« Des commandements hallucinatoires, comme un énoncé de pensée. » C’est ainsi qu’un psychiatre tente de résumer les « voix intérieures » qui auraient guidé Laëtitia Penvern dans ses projets criminels. Ils fonctionnent “comme un support identitaire, dans un climat de stress extrême et d’attaque narcissique”, poursuit l’expert ce jeudi matin. Aucune raison, selon lui, de ne pas y croire. «Je ne pense pas que ce soit quelque chose qu’elle a inventé. » Dans un moment de stress intense, elle n’est « pas totalement responsable de ce qu’elle a fait ». Il a conclu à une déficience du discernement. Un de ses confrères, qui préconise un suivi psychiatrique au long cours, est d’accord avec lui : “Même si l’acte est réfléchi, il est favorisé par l’expérience hallucinatoire.”
“Je les suis”
Ces voix étaient « de plus en plus fortes » jeudi 1er juillet 2021. « Ils ne cessent de me dénigrer, me disant de trouver une solution. » Elle se rend le matin à Ploemeur, aperçoit un couple mixte se promenant avec leur bébé. Il s’agit de Yoane Wissa et de sa compagne, avec leur bébé, né mi-mai. «Je les suis. Et là, les voix me disent : “Tu vois, ils sont heureux et pas toi, ils ont de la chance d’avoir un bébé.” Ils me disent de rentrer chez moi et de détruire leur vie. »
« Besoin de chercher un enfant ? »
Pourtant, en quittant son domicile le 1er juillet, elle a annoncé à son compagnon, qu’elle occupait depuis fin mai, sous prétexte que leur bébé avait été hospitalisé, qu’elle se rendait à Rennes chercher leur petite fille… Le président : « Vous lui dites que vous allez ramener votre bébé et que vous allez à Ploemeur. Quelle était votre intention ? Vous cherchez un bébé ? » Laëtitia Penvern : « Sûrement ». Aviez-vous envisagé de rentrer chez vous sans enfants. » Non. Il se serait mis en colère. » Et il lui était impossible « de lui dire que tout cela n’aurait pas existé ». Le président, pugnace : « Fallait-il chercher un enfant ? » L’accusé acquiesce.
Elle continue sa rotation
Mais pourquoi Ploemeur ? Avait-elle ciblé une famille ? Elle nous assure que non. Pourtant, elle avait fait des recherches sur Yoane Wissa… A l’entendre, c’était après être passé devant chez eux. Elle les croise donc, alors qu’ils se promènent avec leur bébé. Ils sont assis à la terrasse d’un restaurant. Elle fait de même, à l’autre coin de la terrasse. Ils rentrent chez eux en début d’après-midi. Elle continue son observation, reste un peu devant leur maison, voit la femme de ménage entrer, puis Yoane Wissa sortir promener son chien.
Pourquoi des matchs ?
Elle redémarre, se rend à Intermarché pour acheter « un produit ». J’ai pris la première bouteille qui m’est venue sous la main. Le président bronche : « Ce n’est pas la première bouteille, ce n’est pas du soda. Quel effet recherchiez-vous ? « . Laëtitia Penvern, peu convaincante : « Pour monter leurs affaires… ». Le magistrat : « On essaie de comprendre, c’est important. Pouvez-vous essayer de vous concentrer ? « . L’accusé : « Dans le but de détruire leur maison. » Et le pourquoi des matchs ? Elle dit qu’elle ne sait pas.
“J’avais une chance sur 50/50”
Laëtitia fera ensuite quelques pas sur la plage du Perello, puis reviendra sonner à la porte de Yoane Wissa sous prétexte de demander un autographe pour son fils. Lorsqu’il l’ouvre, le footballeur a son bébé dans les bras. Laëtitia Penvern, étonnamment, s’excuse d’avoir dérangé « sa petite fille ». Comment connaissait-elle son sexe ? « Comment peux-tu être si affirmatif ? », s’étonne le président. L’accusé : « J’avais une chance sur deux. » Le magistrat : « Était-ce prêcher le faux pour avoir le vrai ? « . Laëtitia dit oui, concède que c’était délibéré.
« Partir sans enfants, vraiment ? »
Un acte réfléchi au point qu’elle repéra subrepticement, d’un coup d’œil, l’escalier à gauche, le salon en face. “Qu’est-ce que tu t’es dit ?” « . L’accusé : « D’abord les escaliers, car les enfants et les chambres sont en haut. » Elle revient le soir, vers 23 heures, attend une demi-heure. Elle a dit qu’elle ne savait pas que la porte d’entrée serait ouverte. Elle a la bouteille d’acide à la main, entourée d’un gilet rouge “pour ne pas l’avoir sur moi, et la mettre sur leurs affaires, le canapé, la télé et partir”. Un peu court pour le président : « Partir sans enfants, vraiment ? « . Laëtitia Penvern, contrite : “Non”.
-Sécurité des enfants ouverte
Elle avoue avoir monté les escaliers. «Ça s’est allumé, je suis redescendu. » Elle ne peut expliquer pourquoi elle n’a pas vu Yoane Wissa, intriguée par un bruit, sortir des toilettes pour la première fois. C’est la deuxième fois, suite à de nouveaux bruits, qu’il se retrouve nez à nez avec elle. Alors, entre-temps, a-t-elle grimpé plus de cinq marches, comme le suggère la barrière de sécurité enfant, retrouvée ouverte, alors que M. et Mme Wissa sont catégoriques : elle était fermée !
“En panique”
Laëtitia Penvern n’en démord pas : elle ne l’a pas ouvert. Cependant, elle admet qu’elle cherchait le bébé. «Aviez-vous l’intention de prendre le bébé et de le ramener à la maison?» », demande Aude Burési. L’accusé répond par l’affirmative. Et l’acide dans tout ça ? Elle reste sur sa ligne : « A détruire chez eux ». Elle va le jeter sur Yoane Wissa jusqu’à ce que la bouteille soit vide, puis fuir face à sa résistance. Elle fera irruption dans la maison de sa mère, « en panique ». Sa mère verra son problème. Elle parviendra encore à lui mentir.
“Saviez-vous que vous recommenceriez?” »
Et le lendemain, elle récidivera, cette fois avec de l’alcool à friction, dans le quartier Conleau à Vannes, et kidnappera l’enfant d’un couple gambien, laissant sa mère très grièvement brûlée. Le Président : « Saviez-vous que vous recommenceriez ? « . Laëtitia Penvern : « Oui ». Elle dit qu’elle est désolée « pour tout, pour avoir blessé ces gens, blessé ma famille ». Elle ajoute : « Je suis soulagée de tout maintenant. »
Me Morand-Lahouazi, avocat du couple Wissa, se lève et la remercie, « pour mes clients », de ses aveux. « Il n’est jamais trop tard. »