Le magazine « UFC-Que Choisir » et l’ONG Générations Futures ont révélé une étude sur la présence de ce PFAS dans l’eau du robinet. Ils appellent à l’adoption de normes « plus strictes et protectrices ».
Votre eau du robinet est contaminée ? Une enquête produit par le magazine UFC-Que Choisir et l’ONG Générations futures ont révélé, mercredi 23 janvier, la présence massive de polluants éternels (PFAS) dans 96 % des échantillons d’eau potable prélevés dans 30 communes françaises. Parmi ces composés chimiques, l’un d’entre eux a été retrouvé en quantité particulièrement importante : l’acide trifluoroacétique (TFA). Voici ce que vous devez savoir sur ce polluant éternel qui pourrait déjà être présent dans votre verre d’eau.
Un « polluant éternel » issu d’un herbicide
L’acide trifluoroacétique (TFA) fait partie de la grande famille des substances perfluoroalkyles et polyfluoroalkyles (PFAS). Ces « polluants éternels » englobent des milliers de composés chimiques différents, regroupés non pas en raison du même niveau de toxicité, mais en raison de leur liaison carbone-fluor très stable qui implique une forte persistance dans l’environnement.
Cette caractéristique les rend très utiles à l’industrie qui les utilise depuis les années 1950 pour fabriquer des objets résistants à la chaleur, étanches ou encore antiadhésifs. Concrètement, on les retrouve dans les réchauds, les vêtements de sport, les emballages de restauration rapide, les mousses anti-incendie ou encore les pesticides.
L’acide trifluoroacétique (TFA) provient souvent de la dégradation d’un herbicide : le flufenacet. “C’est la plus petite molécule de cette grande famille”explique Fabrizio Pariselli, directeur de l’unité de prévention du risque chimique du CNRS. Sa petite taille le rend très volatile. “Il peut être détecté dans l’atmosphère et dans l’environnement à des distances éloignées du lieu où il a été généré ou produit”ajoute le chercheur.
Une molécule présente (presque) partout
Petits villages, grandes métropoles, à proximité de sites industriels ou de cours d’eau pollués… Les générations futures et lesUFC-Que Choisir a réalisé des prélèvements d’eau potable dans des localités très diverses en France métropolitaine. La TFA était présente un peu partout : dans 24 communes sur les 30 représentées.
Sur le podium des communes les plus touchées, on retrouve la petite commune de Moussac dans le Gard (13 000 ng/l). Il est suivi par le 10e arrondissement de Paris (6 200 ng/l), et Bruxerolles dans la Vienne (2 600 ng/l). A noter que Moussac est située près de Salindres, où une usine du groupe Solvay produisait du TFA jusqu’en septembre dernier.
Au niveau individuel, il est actuellement difficile de se protéger complètement. En effet, le TFA est “moins bien mémorisé” que les autres PFAS par des techniques de décontamination de l’eau, selon Julie Mendret, chercheuse à l’Université de Montpellier. « Il n’y a pas de solution miracle à proposer aux consommateurs »voiture “L’eau en bouteille est également contaminée et les filtres ne sont pas efficaces”confirme Pauline Cervan, toxicologue chez Générations futures. Pour l’ONG, c’est donc aux autorités d’appliquer un principe de précaution.
-Un niveau de dangerosité en question
De nombreuses recherches sont en cours sur les « polluants éternels », mais la diversité des molécules étudiées rend ces travaux titanesques. Une chose est sûre : « Plus la science étudie ces substances, plus elle découvre des effets délétères sur la santé »note leUFC-Que Choisir.
Concernant l’AFE, “C’est une substance qui n’a pas été beaucoup étudiée pour le moment”confirme Fabrizio Pariselli. Le chercheur précise qu’une évaluation est en cours au niveau européen. Et pour cause : ce composé chimique pourrait attaquer foie et présentent des risques de malformations à la naissance. Cependant, ce ne serait pas « aussi dangereux que le PFOA ou le PFOS »interdit en Europe depuis plusieurs années, selon l’étude.
Une législation en pleine évolution
Les normes sur les PFAS ont évolué ces dernières années, à mesure que la recherche scientifique progresse. À l’échelle internationale, seuls trois PFAS ont déjà été interdits ou restreints : le PFOS (en 2009), le PFOA (en 2020) et le PFHxS (en 2022).
En 2026, la France devra également appliquer une directive européenne relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Cette norme européenne prévoit de limiter la présence de 20 PFAS réglementés à 100 nanogrammes par litre. Mais pour l’instant, les TFA ne font pas partie de la vingtaine de « polluants éternels » jugés prioritaires par l’Union européenne. Si tel était le cas, le TFA dépasserait le seuil autorisé pour 20 des 30 échantillons.
« Ce qui manque aujourd’hui, ce sont des seuils de sécurité. Nous ne savons pas quels sont les niveaux de concentration sécuritaires de ces substances dans les aliments ou l’eau potable.
Fabrizio Pariselli, toxicologuesur franceinfo
Face à ces incertitudes, leUFC-Que Choisir et les Générations Futures exigent l’intégration de l’AFE dans le plan de maîtrise de l’eau, l’adoption de normes “plus strict et protecteur”renforcer les contrôles sur les rejets industriels et interdire les pesticides classés PFAS. Un projet de loi visant à restreindre la fabrication et la vente de PFAS, adopté en première lecture au printemps 2024 par les députés, doit à nouveau être soumis au vote des parlementaires le 20 février. Au niveau européen, une proposition de restriction est également à l’étude.