Que ce soit d’un point de vue économique, politique et financier, 2024 restera l’une des pires années des trois dernières décennies pour notre « douce France ». Et pour cause : instabilité politique sans précédent, envolée historique de la dette publique, hausse dangereuse des taux d’intérêt sur les obligations d’État, hausse massive du chômage, notamment des moins de 25 ans, aggravation de la crise immobilière, effondrement de l’activité industrielle, retour de la récession. au quatrième quart-temps… Évidemment, il aurait été difficile de faire pire. Heureusement, les JO de Paris ont permis de limiter les dégâts pendant un mois, mais n’ont visiblement pas réussi à inverser la tendance.
Comme le montre le graphique ci-dessous, l’évolution du taux d’intérêt des obligations d’État françaises à 10 ans illustre parfaitement cette déconfiture. Inférieur à 2,6% en janvier 2024, il frôlait les 3,4% suite à la dissolution de l’Assemblée nationale et à l’absence de majorité en son sein. Avec la baisse des taux d’intérêt de la BCE, l’accalmie olympique puis la nomination de Michel Barnier à Matignon le 5 septembre, il est ensuite retombé à 2,8 %.
Dette publique française : ce qu’il faut savoir
Le déficit public français a probablement dépassé les 6,5% du PIB en 2024 et la dette explose
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Mais il n’a fait que mieux remonter ensuite, atteignant 3,2% avec l’impossibilité de voter un budget pour 2025 puis la motion de censure du 4 décembre. Puis, malgré le soutien à peine dissimulé de la BCE, il est remonté à 3,0%, puis à 3,2 % dans le sillage de l’arrivée de François Bayrou à Matignon, qui n’a pas vraiment rassuré les investisseurs. Plus grave encore, au moment où j’écris cet article, il se dirige vers 3,3% et creuse l’écart avec ses homologues de la zone euro. L’écart de taux avec l’Allemagne revient ainsi à environ 90 points de base (0,9 point de pourcentage). Elle monte à 40 points de base avec le Portugal et atteint 10 points de base avec… la Grèce.
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Cette défiance aggravée à l’égard de l’État français est aussi largement justifiée. En effet, cette dernière est la seule de la zone euro qui ose creuser encore son déficit depuis près de trois ans et qui ne parvient toujours pas à être crédible pour le réduire d’ici 2025 ! En 2024, il faut également noter que le déficit public français a probablement dépassé 6,5% du PIB, le plus important déficit de l’UEM et du jamais vu dans l’histoire française depuis l’après-guerre. à l’exception de l’année du Covid et de celles de la récession 2009-2010.
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Pire, ce déficit dépasse de près de 100 milliards d’euros la prévision initiale de Bercy. Autrement dit, il ne s’agit pas d’une petite coquille mais d’une véritable affaire d’État, qui n’améliorera évidemment pas la faible crédibilité de la France en matière de réduction des déficits publics. Pour ne rien arranger, le nouveau ministre de l’Economie, Eric Lombard, vient d’annoncer que des hausses d’impôts étaient inévitables. Et ce, alors que l’Italie, qui a déjà réduit son déficit public à moins de 4% du PIB en 2024, a voté une baisse d’impôts de 30 milliards d’euros pour 2025 qui concernera aussi bien les ménages que les entreprises.
Plus fort encore, l’Italie envisage de réduire son déficit public à 3,4% du PIB en 2025 grâce notamment à une réduction des dépenses publiques. Un rappel que « quand on veut, on peut » ! Espérons que cette politique de bon sens parviendra un jour à franchir les Alpes… Et pendant ce temps et sans surprise, la dette publique française a atteint un nouveau sommet historique de 3 303 milliards d’euros au troisième trimestre 2024. Sa part dans le PIB passe de 112,2 % au deuxième trimestre 2024 à désormais 113,7 %.
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Depuis début 2020, notre dette publique a explosé de 915,1 milliards d’euros, soit une augmentation de 38,2%, soit autant que les dix années précédentes ! Et tout ça pour quoi ? Pour une augmentation du PIB de 469,3 milliards d’euros inflation comprise ! Oui, vous ne rêvez pas : pour obtenir une augmentation du PIB en valeur de 469,3 milliards d’euros, l’État français au sens large a augmenté sa dette de 915,1 milliards d’euros ! Il manque donc 445,8 milliards d’euros !
Depuis le quatrième trimestre 2017, l’écart important entre ces deux variations est également vertigineux : + 1 046,5 milliards d’euros pour la dette publique, contre + 609,7 milliards d’euros pour le PIB, de quoi souligner l’inefficacité de la dette publique (c’est-à-dire sa faible capacité pour générer du PIB) n’est pas nouveau mais il s’est encore détérioré au cours des trois dernières années. Un véritable drame économique et financier !
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Mais malheureusement, ce n’est pas tout ! En effet, alors que les prix à la consommation n’ont toujours pas baissé de manière significative et que l’inflation repart à la hausse, notamment dans l’alimentation et les services, les perspectives d’activité ont continué de se dégrader depuis l’été. dernier. Les indices du climat des affaires de l’Insee et ceux des directeurs d’achats sont sans équivoque : après avoir été artificiellement dopé par les JO au troisième trimestre 2024, le PIB français diminuera fortement tant au quatrième trimestre 2024 qu’au premier trimestre 2025, marquant ainsi Entrée officielle de la France en récession (avec deux trimestres consécutifs de baisse du PIB).
Après une croissance atone, retour de la récession pour l’économie française ?
Dans ce contexte, il ne faut pas fermer les yeux : la France retombe dans une grave crise économique. Et les bouleversements sociaux, sociétaux et politiques qui touchent la France depuis le printemps dernier ne vont évidemment pas arranger la situation. Cette baisse inéluctable du PIB français se traduira inévitablement par une nouvelle augmentation du chômage, mais aussi des déficits et de la dette publics, plongeant la France dans un cercle pernicieux particulièrement dangereux…
Croissance : la chute de l’économie s’accélère en France, dans l’industrie et les services
Dans ce contexte, comme on l’observe depuis plusieurs semaines malgré le soutien de la BCE, les taux d’intérêt sur les obligations d’État vont encore augmenter significativement en France dans les prochaines semaines et plus que dans la majorité des pays de la zone euro. Enfin, alors que de nombreux économistes annonçaient une nouvelle appréciation de l’euro par rapport au dollar et que l’on anticipait, un peu seuls contre tout le monde, une nette dépréciation de la monnaie unique, l’euro a continué de plonger par rapport au dollar. Le 2 janvier 2025, il est même tombé à 1,0265, son plus bas depuis décembre 2002 (hors trou d’air de septembre 2022) !
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Et cela pour au moins quatre raisons. 1. La zone euro est retombée en récession, alors que la croissance américaine tourne autour de 3%, tout comme celle du PIB mondial. 2. Les différentiels de taux d’intérêt monétaires et obligataires entre les États-Unis et la zone euro favorisent largement le dollar. 3. La victoire de Donald Trump a remonté le moral des investisseurs en faveur des États-Unis et du billet vert. 4. Les crises politiques en France et en Allemagne ont aggravé la méfiance des marchés à l’égard de la zone euro, dont l’existence même est à nouveau menacée. De quoi confirmer que si 2024 a été une « année foirée », 2025 pourrait être une « pire année » ! Un peu d’humour ne peut pas nous faire de mal dans ce contexte de plus en plus dangereux ! Quoi qu’il arrive, vous pouvez continuer à compter sur moi pour être à vos côtés durant cette année qui s’annonce déconcertante, mais que je vous souhaite néanmoins excellente à tous les niveaux !
Marc Touati, Economiste, Conseiller Economique d’eToro, Président du cabinet ACDEFI
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