Deux ans et un mois après la fermeture de la maternité de Ganges, et 50 ans et un jour après l’entrée en vigueur de la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse (avortement), 250 personnes ont manifesté, à l’appel du collectif Maternité pour défendre, pour la réouverture du service avant la construction de la future polyclinique. Des témoignages de femmes ayant vécu une situation de santé difficile ou un accouchement sur la route ont ponctué le parcours. Pour le collectif, le centre périnatal local ne pallie pas le manque.
Le collectif Maternité pour défendre n’a pas perdu le contact avec les autorités. Mais ils ont un peu pris leurs distances, depuis la fermeture de la maternité de la clinique, en décembre 2022. Depuis plus de deux ans maintenant, la précarité des femmes enceintes s’est fortement accrue dans les vallées qui dépendaient de ce service et les témoignages reviennent régulièrement de des femmes qui ont dû accoucher dans leur voiture ou qui ont eu l’instinct de ne pas rentrer chez elles et attendre sur le parking d’un hôpital de Montpellier… Le collectif continue donc de discuter avec l’Agence régionale de santé (ARS). Même s’ils ne se sont pas vus depuis dix mois…
« Un mars 2024 »confirme Bruno Canard, l’un des porte-parole du collectif, visiblement présent devant la clinique du Ganges, ce samedi, pour la manifestation qui à la fois rendait hommage aux 50 ans de la loi Veil et réclamait la réouverture de la maternité. « L’engagement pris en mars était d’organiser une rencontre avec tous les professionnels du centre périnatal local (CPP) et les sages-femmes de la région, précise Bruno Canard. Mais cela ne s’est pas produit. Et le RPC n’a pas été renforcé du tout, aucun avortement n’y est pratiqué. Nous demandons au moins que l’ARS tienne ses engagements.»
« L’obstétrique devient un sport de combat dans les Cévennes »ironise Bruno Canard, qui a le sentiment que « sur les quatre communautés de communes concernées , les élus n’y croient plus.»
François Desmeures « Nous alertons, poursuit Bruno Canard, pour qu’il y ait une vraie réflexion, un comité de pilotage de la maternité dans la nouvelle clinique. Nous connaissons l’argument médical selon lequel “Nous ne trouvons pas de gynécologue.” Mais il faudrait déjà moderniser les gardes, superviser les intérimaires.» Et pour le porte-parole du collectif, établir une contrainte à l’installation sur un territoire donné, au moins pour un certain temps, serait “logique” pour qu’ils vivent « petites maternités ».
François Desmeures Alors que les discours commencent, le maire de Trèves, Régis Valgalier, philosophe. “La santé est malade et les hôpitaux, dans ce contexte, sont en soins palliatifs.” Sa ville est à trois quarts d’heure de Millau.« Mais avec le nouvel hôpital, nous serons à une heure. Ganges, c’est une heure et quart. Je n’accuse personne. Mais ce qui se passe aujourd’hui était prévu depuis longtemps. » ajoute-t-il en faisant référence à la pénurie de médecins. Tout en étant ironique : « Je me demande encore si les médecins prêtent le serment d’Hippocrate ou d’hypocrite… »
François Desmeures Les femmes qui ont pris la parole ont alors rappelé qu’un million de femmes avortent chaque année en France. Coralie Joly, de la CGT du Vigan, a affirmé que“pas moins de 130 centres IVG ont fermé ces dernières années en France” . Pour l’union Sud, Priscilla Manzanares a appelé à« lutter contre ceux qui veulent remettre en question ce droit »
-François Desmeures
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François Desmeures
Deux femmes témoignent du péril qu’elles ont traversé Marianne et Josepha ont pris la parole à tour de rôle, en tête du cortège, pour témoigner du danger qu’elles ressentaient pour leur vie et, pour l’une d’elles, pour son enfant.Atteinte du papillomavirus, Marianne a été opérée à Montpellier. De retour à la maison, « à une demi-heure des urgences de Ganges » elle a remarqué à 17h30 qu’elle faisait une hémorragie. “Aux urgences, on m’a dit que le médecin n’avait pas pratiqué d’intervention gynécologique depuis 17 ans.” Elle part donc à Montpellier, sans aucune proposition de transport, vers la clinique où elle a été opérée.
« Le gynécologue urgentiste était chez lui et n’a pas jugé bon de venir. Finalement, j’ai été opéré à 23h30….” Cela représente six heures de perte de sang et un long voyage avant l’opération. Josepha a donné naissance à son premier enfant en 2021, en 3 heures 50 minutes, assez vite pour une première naissance. C’est pourquoi elle craint cette seconde naissance, même si la maternité du Ganges a fermé et qu’elle habite sur le plateau de Blandas, à Montdardier, à 1h20 de Monteplleir et 1h15 de Millau.
“Pour moi, c’est sûr, je vais accoucher sur la route.” Au plateau technique de Millau, nous lui avons fourni un kit, avec des serviettes et du matériel pour garder bébé au chaud… Sur la route, son compagnon reconnaît les cris de Josépha comme signalant la naissance imminente et décide de s’arrêter sur le parking de la salle des fêtes de Sauclières. “Nous avons appelé le 15, mis sur haut-parleur.”
Josepha prend une profonde inspiration avant de poursuivre son histoire. « Ma petite fille est arrivée avant les pompiers. Mon enfant respire, mais j’ai peur parce que j’ai mal. Les pompiers volontaires de Millau tremblent. C’est mon compagnon qui leur coupe le cordon.