Justin Trudeau quittera bientôt son poste de premier ministre du Canada. Il mettra ainsi fin à un mandat de plus de neuf ans. Ce sera le 23e premier ministre du pays, mais seulement le 7e Francophone pour le diriger.
À la naissance du Dominion du Canada, on aurait pu voir George Étienne-Cartier occuper ce poste, mais c’est plutôt le député de Kingston en Ontario, John A. Macdonald, qui dirigeait le pays. Un conservateur orange, plutôt réticent à donner une place aux francophones dans le nouveau pays.
À la mort de Macdonald, John Abbott (1891-1892) le remplaça. Il est en effet le premier premier ministre du Québec de l’histoire, mais il ne parlait pas vraiment français. Il faudra attendre près de 30 ans après la naissance de la Confédération pour qu’un francophone puisse enfin diriger le pays.
SIR WILFRID LAURIER, 7 ANSe PREMIER MINISTRE
Wilfrid Laurier est le premier Canadien français à devenir premier ministre du Canada.
Photo fournie par la bibliothèque
Député de Québec-Est, Wilfrid Laurier était un redoutable tribun. Il occupe le poste de Premier ministre pendant 15 ans au tournant du XXe siècle.e siècle (de 1896 à 1911). On retient de ses mandats à la tête du pays ses acrobaties pour se maintenir au pouvoir. Il lui fallait à la fois prendre des décisions pour plaire aux anglophones fiers de leur appartenance à la couronne britannique et satisfaire les nationalistes qui souhaitaient que le pays s’en détache.
Les années au pouvoir du gouvernement libéral de Wilfrid Laurier furent marquées par la question des écoles au Manitoba, la guerre des Boers, la création en 1905 des provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan, une redistribution plus juste de l’assiette fiscale. une taxe avec les provinces, la création de la Marine royale canadienne et un accord de réciprocité commerciale avec nos voisins du Sud (1910), qui lui feront finalement perdre le pouvoir. Ses mots mémorables : « […] Je bâtirai une nation grande parmi les nations du monde » le caractérise bien.
LOUIS SAINT-LAURENT
Louis Saint-Laurent
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Après le départ de Laurier, 37 ans se sont écoulés avant qu’un autre francophone ne devienne premier ministre du Canada (1948 à 1957). Louis Saint-Laurent était, comme Laurier, député de Québec-Est. Souvent oublié des cours d’histoire, Saint-Laurent fut le chef du gouvernement à une époque où le Canada vivait des événements majeurs : entrée dans l’OTAN et à l’ONU, crise du canal de Suez, création de la Force d’urgence des Nations Unies, entrée de Terre-Neuve dans Confédération et le lancement des travaux titanesques de la Voie maritime du Saint-Laurent.
PIERRE ELLIOTT TRUDEAU
Le Parti libéral de Pierre Elliott Trudeau remporte les élections avec 45,5 % des voix.
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Lorsque Lester B. Pearson a renoncé à son poste de chef, c’est un « petit bonhomme » d’Outremont qui lui a succédé. Pierre Elliott Trudeau s’est fait un nom comme ministre de la Justice avec la légalisation du divorce et la décriminalisation de l’avortement et de l’homosexualité. On assiste alors à une véritable « Trudeaumanie ».
Ces nombreux mandats comprennent la promulgation de la Loi sur les mesures de guerre, l’envoi de l’armée au Québec lors de la crise d’Octobre et l’adoption de la Loi sur les langues officielles. Trudeau est le premier premier ministre du Canada à établir des relations diplomatiques avec la Chine communiste de Mao Zedong. Sur le plan économique, on retiendra la création de Petro-Canada, l’entrée du Canada dans le G7, mais aussi l’introduction du système métrique. Sur le plan constitutionnel, il a dirigé le rapatriement de la Constitution de Londres à Ottawa, a isolé le Québec au cours du processus et y a inscrit la Charte canadienne des droits et libertés. Son fameux « Regarde-moi juste » fut annonciateur d’événements marquants au Québec.
BRIAN MULRONEY
Brian Mulroney en campagne électorale
PHOTO fournie par ARCHIVES LA PRESSE/Robert Mailloux
Député de Manicouagan sous la bannière du Parti progressiste-conservateur, il a été premier ministre du Canada de 1984 à 1993. Dès lors, il tente de résoudre l’épineuse question constitutionnelle léguée par l’ancien premier ministre Trudeau. Mulroney a mené des négociations pour inclure le Québec dans un nouvel accord avec le reste du Canada, d’abord avec l’Accord du lac Meech (1987) et plus tard avec l’Accord de Charlottetown (1992). Malheureusement, ces deux tentatives ont échoué et ont contribué respectivement à la montée en puissance du Bloc québécois et du Parti réformiste du Canada.
C’est le gouvernement Mulroney qui était au pouvoir pendant la guerre du Golfe et la crise d’Oka. De plus, Brian Mulroney multipliera les interventions politiques pour accélérer la libération de Nelson Mandela. Il entretient d’excellentes relations avec le président américain Ronald Reagan. Sur le plan économique, on lui doit l’accord de libre-échange avec les Américains. Le 18e premier ministre du Canada a laissé sa marque en affirmant que « les Mandela, les Tutu, les Boesak finiront par gagner leur cause » dans un discours anti-apartheid en 1985.
JEAN CHRÉTIEN, LE PETIT GARÇON DE SHAWINIGAN
Photo prise sur le site jflisee.org
Lors de la débâcle électorale spectaculaire du Parti progressiste-conservateur aux élections de 1993, les Canadiens ont élu un autre Québécois francophone. C’est comme si avoir un chef d’État francophone à Ottawa était une sorte de pare-feu pour empêcher une majorité de Québécois de quitter la fédération. Ministre de longue date du gouvernement Trudeau, Chrétien a accédé au poste de premier ministre entre 1993 et 2003.
Chef du camp du non lors du référendum sur la souveraineté du Québec en 1995, c’est son gouvernement qui a mis en place la controversée Loi sur la clarté référendaire. Le territoire du Nunavut et la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ont pris forme au cours de ses années au pouvoir. Avec son populaire ministre des Finances, Paul Martin, il s’attaque au déficit budgétaire du pays. Il a surpris les Canadiens en refusant l’invitation du président Bush à participer à l’invasion de l’Irak. Il tirera sa révérence en plein scandale des commandites. Cette déclaration de son message à la nation d’octobre 1995 le représente bien : « Ne laissez jamais personne vous dire qu’on ne peut pas être à la fois fier d’être Québécois et fier d’être Canadien. »
PAUL MARTIN
Les anciens premiers ministres Paul Martin et Jean Chrétien se serrent la main lors d’une réunion libérale en décembre 2006 à Montréal.
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Fort de sa réputation de gestionnaire capable d’équilibrer les dépenses publiques, le député de LaSalle-Émard au Québec devient premier ministre du Canada. Franco-Ontarien de naissance, Paul Martin est arrivé au pouvoir en pleine crise de confiance des Canadiens à cause du scandale des commandites. Il tentera de calmer le jeu en créant la Commission Gomery. A la tête d’un gouvernement minoritaire, il parvient tout de même à faire voter la loi reconnaissant le mariage homosexuel.
JUSTIN TRUDEAU DE 2015 À 2025
Justin Trudeau devient chef du Parti libéral du Canada en 2013.
Photo d’archives
Fils aîné de Margaret Trudeau, née Sinclair, et de l’ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau, Justin est né alors que son père était chef d’État au Canada. Diplômé en littérature de l’Université McGill et en éducation de l’Université de la Colombie-Britannique, Justin Trudeau attire l’attention des médias lors d’un discours vibrant lors des funérailles de son père en octobre 2000. Il entre en politique en 2008 et devient facilement député de la circonscription montréalaise de Papineau. . Trudeau a entamé sa première campagne à la tête en 2015. Les sondages plaçaient son parti en troisième position au début de la course, mais sa brillante campagne lui a permis de remporter les élections et de devenir premier ministre d’un gouvernement majoritaire. Cela devient le 7e francophone d’occuper cette place dans l’histoire du pays.
Justin Trudeau quittera le pouvoir dans quelques semaines, il est le dernier francophone à occuper ce poste de pouvoir. On ne se souviendra pas de ses luttes pour améliorer le français au Canada, mais on retiendra que grâce au tact de sa ministre Chrystia Freeland, son gouvernement a réussi la difficile renégociation avec le président Trump pour redessiner l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Il bénéficie également de l’héritage de la taxe carbone ainsi que de la légalisation du cannabis. Il se retrouvera malgré lui au cœur d’une polémique lorsque d’anciennes photos de lui affichant un visage noir refaire surface ou lorsque son gouvernement, qui se vante d’être le plus vert de l’histoire, achète le pipeline Trans Mountain ainsi que tous les principaux actifs de Kinder Morgan pour 4,5 milliards de dollars. Bref, on se souviendra certainement de lui pour ses efforts de réconciliation avec les peuples autochtones, mais aussi pour sa promesse non tenue de réformer le système électoral au Canada.