En ce matin de janvier, sur une plage de la Teste-de-Buch près d’Arcachon (Gironde), près d’un millier de sapins de Noël flétris sont transformés en brise-vent pour contenir les avancées de l’océan.
Chaque année, une équipe de l’Office national des forêts (ONF) encadre une dizaine d’enfants, âgés de 10 à 12 ans, pour stocker ces conifères sur la dune taillée par les vents.
La dune a reculé de 90 mètres en quelques années
L’érosion côtière, phénomène naturel de perte de sédiments, sous l’effet des vents, des vagues et des marées, provoque par endroits un recul des côtes de plusieurs mètres sur le littoral sableux du pays. A la Teste-de-Buch, sur cette plage en contrebas de la pinède brûlée lors des mégaincendies de l’été 2022, la dune a reculé de 90 mètres ces dernières années.
Les petits sapins, arrachés de leur pied avec enthousiasme par des enfants équipés de gants de protection, feront office de « brise-vent » et, grâce à leurs épines, empêcheront le sable de s’envoler vers l’intérieur des terres, explique le technicien de l’ONF Mathieu Brugère. Recouverts au fil des mois, ces arbres morts vont « reboucher » les trous du cordon dunaire et leurs apports organiques vont nourrir les plantes sableuses – oyat, gourbet – mises en place par l’ONF pour « maintenir » le sable en haut de dune, précise le spécialiste.
Au large, l’apparition de bancs de sable modifiant les courants a permis un léger « réengraissement » de la plage depuis deux ans. « On profite de ces moments de répit pour capitaliser sur le sable aux endroits nécessaires », ajoute le technicien, avant d’inciter les enfants à empiler les sapins dans une trouée de la dune. Celui-ci a été creusé par le piétinement des vacanciers arrivant du parking, « entièrement recouvert de sable » durant l’automne car la dune ne le protège plus.
« Ces enfants sont très attachés à leurs plages, à leur nature »
Pour Karelle, 11 ans et déjà habituée à ces opérations réalisées avec sa classe ou le conseil municipal des jeunes de la commune, “c’est important pour que les gens puissent aller à la plage sans qu’il y ait du sable sur la route”.
-« Dans quelques années, vous direz : j’ai travaillé sur cette dune », lance le maire (DVD) Patrice Davet à un petit garçon aux gants pleins d’épines vertes, une fois le trou comblé. « Ces enfants sont très attachés à leurs plages, à leur nature. Ils se souviennent aussi des incendies d’il y a deux ans. Nous amplifions cet attachement en leur faisant effectuer des tâches environnementales. C’est notre avenir, nous voulons les éduquer dans ce sens-là », souligne l’élu.
15 000 arbres chaque année
Au total, 15 bennes, soit plus de 15 000 sapins, sont déversées chaque mois de janvier sur les plages de la commune. Ce modèle de « gestion douce » de l’érosion est déployé depuis une dizaine d’années sur les plages de sable fin du golfe de Gascogne (des Pyrénées-Atlantiques à la Vendée), ainsi que sur certains cordons dunaires du nord du pays (Manche et Pas-de-Calais).
Selon les scientifiques de l’Observatoire du Littoral Nouvelle-Aquitaine, associant le BRGM et l’ONF, la dune recule de 1,7 à 2,5 mètres par an sur les plages de sable fin du Sud-Ouest. Le phénomène pourrait y menacer 6 000 foyers, si rien n’est fait, d’ici 2050.
