LUDOVIC MARIN / AFP
Emmanuel Macron et le président algérien Abdelmadjid Tebboune lors du sommet du G7 en Italie, le 14 juin.
POLITIQUE – Assez, c’est assez. C’est en substance le message martelé par Paris, après le refus d’Alger de récupérer une influenceuse algérienne expulsée de France. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, y voit une volonté » humilier la France », quand son collègue des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot se dit prêt à « riposter » et “ l’escalade continue.
Alors que la partie droite et extrême droite de la classe politique appelle l’exécutif à réagir en adoptant des mesures de rétorsion, le chef du Quai d’Orsay a cité sur LCI le « leviers » que la diplomatie française peut utiliser pour défendre ses intérêts face à l’Algérie. « Il existe tout un arsenal de réponses diplomatiques, certaines choses que nous disons, d’autres que nous ne disons pas. Nous le ferons au rythme et de la manière que nous jugeons les plus efficaces, en mobilisant tous les leviers à notre disposition », » a-t-il déclaré, avant d’en citer quelques-uns.
Les visas, une mauvaise idée ?
Parmi eux, les visas. L’idée : accorder moins de visas aux ressortissants algériens souhaitant se rendre, pour une raison ou une autre, en France. “ Nous leur donnons des visas, mais ils ne donnent pas assez de laissez-passer consulaires.» (pour les expulsions), a résumé le ministre de l’Intérieur, qui plaide pour la mise en place d’un “réciprocité” entre Paris et Alger. Cette question des visas se cristallise notamment autour du fameux accord de 1968. Dénoncé par une partie de la classe politique, cet accord bilatéral facilite l’obtention de visas pour les Algériens, qui peuvent librement s’établir en France pour ouvrir des entreprises ou exercer une profession indépendante.
Le délai d’obtention d’un titre de séjour de dix ans est raccourci et le regroupement familial est favorisé. Alors que la Macronie s’est souvent montrée hostile à la remise en cause de ce texte, au nom d’une normalisation des relations compliquées entre la France et l’Algérie, l’affaire de l’influenceur expulsé fait bouger les lignes. Pour Gabriel Attal, qui s’exprime dans une tribune à Figarole traité ” est aujourd’hui devenue une voie d’immigration à part entière, permettant le regroupement familial et l’installation de personnes, sans même qu’elles aient besoin de connaître notre langue ou de démontrer leur intégration » et « rend pratiquement impossible le retrait des titres d’immigration. séjour pour les ressortissants algériens, même pour des raisons d’ordre public ».
Une telle mesure serait-elle vraiment efficace ? Le doute est permis. Car vu d’Algérie, c’est la France qui serait tenue pour responsable de la révision de cet accord qui affecterait les citoyens algériens, dans un contexte où les autorités y entretiennent volontiers un sentiment anti-français. On voit donc mal comment l’administration d’Abdelmadjid Tebboune pourrait souffrir de ces représailles. D’autant que sur le plan opérationnel, on voit mal comment l’abrogation de cet accord (ou de toute autre mesure sur les visas) pourrait changer la donne, puisqu’il suffirait à un Algérien voulant se rendre en France de passer par un visa espagnol. et, grâce à Schengen, rejoindre la France sans contraintes. S’il s’agit de contraindre le pouvoir algérien à accéder aux demandes de la France, ce levier à lui seul apparaît insuffisant.
Le (faible) levier de l’aide au développement
Autre outil dont dispose la France, et évoqué par Jean-Noël Barrot : l’aide publique au développement. Concrètement, la France débourse environ 130 millions d’euros chaque année. En France, certains appellent l’exécutif à fermer le robinet tant que l’Algérie continue l’escalade diplomatique. Après tout, c’est une somme importante que Paris accepte de donner à Alger pour soutenir son développement économique et social. Mais là encore, et s’il s’agit de faire bouger les lignes en Algérie, l’efficacité d’une telle mesure questionne, dans un contexte où le PIB de l’Algérie s’élevait en 2023 à… 247 milliards de dollars. Autant dire que l’enveloppe française, bien que conséquente, représente (très) peu par rapport à ce chiffre. Et que le pouvoir algérien ne souffrirait pas de s’en passer.
Dans sa tribune à FigaroGabriel Attal avance une autre piste : « l’arme commerciale « . L’idée : négocier avec les pays européens une augmentation des droits de douane pour les produits en provenance d’Algérie. Ou l’instauration d’un bras de fer qui obligera les autorités algériennes à revenir sur leurs positions. Or, comme le souligne la journaliste Neila Latrous sur BFMTV, « Premier produit algérien exporté vers la France : les hydrocarbures « . Ce faisant, une augmentation des taxes pourrait mécaniquement augmenter le prix de l’énergie déjà jugé trop élevé en France. Au-delà de ces mesures dont le seul intérêt semble être celui de l’opinion publique française, il reste des outils bien plus discrets. Ces choses qu’on ne dit pas », précise Jean-Noël Barrot. Et c’est dans ce domaine de la diplomatie clandestine que Paris peut avoir de quoi se faire entendre, que ce soit sur la place accordée à Alger sur le plan géopolitique ou sur le gel des avoirs des dignitaires algériens. Mais ce sont des arbitrages plus subtils et moins retentissants que ce qu’on peut dire dans un tweet ou dans une interview.
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