peut-on être évaluateur dans une commune néerlandophone tout en étant francophone ? – .

Les élections fédérales, régionales et européennes approchent à grands pas. Et comme à chaque nouvelle élection, des milliers de citoyens sont désignés comme évaluateurs. Un rôle essentiel, parfois mal perçu, mais surtout qui pose de nombreux problèmes dans la lasagne linguistique belge. Alors peut-on être convoqué pour trier les bulletins de vote d’une commune dont on ne connaît pas la langue ?

Alexis, habitant de la commune d’Espierres-Helchin, en Flandre occidentale, se pose cette question depuis deux semaines. Il a donc décidé de nous contacter via le bouton orange Alertez-nous. Comme une majorité des habitants de sa commune enclavée du nord du pays, ce quinquagénaire est francophone. Problème : il a été appelé récemment pour dépouillement des urnes à Avelgem, commune néerlandophone voisine.

Pourtant, L’Espierrois ne parle pas un mot de la langue de Vondel. “Je l’ai signalé directement, car je vais être inutile au bureau. Mais ils m’ont dit que ce n’était pas une excuse valable. C’est aberrant“, il explique. Mais que décrète la législation en la matière ? Regards avec Nicolas Bonbled, docteur en sciences juridiques à l’UCLouvain.

Un tirage au sort par canton

Généralement, ce sont les cantons qui désignent les évaluateurs. Un ordinateur tire au sort et propose une liste de citoyens qui seront ensuite convoqués sur cette base par le bureau cantonal principal. Cette sélection aléatoire s’effectue donc selon des territoires précis. Dans des cas plus rares, ce sont les électeurs eux-mêmes qui se portent volontaires auprès des autorités.

C’est pourquoi Alexis, originaire de Wallonie et vivant en Flandre depuis dix ans, a été appelé à Avelgem, située à 15 kilomètres de son domicile. Cette commune fait en fait partie du même canton électoral qu’Espierres-Helchin où il réside. “La question demeure : comment pouvons-nous vivre dans une région dont nous ne parlons pas la langue ? Des facilités sont accordées, mais cela ne veut pas dire que vous êtes protégé de ce genre de choses.», demande l’avocat.

Excuse valable ou pas ?

Attention, il existe effectivement une possibilité de refus pour les personnes convoquées. Dès qu’il a reçu sa lettre annonçant la nouvelle, Alexis s’est empressé de demander à être relevé de cette fonction. Sans succès. Dans une lettre reçue quelque temps après sa plainte, le canton électoral a jugé l’excuse linguistique invalide. “Je ne comprends pas leur décision, il dit. C’est comme si on me demandait d’aller compter les bulletins de vote en Chine, en Espagne ou au fin fond de l’Allemagne.« .

A noter que cette opposition doit être motivée et réputée valable. Selon Nicolas Bonbled : «Seuls les motifs liés à la présence sont acceptés. Par exemple, vous travaillez, vous avez réservé des vacances, vous vous mariez. Même si vos convictions religieuses vous empêchent d’être présent un dimanche, la raison est valable« . Cette décision d’annuler ou non la convocation appartient en dernier ressort à l’office cantonal. Pour Alexis, il s’agit donc… d’Avelgem, la commune néerlandophone dans laquelle le Flandrien a été réquisitionné.

Mais existe-t-il encore des spécificités ou des dérogations pour les communes à équipements ? Non, selon le médecin de l’UCLouvain : «Dans le code électoral, rien n’empêche de prendre un francophone pour être évaluateur dans une commune néerlandophone. Il suffit d’être majeur et de savoir lire et écrire.« .

C’est comme si on me demandait d’aller compter les bulletins de vote en Chine, en Espagne ou au fin fond de l’Allemagne.

D’autant qu’il reste pratiquement impossible pour les autorités de savoir si l’on parle français, néerlandais ou même allemand. “Les recensements linguistiques sont interdits depuis 1947. Même si les cantons voulaient connaître votre dialecte, ils ne pourraient pas le faire.», analyse l’avocat Nicolas Bonbled.

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Un rôle important

En théorie, toute personne inscrite comme électeur peut donc être désignée évaluateur. Peu importe qu’il réside au sein du Royaume ou qu’il maîtrise les subtilités du dialecte voisin. Mais, in fine, cela impacte-t-il le travail de l’évaluateur le jour J ? Précisons qu’il existe deux scénarios possibles. Soit l’assesseur était convoqué dans la matinée, au cœur des bureaux de vote, pour veiller au bon déroulement pratique de l’élection (remettre le bulletin de vote, sceller la convocation, etc.).

Il veille ainsi à répondre aux éventuelles questions des électeurs présents. Une tâche qui nécessite logiquement de pouvoir parler la langue de l’autre. Selon Valentin Borremans, porte-parole de la direction du SPF Intérieur : «Le décret du 16 juin 1982 du Conseil flamand implique que seuls les électeurs connaissant le néerlandais peuvent être nommés présidents de bureau de vote. Il en est de même pour la désignation des évaluateurs, des suppléants et du secrétaire du bureau de vote..

La question demeure : comment pouvons-nous vivre dans une région dont nous ne parlons pas la langue ?

Ce texte ne s’applique toutefois pas aux communes à régime linguistique particulier, à savoir celles situées en périphérie ou à la frontière linguistique. Dans cette situation particulière où un évaluateur est convoqué pour organiser le bureau de vote, il pourrait donc refuser. Et cela au motif de ne pas maîtriser la langue de la commune.

Ou bien, deuxième possibilité, les notateurs sont appelés en fin de journée, lorsque les urnes sont remplies, afin de se charger du dépouillement. C’est le cas de notre alerteur. “Le décret de 1962 ne s’applique pas dans ce cas, car il n’y a pas de contact direct avec les particuliers, dit Nicolas Bonbled. Il existe une distinction entre les bureaux de vote et les bureaux de comptage papier« . Pour Alexis, affecté au comptage, il ne s’agira donc que de calcul. Une tâche ne nécessitant aucune compétence linguistique.

Malgré tout, la barrière de la langue pose des difficultés. L’Espierrois doute en effet de sa capacité à mener à bien cette mission puisqu’il reste incapable de communiquer correctement avec ses collègues du jour. L’homme de 55 ans admet : «Je ne veux pas aller là-bas. je vais essayer d’avoir un certificat médical« .

Je n’ai pas vraiment le choix, j’en suis conscient

N’oubliez pas que pour les personnes qui souhaitent passer entre les mailles du filet et ne pas se présenter à leur convocation, la justice belge peut vous poursuivre… et les amendes restent salées. De 400 à 1 600 euros selon les conclusions du Tribunal en charge de votre dossier. De son côté, Alexis a pris sa décision. Afin d’éviter d’éventuelles sanctions financières, le francophone devra se rendre le 9 juin prochain dans les bureaux de vote d’Avelgem : «Je n’ai pas vraiment le choix, j’en suis conscient« .

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