Message personnel à Françoise Hardy

Message personnel à Françoise Hardy
Message personnel à Françoise Hardy

Chère Françoise Hardy, vous êtes partie mardi dernier rejoindre vos amis dans leurs nuages, et depuis une pluie de témoignages est tombée sur votre mémoire. Nous vous dédions l’icône du yé-yé. Icône tu étais, mais yé-yé, on peut en douter.


Publié à 1h32

Mis à jour à 6h00

Tu faisais partie de la génération années soixante, c’est pour cela qu’on vous associe à la tendance de l’époque, mais vous étiez plus Saint-Germain-des-Prés que Saint-Tropez. Vos chansons n’étaient pas des rebondissements, mais tristes. Et il faudrait vous classer parmi Gréco, Brel et Ferré plutôt que parmi Johnny, Sheila et Eddy.

Tu avais 17 ans quand tu as écrit un jingle rempli de ton ADN, Tous les garçons et les filles. Votre maison de disques croyait si peu à ce titre, tellement à contre-courant de la vague yé-yé, qu’elle l’a mis à la fin de votre premier super 45 tours, en misant avant tout sur Oh, oh chérie, version française d’un hit country rock américain. Heureusement, on peut toujours faire confiance au public pour découvrir les trésors cachés, et c’est vers la face B qu’ils se sont retournés.

Tous les garçons et filles de mon âge
Marchant dans la rue, deux par deux
Tous les garçons et filles de mon âge
Je sais bien ce que c’est qu’être heureux
Et les yeux dans les yeux et main dans la main
Ils partent amoureux sans crainte du lendemain
Oui, mais je pars seul, dans les rues, l’âme brisée
Oui, mais j’y vais seul car personne ne m’aime…

L’hymne de ceux qui restent. L’hymne des solitaires. L’hymne de ceux qui ne tirent pas sur les coups. Si Johnny était l’idole des jeunes, si Sylvie était la plus belle pour aller danser, toi, Françoise, tu étais de l’autre côté, du côté des âmes perdues.

Vous avez compris le désarroi de la personne perdue que personne ne choisit, qui a l’impression d’être seule au monde, d’être la seule rejetée.

Si, dans la rue, on croit que tous les garçons et toutes les filles marchent par paires, c’est parce qu’on ne voit pas ceux qui marchent seuls. La solitude vous rend invisible.

Des millions d’entre nous pensaient que cette chanson avait été écrite pour nous, rien que pour nous. Elle nous a aidé à sortir, à nommer notre réalité, à vivre notre douleur. Et de s’accrocher aux vers de la fin. Ce n’est pas un fin heureuse. C’est juste un peut-être finir.

Je me demande quand le jour viendra
Où les yeux dans les yeux, où main dans la main
J’aurai le cœur heureux sans crainte du lendemain…

La chanson ne promet rien. Elle ne dit pas que cela va arriver, mais le simple fait de le mentionner l’aide à la consoler. Nous ne sourions pas encore, mais nous arrêtons de pleurer.

PHOTO GEORGES BENDRIHEM, ARCHIVES DE L’AGENCE FRANCE-PRESSE

Françoise Hardy lors de l’enregistrement de l’émission La belle vie à Paris, en 1985

Ce travail sera toujours d’actualité. Quand on entendait « tous les garçons et les filles de mon âge marchent dans la rue, deux par deux… », à l’époque, on pensait à un garçon avec une fille, mais ça pouvait tout aussi bien être un garçon avec un garçon ou une fille avec une fille. Et celui qui y va seul recherche peut-être l’un ou l’autre.

Dans les années 1960, les âmes perdues étaient celles que personne n’allait chercher pour le slow dance de fin de soirée. Aujourd’hui, ce sont eux qui se font « swiper » à gauche sur Tinder, mais l’indifférence fait toujours autant mal.

Françoise, tu as écrit une chanson qui ne cessera de dire tout haut ce que beaucoup de gens pensent d’eux-mêmes.

Mon message personnel est merci de m’avoir accompagné. S’il n’y en avait pas deux, j’aurais ta voix avec moi.

Mon message universel est que vous êtes plus que l’icône du yé-yé, vous êtes l’une des icônes de la grande chanson française. Tous les garçons et les filles C’était la première perle, puis il y avait tout un collier : Le temps de l’amour, le premier bon moment de la journée, Mon amie la Rose, Message personnel, Comment vous dire au revoir, La maison où j’ai grandi, À quoi ça sert ?, La question, Tant de belles choses, Laissez-moi une place

Et bien sûr, vous êtes l’inoubliable interprète de la plus belle chanson sur l’amitié jamais entendue, de Jean-Max Rivière et Gérard Bourgeois.

Depuis que vous êtes de retour au fond des nuages, j’espère que vous souriez à nouveau sur bien d’autres visages.

 
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