Paul Maillot Rafanoharana, un prisonnier embarrassant entre la et Madagascar

Paul Maillot Rafanoharana, un prisonnier embarrassant entre la et Madagascar
Paul Maillot Rafanoharana, un prisonnier embarrassant entre la France et Madagascar
Paul Maillot Rafanoharana (à droite), Mgr Odon Razanakolona et l’ambassadeur de , Christophe Bouchard, lors d’une rencontre à l’archevêché d’Antananarivo en octobre 2020. RD

Madagascar se conformera-t-il à l’avis du groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire demandant la libération de l’ancien officier de gendarmerie franco-malgache, Paul Maillot Rafanoharana, condamné à vingt ans de prison en décembre 2021 pour tentative présumée de coup d’État en vue d’assassiner le président Andry Rajoelina ?

Un mois après la publication officielle de l’avis adopté à l’issue d’une enquête menée par des experts indépendants, le silence continue de régner à Antananarivo. L’organisme onusien a été contacté en 2022 par la famille de Paul Maillot. « Vous serez informé en temps utile » répond le ministre de la Justice, Benjamin Alexis Rakotomandimby, sollicité par Le en précisant que la procédure judiciaire concernant le dossier Apollo 21 – nom donné à l’affaire – est close et que la décision ne relève pas de sa seule responsabilité.

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La réserve reste également de mise côté français. « La France a pris note de l’avis rendu sur le cas de Paul Maillot et sera attentive aux mesures susceptibles d’être prises par les autorités malgaches. Sa situation fait l’objet d’un suivi régulier de la part du ministère des Affaires étrangères pour la protection consulaire. commente sobrement une source diplomatique.

Les avocats de l’ancien militaire de 61 ans, détenu depuis trente-sept mois dans une cellule sans fenêtre de 2 m sur 4 m au quartier d’isolement de la prison de Tsiafahy, décrit comme un “l’enfer carcéral” par Amnesty International entendent cependant profiter de cette évolution pour mettre en lumière la situation de leur client dont ils ont toujours plaidé l’innocence et dénoncé les irrégularités de la procédure qui a conduit à sa condamnation.

« Cerveau » de l’affaire ?

« Cet avis n’est pas coercitif mais il pèse sur la réputation des Etats. Quand un pays vit sous perfusion de financements extérieurs [ comme Madagascar]peut-on accepter que ses pratiques pénitentiaires soient ainsi remises en cause par les Nations Unies ? »demande M.e Pierre-Olivier Sur, espérant au moins pouvoir boucler rapidement la demande de transfert demandée depuis 2022 dans le cadre des accords de coopération entre les deux pays.

Paul Maillot Rafanohara a été arrêté le 20 juillet 2021 avec une vingtaine d’autres personnes. Parmi eux, le colonel français Philippe François et une ancienne employée de la Banque centrale, Aina Razafindrakoto, avec laquelle il était associé dans une société de négoce d’or, un ancien premier ministre Victor Ramahatra, cinq généraux, ainsi que son épouse Voahangy Andrianandrianina, toujours incarcérée. aujourd’hui, et dont l’état de santé est considéré comme critique.

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Considéré comme le ” cerveau “ de l’affaire, l’ex-gendarme a écopé de la peine la plus lourde lors du verdict rendu en décembre 2021. Philippe François, Saint-Cyrien comme lui, a été condamné à dix ans, mais son rapatriement, facilité par la pression de la hiérarchie militaire et du comité de soutien présidé par l’écrivain et ancien ambassadeur Jean-Christophe Rufin, a été obtenu en juin 2023.

Selon Paris, la double nationalité de Paul Maillot Rafanoharana explique la stagnation du dossier malgré les entretiens réguliers entre Emmanuel Macron et son homologue malgache à l’Elysée. « On ne discute pas des décisions de justice, mais Paul Maillot devrait pouvoir bénéficier du même traitement [que Philippe François]. C’est un officier français, une personne engagée dans l’intérêt de son pays. rappelle le général Luc Beaussant, délégué général de l’association La Saint-Cyrienne qui regroupe d’anciens élèves de l’école. Le Franco-Malgache y a été formé de 1984 à 1987, dans la même promotion que l’ancien chef d’état-major des armées, François Lecointre (2017-2021).

Conseiller diplomatique d’Andry Rajoelina

Plus qu’un simple officier, il est aussi un intermédiaire que le gouvernement français a utilisé dans ses relations bilatérales avec Madagascar au moment où Andry Rajoelina, devenu chef du pays à la suite d’un putsch en 2009, était banni de la communauté internationale – il dirigeait le pays a d’abord été président de la transition de 2009 à 2014 puis a été élu en 2019. Nicolas Sarkozy, alors maître de l’Elysée, est favorable à une normalisation. Paul Maillot sera l’homme de la situation.

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L’ancien gendarme, reconverti dans les affaires, navigue entre la France et Madagascar où il ne renoue avec ses racines que depuis quelques années. A la tête d’une entreprise informatique, il a délocalisé une partie de ses activités dans la Grande Île et veut se rendre utile à ce pays dont il a découvert l’immense pauvreté. A la demande officieuse de l’Elysée, il devient conseiller diplomatique d’Andry Rajoelina afin d’œuvrer à la reconnaissance du régime par les chancelleries étrangères.

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La France a été la première à franchir le pas en recevant le nouvel homme fort au Quai d’Orsay en mai 2011. Mais l’aventure a tourné court. Il s’est rapidement heurté à certains membres de l’entourage de l’assassin de Marc Ravalomanana qu’il considérait comme toxiques pour les intérêts du pays et a jeté l’éponge au bout de trois mois, comme il l’a expliqué dans un entretien accordé à Le Madagascar Express16 mai 2011. Malgré cette déception, sa vie ne sera plus loin des cercles d’influence où se discute l’avenir du pays et il reste un interlocuteur des diplomates français qui se succèdent en poste à Antananarivo.

Fervent catholique, devenu conseiller de l’influent archevêque d’Antananarivo, Odon Razanakolona, ​​il dirige depuis 2015 un groupe de réflexion baptisé Groupe d’experts stratégiques et sectoriels (GE2S). Constitué d’une dizaine de personnalités de la haute fonction publique ou du secteur privé, le groupe se réunit discrètement deux fois par mois au domicile de l’une d’entre elles.

Mamy Ravatomanga, la conseillère de l’ombre

Personnage au parcours unique qui se démarque dans les milieux malgaches, Paul Maillot n’est pourtant pas considéré comme un adversaire. Lorsqu’Andry Rajoelina, après avoir été contraint de se retirer à la fin du régime de transition (2009-2013), revient au pouvoir par les urnes fin 2018, il est de nouveau invité à rejoindre le cercle des conseillers présidentiels. Il décline, suscitant l’incompréhension de Paris qui continue de miser sur l’ancien entrepreneur du spectacle. Signe de cette continuité, c’est Nicolas Sarkozy qui sera mandaté par Emmanuel Macron pour assister à l’investiture.

Fin 2019, alors que le plan Emergence Madagascar promis pour « rattraper en cinq ans ce qui n’a pas été fait depuis l’indépendance » attend toujours, la directrice de cabinet d’Andry Rajoelina, Lova Hasinirina Ranoromaro, se tourne vers GE2S. La création d’une task force pour aider le président à sortir du bourbier qui menace est à l’étude. Celui qui en est aujourd’hui le porte-parole peut avancer en toute confiance. Son père faisait partie du petit groupe qui lui a remis une note de six pages, consultée par Le monde et dans quelles voies de réforme et d’attaque contre la mauvaise gouvernance qui prospère sur fond de « népotisme et favoritisme ».

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L’éclatement de la crise du Covid-19 a décalé les discussions d’un an mais fin 2020, dans un contexte économique et social encore plus dégradé, un remaniement ministériel redevient d’actualité. Et le nom de Paul Maillot circule sur la liste des prospects. La presse locale s’en fait l’écho. « Quel intérêt aurais-je eu à assassiner celui qui voulait me faire Premier ministre ? “, interrogera le futur condamné lors de son procès.

Quelques mois après le verdict, la fuite sur les réseaux sociaux de trois notes verbales envoyées en janvier 2021 par l’un des très proches conseillers du président atteste des échanges qui ont eu lieu au plus haut sommet de l’État pour remplacer l’inamovible Premier ministre Christian Ntsay. , continuellement renouvelé depuis 2018 et toujours en fonction aujourd’hui.

« Privation arbitraire de liberté »

Dans ces brefs enregistrements adressés à Paul Maillot, Romy Voos Andrianarisoa, entraînée depuis dans un scandale de corruption alors qu’elle cherchait à obtenir un pot-de-vin de la société britannique Gemfields, revient sur ses échanges avec le PRM (Président de la République Malgache) : « Je crois que votre nom a été soumis sous plusieurs angles et dans les écrits que j’ai soumis également, mais je ne sais pas exactement ce que pense le PRM de cette proposition et jusqu’à ce que nous nous débarrassions de l’emprise du PB, ce sera lui. qui impose le PM”. BP pour “pierre bleue” est la traduction du malgache Ravatomanga et désigne le sulfureux homme d’affaires, Mamy Ravatomanga, conseiller de l’ombre, puissant au point qu’il est souvent qualifié de vice-président pour signifier que, en fait, c’est lui qui dirige le pays.

Les discussions entre Romy Voos et Paul Maillot se poursuivront jusqu’en juin 2021, selon des témoignages de plusieurs sources avant son arrestation le 20 juillet. Quelques semaines plus tard, le premier conseiller de l’ambassade de France, proche de Philippe François, a dû partir précipitamment. Antananarivo.

Dans son avis, l’organisme onusien réclame non seulement la libération immédiate de l’ancien officier de Saint-Cyr, mais aussi qu’une réparation lui soit accordée sous forme d’indemnisation et invite le gouvernement malgache à ouvrir une enquête. « enquête approfondie et indépendante sur les circonstances » ayant conduit à cela « privation arbitraire de liberté ».

Laurence Carmel

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