Pour une gouvernance numérique cohérente et durable

Pour une gouvernance numérique cohérente et durable
Pour une gouvernance numérique cohérente et durable

Je voudrais tout d’abord saluer la profondeur de votre analyse et la pertinence des points soulevés. Votre contribution met en lumière des enjeux stratégiques essentiels pour le développement numérique du Sénégal et ouvre un débat nécessaire pour orienter ce secteur clé vers une trajectoire durable et cohérente.

Sur le contrôle et la taxation des appels entrants

Votre analyse sur le retour de la surtaxe des appels entrants est d’une grande importance, mais elle mérite d’être complétée, notamment en ce qui concerne la distinction entre taxation et contrôle. De nombreux acteurs semblent réduire le problème à une simple question de recettes fiscales, oubliant le rôle fondamental du contrôle dans un écosystème numérique sécurisé et efficace.

La maîtrise des appels entrants constitue un levier stratégique pour :

Protéger les citoyens : Lutte contre la fraude, les appels indésirables (spam) et les cyberattaques qui utilisent souvent les réseaux de télécommunications.

Préserver les revenus des opérateurs : Contrer les pratiques de contournement (fraude aux télécoms) qui contournent les circuits officiels et génèrent des pertes importantes pour les opérateurs et l’Etat.

Garantir une traçabilité optimale : Permettre une meilleure identification des flux de communication pour anticiper et prévenir les abus.

Concernant la fiscalité, vous soulignez à juste titre que le trafic entrant générait autrefois des recettes substantielles : entre 3,5 et 5 milliards de FCFA par mois, soit environ 50 milliards de FCFA par an. Ces chiffres, dus en partie à un trafic de 90 à 100 millions de minutes par an à l’époque, doivent être contextualisés aujourd’hui avec l’essor des OTT (WhatsApp, Viber, Messenger, etc.) et la transformation des usages.

Il est cependant essentiel de noter que :

Le trafic entrant reste pertinent, même en 2019, alors qu’il représentait encore 77 millions de minutes (malgré l’absence récente de reporting mis à jour de l’ARTP).

Avec plus de 22 millions d’abonnés en 2023, un potentiel de trafic entrant important demeure, notamment dans les zones non couvertes par la 3G/4G. Selon le FDSUT, environ 3 000 localités sont encore déconnectées, ce qui confirme la dépendance de nombreuses régions au trafic vocal traditionnel.

Enfin, les études suggérant un apport des OTT à hauteur de 300 milliards FCFA pour le Sénégal méritent une réflexion approfondie sur les moyens de capter une partie de cette valeur sans imposer de frais supplémentaires aux abonnés. Cela nécessite des politiques fiscales appropriées, tout en veillant à ne pas décourager l’innovation numérique.

Sur la multiplication et la redondance des projets numériques

Vous mettez en avant un défi central : la fragmentation et le manque de coordination des projets numériques. L’exemple des 6 000 km de fibre optique, qui auraient pu être rationalisés en travaillant avec les opérateurs, illustre bien cette problématique. Il est essentiel que l’État adopte une approche stratégique pour :

Optimiser les investissements publics : éviter les chevauchements inutiles qui mobilisent des ressources sans apporter de valeur ajoutée significative.

Garantir l’interopérabilité des infrastructures : Assurer une connectivité transparente entre les différentes institutions et plateformes numériques.

Établir un cadre normatif clair : Définir des règles communes pour guider le déploiement des infrastructures et garantir leur cohérence avec les objectifs nationaux.

Le rôle du ministère des Télécommunications doit être renforcé en tant que gestionnaire stratégique, capable d’encadrer et d’aligner les initiatives des différents acteurs publics (SENUM, ARTP, FDSUT, etc.) et privés.

Sur la gouvernance et la coordination

Vous soulignez à juste titre la nécessité d’une gouvernance unifiée pour recentrer chaque acteur sur ses missions essentielles. Les conflits de prérogatives entre institutions comme la SENUM, la Senelec, l’ARTP ou la FDSUT affaiblissent l’efficacité globale du secteur. Une gouvernance cohérente implique :

Clarification des responsabilités : Définir clairement les rôles de chaque entité pour éviter des duplications coûteuses.

Une évaluation périodique des projets : Mesurer leur contribution réelle à l’amélioration de la qualité de vie des citoyens et de la compétitivité économique du Sénégal.

Vers une transformation numérique inclusive et durable

Le numérique ne doit pas seulement être considéré comme un vecteur économique, mais aussi comme un outil de souveraineté nationale et d’inclusion sociale. Dans le cadre du cadre Sénégal 2050, plusieurs priorités s’imposent :

Combler la fracture numérique : Garantir un accès universel aux infrastructures de base (fibre optique, 3G/4G) pour toutes les localités.

Renforcer la cybersécurité : Protégez les données des citoyens et les infrastructures critiques contre les cybermenaces.

Stimuler l’innovation locale : Soutenir les start-up et entreprises numériques sénégalaises afin qu’elles participent activement à la croissance du secteur.

Conclusion

Votre contribution, Monsieur Diakhate, pose des bases solides pour un débat structuré sur l’avenir numérique du Sénégal. Il souligne l’urgence de revoir nos priorités stratégiques, en adoptant une vision globale et cohérente qui privilégie le contrôle, la rationalisation des projets et une gouvernance renforcée.

Le Sénégal dispose des ressources et des talents nécessaires pour se positionner comme leader de la transformation numérique en Afrique. Cependant, cela nécessite une forte volonté politique et une mobilisation de toutes les parties prenantes, publiques et privées. Merci encore pour vos réflexions enrichissantes, qui inspirent une action collective pour un avenir numérique prometteur.

 
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