« Nous sommes à la fin des travaux. » En quelques mots, la maire Hélène Harbonnier tente de mettre un terme à un problème qui empoisonne – littéralement – Luzillé depuis des années.
En 2019, la commune découvre trois lettres qui vont perturber le quotidien de certains de ses habitants, et imposer des travaux coûteux à la commune : « CVM », pour chlorure de vinyle monomère. Classée cancérigène, cette substance issue de la dégradation des canalisations PVC produites avant 1980, se retrouve dans l’eau potable, notamment aux extrémités du réseau, là où le débit est le plus faible.
“Là où on ne cherche pas, on ne trouve pas”
C’est ce qu’ont découvert les élus, à des niveaux bien supérieurs aux seuils de qualité de 0,5 microgrammes par litre (µg/L), lors d’un audit réalisé avant le transfert de compétence à la collectivité. des communes.
Quatre ans de distribution de dix packs d’eau en bouteille et 550 000 € de travaux pour changer les canalisations plus tard, début 2025, “c’est réglé” confirme le vice-président de la communauté de communes Autour de Chenonceaux Bléré Val de Cher, Ludovic Dubois.
Entre temps, des analyses non conformes ont émergé ailleurs sur le territoire, à Sublaines et Bléré. Et ces communes sont loin d’être les seules concernées en Indre-et-Loire. Selon l’Agence régionale de santé (ARS) Centre-Val de Loire, des analyses réalisées en 2024 ont révélé la présence de CVM dans au moins cinq communes (1), dont trois confirmées, à Sublaines, Saunay et Crissay-sur. -Presbytère.
Contrôles aléatoires
“Oui, nous avons un problème de CVM, et nous sommes sur le pont”acquiesce la maire de Saunay, Catherine Datte. Des informations destinées aux habitants sont en cours de préparation par la municipalité. « Il ne faut pas affoler la population, tempère l’élu. Le problème concerne une quinzaine de foyers en bout de réseau. Il y aura certainement des distributions d’eau en bouteille jusqu’à ce que des mesures correctives puissent être prises. »
Entre Bléré et Sublaines, où deux kilomètres de canalisations problématiques ont été remplacés en 2023, « un seul hameau reste à ce jour concerné, avec une habitation – une maison secondaire – exposée », indique Ludovic Dubois. Le maire de Crissay-sur-Manse n’était pas joignable mardi soir, au moment d’écrire ces lignes.
-Si ces communes sont dans le viseur de l’ARS, elles ne représentent pas l’ensemble des concernés. En fait, les contrôles sont loin d’être systématiques. Les analyses sont réalisées par l’ARS “au hasard […] depuis 2014 »et même si les responsables de la production et de la distribution de l’eau (PRPDE) sont tenus de mener des campagnes d’analyses ciblées, celles-ci sont loin de couvrir tous les domaines potentiellement problématiques. C’est justement ce que souligne un article académique du chercheur angevin Gaspard Lemaire, publié jeudi 16 janvier 2025, qui souligne “données [qui] restent très incomplets.
Des syndicats de l’eau réticents ?
“Là où on ne cherche pas, on ne trouve pas” exprimé par un tautologie Maurice Talland, maire de Jaulnay et vice-président du Syndicat d’alimentation en eau potable de Courcoué-Richelieu (Smaep), qui a pris le problème à bras-le-corps il y a six ans, après que des analyses ont révélé la présence de CVM en certains points de son territoire, en 2019. Le remplacement de 41 km de canalisations sur le territoire a nécessité un investissement de 3,5 millions d’euros. « Certains syndicats de l’eau sont sans doute un peu réticents à mener ces recherches, car derrière cela il pourrait être nécessaire de prendre des mesures, parfois coûteuses »note l’élu.
Ceux qui le trouvent, la plupart du temps. Ainsi, la communauté de communes du Val d’Amboise, qui a réalisé un diagnostic sur l’ensemble de son territoire en 2023, identifiant 36% des canalisations « à risque »a mis au jour un échantillon non conforme, dans un hameau de Noizay, où une seule maison est concernée. Une analyse non conforme de « premier niveau » repéré par la collectivité, mais non recensé par l’ARS Centre-Val de Loire, qui assure ne pas avoir constaté “pas de non-conformité” en Indre-et-Loire cette année-là. Ce flou dans la compilation et la publication des données amène le chercheur Gaspard Lemaire à s’exprimer dans son document de travail « précarité sanitaire », même, dans un entretien au quotidien Le Monde, de « scandale sanitaire majeur ».
Dans le Loiret, une famille qui s’estime victime de CVM a déposé un recours administratif pour obtenir « la négligence coupable de l’État »ainsi qu’un recours devant le tribunal judiciaire d’Orléans contre le Syndicat Intercommunal de l’Eau Potable « pour violation de son obligation de distribution d’eau potable et d’information ». Son avocate, Gabrièle Giens, a lancé une plateforme juridique dédiée aux consommateurs d’eau exposés au chlorure de vinyle monomère pour inciter les citoyens à exiger des analyses et à poursuivre les recours en cas de contamination avérée.
(1) In Coteaux-sur-Loire and Nouans-les-Fontaines, the non-compliance was not confirmed during a second inspection.
Quels sont les risques pour la santé de la CVM ?
Selon l’Agence régionale de santé (ARS) Centre-Val de Loire, « le chlorure de vinyle monomère est classé dans le groupe 1 (cancérogène certain pour l’homme) par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) depuis 1987. Il constitue un facteur de risque de angiosarcome hépatique, une forme rare de cancer du foie. Depuis sa réévaluation par le CIRC (2008), la CVM est également suspectée d’être à l’origine de carcinomes hépatocellulaires, la forme la plus courante de cancer du foie. » Le Code de la santé publique fixe la concentration maximale admissible de MVC à 0,5 µg/L.