telles crises. Il est particulièrement inquiétant de constater que les institutions multilatérales se trouvent elles aussi de plus en plus dans une impasse. Le cas de l’ONU est évidemment le plus emblématique de cette crise. Cette organisation, conçue à l’origine comme un symbole de solidarité mondiale, reste aujourd’hui incontournable, face à de sérieuses difficultés.
Les superpuissances traditionnelles, mastodontes économiques et politiques, ne s’entendent pas sur les grands enjeux du moment. Les conséquences de ces discordes se font particulièrement sentir dans les zones où les conflits s’enlisent, alors que les structures destinées à résoudre ces désaccords, au premier rang desquelles les Nations Unies, sont paralysées.
Il faut donc accepter que le cadre de référence ait changé et repenser le multilatéralisme. L’un des aspects clés de la nouvelle réalité est la reconnaissance du rôle croissant du groupe des puissances moyennes. L’importance économique et politique de ces pays augmente et leur positionnement équilibré et constructif devient un avantage dans un contexte d’incertitude mondiale. Les grandes puissances étant incapables de parvenir à un consensus, ce sont les puissances moyennes qui assument de plus en plus le rôle de médiateur, soutenant les opportunités de dialogue et maintenant leur engagement en faveur de la coopération mondiale.
Nous entendons travailler avec la France, qui jouit d’une autorité incontestable sur la scène internationale et d’une vaste expérience diplomatique.
Kassym-Jomart Tokaïev
Depuis de nombreuses années, le Kazakhstan mène activement une politique étrangère équilibrée et participe à la promotion d’initiatives diplomatiques dans le monde entier. Le nouveau statut de puissance moyenne confère en effet à notre pays une grande responsabilité dans l’accomplissement de cette importante mission.
Face aux défis actuels et aux risques croissants de conflit, le Kazakhstan soutient les processus de paix et le dialogue intercivilisationnel. En fournissant une plate-forme de négociation à l’Azerbaïdjan et à l’Arménie autour du traité de paix, nous soutenons pleinement les aspirations des deux pays à ouvrir une nouvelle page dans leurs relations. Astana a également accueilli des pourparlers de paix sur la Syrie et a également servi de plate-forme pour des discussions multilatérales sur le programme nucléaire iranien. Enfin, nous organisons régulièrement des conférences de chefs religieux qui constituent des lieux exceptionnels pour promouvoir le dialogue interreligieux. Toutes ces actions reflètent nos valeurs communes de solidarité, d’égalité et de paix, principes clés que nous partageons avec la France.
Au niveau national, nous avons mis en place un système de gouvernance démocratique solide et nous développons activement les secteurs d’avenir tels que les énergies vertes, le numérique et la logistique, notamment en étroite collaboration avec les entreprises françaises. En matière d’environnement, nous sommes fermement engagés en faveur de l’agenda climatique mondial et soutenons fermement l’Accord de Paris, réaffirmant notre engagement envers la planète et les générations futures. Notre objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2060 est une preuve supplémentaire de la réalisation constante par le Kazakhstan des objectifs de développement durable.
Nous sommes ravis, aux côtés du Président Emmanuel Macron, de diriger l’initiative One Water Summit qui se tiendra en décembre prochain pour renforcer la coopération sur toutes les questions liées aux ressources en eau, dans le but d’atteindre le plus vital des Objectifs de Développement Durable de l’ONU : « l’eau propre ». et l’assainissement pour tous ». Par ailleurs, notre ferme attachement au principe de bon voisinage nous permet de développer l’intégration intra-régionale à travers des plateformes telles que le « Middle Corridor », projet stratégique reliant l’Asie et l’Europe via le Kazakhstan et la mer. Caspienne. Il ne s’agit pas seulement d’élargir les routes commerciales ; il s’agit de renforcer un esprit de collaboration qui favorise des liens économiques mutuellement bénéfiques entre différentes régions. De tels efforts sont essentiels à la sécurité énergétique de l’Europe et de la France, un enjeu important dans notre relation bilatérale. Le Kazakhstan, premier producteur mondial d’uranium naturel, entend rester un partenaire fiable pour l’industrie nucléaire française.
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Lors de la visite du Président Macron à Astana en novembre dernier, nos pays ont exprimé leur intérêt mutuel pour développer la coopération dans les domaines des métaux des terres rares, des énergies renouvelables et de l’énergie nucléaire civile, ce qui ouvre de nouvelles perspectives pour l’élargissement de notre partenariat stratégique.
Le résultat positif du récent référendum national sur la construction de la première centrale nucléaire du Kazakhstan indépendant constitue une base solide pour une coopération mutuellement bénéfique à l’avenir. Il ne fait aucun doute que cela contribuera également à renforcer la sécurité énergétique mondiale. Ceci est d’une importance capitale dans le contexte actuel de turbulences. C’est pourquoi il est essentiel que les puissances moyennes comme le Kazakhstan utilisent toutes leurs capacités pour promouvoir le dialogue multilatéral et garantir la stabilité mondiale et régionale.
Le Kazakhstan, qui a toujours mené une politique étrangère proactive, pragmatique et équilibrée, entend continuer à contribuer activement à ce processus en renforçant la coopération avec tous les États. Nous entendons travailler avec la France, qui jouit d’une autorité incontestable sur la scène internationale et d’une vaste expérience diplomatique. Ensemble, nous pouvons contribuer à bâtir un monde stable et prospère, garantissant une coexistence sûre, une coopération mutuellement bénéfique et le progrès pour tous. C’est avec cette vision que, à l’invitation du Président de la République française, j’effectue ma visite d’État à Paris, la première dans l’histoire de nos relations.