Gringe prend son temps pour enregistrer un album. Le rappeur, acteur et écrivain, âgé de 44 ans, n’en a sorti que deux dans toute sa carrière débutée il y a près de vingt-cinq ans. Le premier, Enfant de la lunea été publié en 2018; le suivant, Hypersensiblesix ans plus tard, qu’il s’apprête à défendre en tournée à partir du jeudi 7 novembre. Sur scène, Guillaume Tranchant, son nom à l’état civil, veut exposer à la fois son monde intérieur et ses interrogations sur la société actuelle. Il s’enferme alors dans un cube lumineux, accompagné de ses musiciens et de son DJ, Pone. Parfois, il sort pour interpréter ses pièces liées à l’actualité sociale, comme Plomboù il réagit à la mort du jeune Nahel tué par une balle de la police en juin 2023 à Nanterre, ou encore Fausse pièce d’identitédans lequel s’exprime son rejet du conformisme des réseaux sociaux et du rap actuel devenu trop uniforme à son goût.
Lire la critique de « Enfant lune » (en 2019) : Article réservé à nos abonnés Le flow mélancolique de Gringe
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Les fans de hip-hop le découvrent au début des années 2000 aux côtés d’Orelsan au sein du groupe Casseurs Flowters. Il était alors l’ami farceur, coquette, coquette dont le rappeur caennais exagère les traits dans un film autobiographique et comique, Jusqu’où est-il (2015). Les deux complices s’amusent d’ailleurs tous les soirs dans la série satirique, Bloqué, diffusé sur Canal+, où ils échangent leurs points de vue décalés sur les questions de société.
À partir de là, Gringe saura son « parenthèse cinéma » comme il le décrit, ce qui lui fait jouer des seconds rôles dans Carbone (2017), d’Olivier Marchal, Chatouilles (2018), by Andréa Bescond and Eric Métayer… Jusqu’à ce premier rôle dans la série télévisée de Laetitia Masson, Citoyens illégaux, diffusé sur Arte en mars. Le rappeur se consacre alors à l’écriture d’un livre avec son frère schizophrène, Ensemble, nous aboyons en silence (HarperCollins, 2020). Gringe n’a donc pas chômé entre ses deux records.
« Mécanismes d’écriture »
Assis sur l’un des canapés de sa griffe à Paris, il affirme même avoir corrigé les erreurs de sa première tentative qu’il a trouvées “trop bavard, trop mou”. « Enfant de la luneça aurait fait un bon maxi si je m’étais arrêté à cinq-six chansons. J’étais trop dispersé quand je l’ai enregistré. Maintenant, je compartimente davantage et je m’implique davantage. Je me suis donné un an et demi pour réaliser cet album. A l’origine, il y avait l’idée d’un deuxième roman, avec mon éditrice, Marie Eugène. »
Ses échanges avec elle sur l’écriture, ses rôles au cinéma dirigés par des réalisatrices ont influencé, selon lui, le résultat de l’album qu’il considère « mieux défini, décortiqué ». Il explore ses thèmes de prédilection (famille, filiation, santé mentale) avec le jeune compositeur Tigri, en qui il dit avoir trouvé “l’équivalent d’un Skread pour Orelsan qui sait [l]e diriger musicalement ». “Pour mon roman, il dit, mon éditeur m’a dit : “Gardez votre plume de rappeur, votre urgence et je coupe le superflu.” En la regardant corriger, j’ai capté des mécanismes d’écriture que j’intègre inconsciemment. J’ai adopté une gymnastique intellectuelle, je suis plus concis, je me documente davantage, j’approfondis les choses. Comme cela devient une obsession, je n’ai plus besoin de me discipliner, je suis pleinement sur mon projet jusqu’à ce que je l’ai terminé. »
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