– Un hommage à l’art comme une révérence
Co-fondateur historique du lieu, Eric Jeanmonod fait appel à ses proches pour donner vie à son musée idéal, dans sa dernière création avant la passation du pouvoir.
Publié aujourd’hui à 16h31
Il ne démarre pas sur la pointe des pieds, Eric Jeanmonod, mais par une apologie des mains qui font l’art. Le sien inclus d’ailleurs puisqu’ils signent, comme à leur habitude, la scénographie entièrement artisanale d’une œuvre que l’on qualifierait de testamentaire. Avec « Nos histoires d’art »l’ancien graphiste et décorateur devenu metteur en scène et codirecteur de théâtre scelle l’ancrage esthétique de cette Loup co-fondée en 1978 – consolidée globalement il y a trente ans. Et n’oubliez pas d’inclure vos proches dans cette révérence multigénérationnelle : à commencer par ses filles Juliette et Lola, leur mère Rossella Riccaboni, son complice de toujours Thierry Jorand, mais aussi son ancien élève Adrien Zumthor, son collègue musicien Mael Godinat, ainsi que comme les frères Emil et Léon Zurn, anciens enfants du Loup.
La scène se déroule dans un parc public « au bord de l’Arve », où deux naturophiles d’âge moyen écoutent les mésanges qui gazouillent et les corbeaux qui coassent leurs opinions. Ils seront rejoints tour à tour par trois autres duos, par ordre décroissant des années qu’ils affichent au compteur : les jeunes arriveront avec des skateboards sous les bras et des gestes hip-hop vissés au corps. Soutenue par des projections en fond, la petite communauté commentera avec joie, pendant une heure et demie, une sélection subjective de peintures, sculptures et installations glanées au fil de l’histoire, de la baroque Artemisia Gentileschi à la moderne Niki de Saint Phalle, en passant – dans le désordre et sans tous les nommer – de Vermeer, Brueghel, Monet, Hockney, Marclay ou du tandem suisse Fischli & Weiss.
En douze tableaux, un florilège d’anecdotes, d’interprétations et de citations d’artistes défilant la chronologie – mais respectant l’égalité des genres et des origines –, entrecoupés d’interludes frivoles. Si les références ne manquent pas, leur érudition prend la forme d’une gouaille qui ne méprise pas : l’absence de prétention est sans doute la principale réussite du show.
La maladresse de sa forme est en revanche surprenante. À la conférence théâtrale en vogue aujourd’hui, Eric Jeanmonod a préféré la convention naturaliste qui répartit le savoir entre ses comédiens, quitte à discréditer leurs personnages – y compris celui de l’instrumentiste, réduit à mimer sa propre bande originale en play-back. Au final, la visite enchante, l’enthousiasme des guides inspire. C’est juste dommage que l’artifice ronge ainsi la composition d’ensemble.
Katia Berger est journaliste à la section culturelle depuis 2012. Elle couvre l’actualité du spectacle vivant, notamment à travers des critiques de théâtre ou de danse, mais traite aussi parfois de la photographie, des arts visuels ou de la littérature.Plus d’informations
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