Ce navire rétablit les ponts entre la Nouvelle- abandonnée et la mère patrie

Depuis la chute de la Nouvelle- en 1760, les relations entre la France et son ancienne colonie en Amérique du Nord sont pratiquement inexistantes.

Il faudra près de 100 ans pour que deux événements rétablissent les relations entre l’ancienne mère patrie et la colonie abandonnée. D’abord, lorsque le gouvernement de la Grande-Bretagne a aboli en 1849 les lois interdisant aux navires étrangers d’accéder aux eaux canadiennes, puis lorsque, six ans plus tard, les Britanniques et les Français ont formé une alliance contre la Russie dans le conflit de Crimée.

Guerre de Crimée (1854-1856)

Peinture d’Adolphe Yvon

CONNEXION ENTRE ENNEMIS ASSURÉS

C’est dans ce contexte de détente diplomatique qu’une belle et grande corvette, Le Capricieuxdeviendra le premier navire battant pavillon français à revenir au Canada depuis la conquête britannique. Jusqu’au 13 juillet 1855, hormis les quelques bateaux venus chercher ceux qui étaient contraints de rentrer en France, aucun autre navire armé battant pavillon français n’avait navigué dans les eaux canadiennes. Le Capricieux puis entre dans l’histoire en remontant fièrement le fleuve pour enfin mouiller au port de Québec. Les diplomates à bord ont pour mission de rencontrer les dirigeants canadiens et de rétablir les ponts commerciaux, de trouver de nouveaux débouchés pour les produits français et d’évaluer subtilement l’importance du marché canadien. Les Français souhaitent également communiquer leur intention d’établir une paix durable et d’officialiser la réconciliation avec la Grande-Bretagne.

La capitulation de Montréal en 1760

Musée virtuel du Canada

LE CAPRICIEUX AU CANADA

Le bateau français, placé sous le commandement de Paul-Henry de Belvèze, entame en mai sa tournée de l’Amérique du Nord dans les Maritimes. Puis, la flamboyante corvette entre dans le fleuve Saint-Laurent où elle est accueillie au son des cloches des églises paroissiales des deux rives. Les Canadiens sont fiers de cette visite et ils sont nombreux à se rassembler sur les berges pour saluer le passage du grand édifice. La Capricieuse arrive finalement au quai du port de Québec le 13 juillet 1855. Le drapeau tricolore flotte sur toutes les maisons et les habitants de Québec se précipitent littéralement pour échanger avec les marins de Le Capricieux.


Commandant Paul-Henry de Belvéze. Du 13 juillet au 25 août 1855, Belvèze visite le Bas-Canada et le Haut-Canada.

BAnQ

Réceptions, défilés de rue, bals et grandes cérémonies, rien n’est trop beau pour que nos invités se sentent les bienvenus dans la vieille Nouvelle-France. Le commandant Belvèze est l’invité d’honneur des cérémonies officielles données par le maire de Québec Joseph Morrin et le gouverneur général du Canada Edmund Head. On lui demande d’installer la première pierre du monument des Braves sur les plaines d’Abraham.


Ship La Capricieuse - HISTORY

Un bal diplomatique de grande importance. Depuis 1849, le Canada peut commercer avec d’autres pays comme la France. Jusque-là, les relations commerciales avec la France étaient limitées et ne concernaient que quelques produits lourdement taxés, introuvables en Angleterre. En fait, il faut savoir que la France n’était pas reliée par câble transatlantique au Canada, tous les échanges commerciaux devaient passer par Londres.

Domaine public

Le lendemain, 14 juillet, la Fête de la France et la prise de la Bastille furent célébrées en grande pompe. L’émissaire français est conscient de l’importance de l’événement et il comprend qu’il n’est qu’un héros de circonstance, il doit donc se montrer subtil et se positionner, dans ses discours, comme l’allié de l’Angleterre. Dans ses discours, il prenait grand soin d’honorer les vertus du régime britannique au Canada. La presse est unanime à célébrer l’élégance des discours de Belvèze.

«La ville de Québec vient d’être témoin d’un de ces spectacles étonnants qui marquent une époque et dont l’histoire conserve un souvenir inoubliable.»

Moniteur universel (journal officiel de l’Empire britannique)

Tout se passe comme si, pour la première fois, les francophones du pays avaient la permission de manifester leur attachement affectif à la France, sans avoir le sentiment de trahir le conquérant britannique.

Après avoir visité Montréal, Ottawa, Toronto et Trois-Rivières, l’équipage revient à Le Capricieux et leva l’ancre le 25 août 1855.


Ship La Capricieuse - HISTORY

« La Capricieuse » au départ du port de Québec, le 27 août 1855

Domaine public

L’héritage de cette visite

De nombreux artistes, dont le célèbre poète Octave Crémazie, s’inspireront de cette visite à Le Capricieux créer des œuvres patriotiques. Cette exaltation populaire donnera également naissance au mouvement littéraire de l’École littéraire et patriotique du Québec.


Ship La Capricieuse - HISTORY

Guerre de Crimée (1854-1856)

Peinture d’Adolphe Yvon

Malgré l’enthousiasme de la population, les résultats de la mission diplomatique sont mitigés. La France accepte d’ouvrir trois délégations officielles dans l’Empire britannique d’Amérique du Nord, deux dans les colonies maritimes et une au Québec. Ce dernier devient, en 1859, le premier consulat français au Canada-Uni. Toutefois, Montréal devra attendre encore quelques années pour avoir le sien. Il semble que la priorité de la politique étrangère de Napoléon III (qui dirigeait alors la France) était de se rapprocher de la Grande-Bretagne, mais non de développer des liens privilégiés avec les Canadiens français.

 
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