La France refuse de délivrer des visas aux familles des victimes du naufrage de 2021

La France refuse de délivrer des visas aux familles des victimes du naufrage de 2021
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Quatre proches de victimes du naufrage du 24 novembre 2021 dans la Manche ont vu leur demande de visa refusée par les représentations françaises dans leur pays. Ces personnes, originaires du Kurdistan irakien, d’Ethiopie ou d’Erythrée, sont néanmoins parties civiles dans cette affaire et devaient être entendues par le magistrat en charge de ce dossier. La France considère qu’il existe « un risque d’utilisation abusive de l’objet du visa à des fins migratoires ».

Ils espéraient avoir des réponses à leurs questions et faire avancer l’enquête lors de leur audition par le magistrat chargé d’instruire le dossier sur le naufrage du 24 novembre 2021 dans la Manche. Ce jour-là, 27 personnes se sont noyées et quatre autres ont disparu dans l’eau glaciale alors qu’elles tentaient de rejoindre le Royaume-Uni sur un bateau de fortune. Seules deux personnes ont survécu.

Depuis, des poursuites judiciaires ont été engagées pour établir les responsabilités dans ce drame, et les proches des victimes ont été convoqués. Mais quatre d’entre eux n’ont pas pu se rendre à leur réunion, faute de visas délivrés par les autorités françaises, révélait le quotidien du soir Le Monde du 15 mars.

Zana Maman Mohamad, originaire du Kurdistan irakien et qui a perdu son frère dans l’accident, est le seul à avoir été autorisé à venir en France.

« Risque de détournement de l’objet du visa à des fins migratoires »

Les quatre autres ont essuyé des refus de Paris, la France craignant de rester dans le pays. “La demande de Mustafa Mina Nabi présente un risque d’utilisation abusive de la finalité du visa à des fins migratoires”, a estimé le ministère de l’Intérieur dans une lettre datée du 22 janvier adressée à l’avocat du Kurde, dont le fils est mort dans le naufrage.

Mustafa Mina Nabi a néanmoins un fils mineur au Kurdistan et n’envisage pas de “l’abandonner”, insiste Me Matthieu Chirez auprès du Monde.

Ismaïl Hamad Khudur et Rasul Farkha Hussein, tous deux Kurdes qui ont perdu leur fils dans la tragédie, ont reçu la même justification de la part des autorités françaises. Alors que, comme Mustafa Mina Nabi, ils ont un ou plusieurs enfants mineurs dans leur pays.

Henok Hailu Gebrehiwot, un Éthiopien dont la sœur est décédée dans la Manche le 24 novembre 2021, a également vu sa demande de visa rejetée. Place Beauvau considère que, « compte tenu de sa situation personnelle et compte tenu des liens (…) qu’il entretient en France et dans son pays de résidence (32 ans, célibataire, sans attaches matérielles ou financières justifiées en Ethiopie), sa demande présente un risque de détournement.

Pour ces quatre personnes, la déception est immense. « En tant que père, j’avais envie de participer à l’enquête », a déclaré Mustafa Mina Nabi au Monde. « Si des citoyens français avaient été victimes d’un drame en Irak, comment réagiraient leurs proches de ne pas pouvoir se rendre dans le pays ?

Les avocats dénoncent un « déni de justice » même si « les précisions que ces familles peuvent fournir sur le parcours migratoire des victimes et la manière dont elles ont été abordées par les réseaux de passeurs sont des éléments très utiles dans l’avancée du dossier ».

Graves dysfonctionnements des secours français

Le naufrage du 24 novembre 2021 est le plus meurtrier dans cet espace maritime depuis l’envolée des traversées migratoires de la Manche fin 2018. Le Premier ministre de l’époque, Jean Castex, avait qualifié l’accident de « tragédie ».

Mais très vite, les autorités françaises et britanniques sont pointées du doigt pour des retards dans le sauvetage du bateau en détresse. Fin 2022, une information judiciaire, détaillée par Le Monde, révélait de graves anomalies de la part des secours français, qui n’avaient envoyé aucune aide sur place malgré de multiples appels à l’aide.

En février, Utopia 56 a porté plainte pour « non-assistance et homicide volontaire ». L’association accuse les autorités des deux côtés de la Manche.

Le 15 mars, l’épouse d’un Ethiopien décédé dans ce naufrage a déposé une demande d’indemnisation devant le tribunal administratif de Lille. Objectif : “reconnaître la responsabilité des autorités françaises” dans la tragédie, affirment les associations qui soutiennent la jeune femme dans son combat.

 
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