les Pixies au plus bas de leur trajectoire… – .

C’était une mauvaise idée de jouer Bossanova Et Trompe le monde dans leur intégralité. Ce fut une erreur de licencier Paz Lenchantin. Il était inexcusable que les amplis de Frank Black couvrent le reste du son. Le résultat était malheureusement prévisible…

Pixies à l’Olympia – Photo : Robert Gil

L’annonce faite il y a quelques mois d’une tournée Lutins dédié à l’interprétation des deux derniers albums studio du groupe avant sa séparation (temporaire), Bossanova Et Trompe le mondenous avait remplis de joie : nous nous sommes souvenus soudain d’un formidable concert au Zénith de Paris le 21 septembre 1990 où le groupe, alors au sommet, nous avait littéralement pulvérisés dans un ensemble de violence et d’une « hystérie sans précédent (c’était le tournée Bossanova), puis deux soirées à l’Olympia – déjà – les 3 et 4 juin 1991 pour la présentation de Trompe le monde. LE Lutins étaient à cette époque le groupe le plus excitant de la planète (… du son !), et, malgré tout l’amour que nous leur portons, ils n’ont jamais retrouvé cette grandeur. Mais réentendre ces morceaux, rarement, voire pour certains, jamais joués en live, était une belle promesse.

Et puis il y a eu la douche froide du licenciement de Paz Lenchantinil y a seulement quelques jours : alors que Paz avait idéalement remplacé Kim Dealet qu’elle avait attiré la sympathie unanime des fans par son talent, mais aussi son attitude positive et dynamique sur scène, il était possible (et peut-être injuste) de lire dans ce départ une nouvelle illustration de l’autoritarisme de la part du patron, Charles Thompson IValias Franck Noir / François noir… Pas très cool, tout ça… Mais bon, les trois soirées à l’Olympia affichent complet, le public est remonté comme un coucou, qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?

20h : Bon début de soirée avec le trio anglais de Le blanc pâle, originaires de Newcastle (ils le répéteront plusieurs fois) : ils ont adopté un look seventies et jouent ainsi une musique aux sonorités très « américaines ». Plutôt que le stoner rock, comme on le lit parfois, leur genre s’apparente finalement plus à un classic rock définitivement heavy, où des riffs agressifs nous frappent de plein fouet sur une basse puissante, tandis que le batteur, totalement déjanté, évoque les pitreries d’A Keith Lune de la grande époque. Leurs détracteurs feront remarquer – et ils n’ont pas tort – que Le blanc pâle n’inventent rien, qu’ils n’ont aucune originalité… Quant à nous, nous aurons apprécié la générosité de ce set de 35 minutes, l’enthousiasme tangible des musiciens ravis d’être là et d’être, qui plus est, bien accueillis, et l’énergie positive avec laquelle les pièces sont interprétées. Et puis, cerise sur le gâteau, le batteur délirant est un magnifique fou, qui fait le show tout seul !

21h : Tout change avec le Lutinsqui opèrent ce soir dans un décor un peu plus sophistiqué qu’à l’habitude : le grand P ailé s’affiche en fond de scène, tandis que des sphères pendent derrière les musiciens, sur lesquelles on reconnaît le globe de la couverture de Bossa Nova (à mi-parcours, quand on passe à Trompe le monde, les sphères tourneront et deviendront des yeux !). Comme d’habitude, pas un bonjour, pas un sourire, on attaque directement avec Cécilia Annl’intro surf de Bossanova. Tous les regards (du moins les nôtres) sont tournés vers la droite de la scène, vers le remplaçant de Paz, Emma Richardsonex-Bande de crânes, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle est loin, très loin d’avoir la présence scénique de Paz ! Mais les mauvaises langues – comme nous ! – dira que c’est peut-être ce que Charles recherchait, non ?

2024 03 25 Pixies Olympia RGLe problème, l’énorme problème, qui va gâcher toute la soirée pour ceux qui, comme nous, sont dans la fosse, près de la scène (pour le reste de la salle, plus loin, ou sur le balcon, on imagine qu’il a gagné ce ne sera pas le cas…), c’est le SON ! Une horreur, puisque Charles a décidé que ses deux amplis Vox devaient couvrir tout ce que le reste du groupe pouvait produire, y compris en sono. On passera donc l’heure quarante du set à entendre UNIQUEMENT la guitare du patron, et ABSOLUMENT rien d’autre : aucun autre instrument ne sera vraiment audible, et son chant non plus… sauf pendant les brefs instants où il ne jouera pas de guitare. Et chaque fois qu’un roadie lui tend un nouvel instrument, son premier geste est de tourner les potentiomètres au maximum, histoire de garantir le déluge sonore… Bref, on n’aura entendu qu’un fragment du concert, qui, dans une salle comme l’Olympia où le son est excellent la plupart du temps, c’est presque du jamais vu !

Après, et d’après ce qu’on va entendre, l’idée de jouer ces deux albums, qui ont tous deux des « ventres mous » (disons la quasi-totalité des secondes faces pour faire simple), s’avère mauvaise, car bon les titres sont tout simplement anodins, voire ennuyeux : cependant, s’ennuyer lors d’un concert de Lutins est une expérience nouvelle pour nous, que nous n’avions jamais vécue depuis 1989 et notre découverte du groupe au Town & Country Club de Londres… Bossanovaune fois que vous avez passé l’excellent Musique rock, Velouria, Allison Et Est-elle bizarrenous ne pouvons que nous accrocher Creusez pour le feu Et Fil de suspension. Pour Trompe le mondeAprès U-Masseune superbe pièce au même titre que Planète du sonnous pénétrons dans une sorte de marécage informe, dont nous sauverons Subbacultcha Et Autoroute vers Roswellévidemment.

2024 03 25 Pixies Olympia RGSur scène, Emma continue de se montrer anodine, et Joe Santiago fait du bruit du début à la fin du concert, tandis que Charles interprète machinalement son recueil de chansons sans paraître l’intéresser un seul instant. Finalement, on se dit que son jeu habituel consistant à construire ses setlists en improvisant au pied levé, et en essayant de piéger les autres membres du groupe, est sa principale joie sur scène, et que, privé de ces petits moments de sadisme, il s’ennuie… Comme nous, à peine réveillé de notre torpeur sauf par l’intrusion de trois slammeurs qui se relayeront toute la soirée pour occuper le service de sécurité et tenter de briser le cou aux jeunes femmes qui ont réussi à rester au premier rangée.

Pour terminer cette triste soirée, le rappel (sans quitter la scène, car Charles n’avait pas ça à faire…) sera consacré à une nouvelle chanson et trois titres évidents (Voici votre homme, vague de mutilation Et Où ai-je l’esprit) qui représentent un peu une version « grand public » de Lutinsloin des sommets de rage et de créativité que l’on aime.

S’il y a bien une chose dont on retiendra de ce lundi 25 mars, c’est d’avoir assisté au pire concert de Lutins de nos vies (jusqu’à aujourd’hui…). Il reste encore au groupe deux soirées à Paris pour se rattraper, à condition que quelqu’un convainque le patron de ne pas jouer plus fort que tout le monde.

Mais je ne suis pas sûr que n’importe qui puisse le faire…

Texte : Éric Debarnot
Photos : Robert Gil

 
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