Sous le radar | À la hauteur du courage des femmes afghanes

Munira était en cinquième année à Kandahar lorsqu’elle a signé « Dconcernant Munira» dans son journal. C’est une promesse que l’écolière afghane s’est faite : un jour, elle serait médecin, comme deux de ses tantes. Peu importe les attaques à l’acide sur le chemin de l’école. Peu importe les bombes et les menaces. Que cela plaise ou non aux talibans.

Contre toute attente, Munira a tenu sa promesse. En 2019, elle termine avec succès ses études de médecine à l’Université de Kaboul. Mais lorsque les talibans sont revenus au pouvoir en août 2021, la jeune femme qui travaillait dans une clinique de médecine familiale tout en rêvant de faire une maîtrise et de se spécialiser en cardiologie s’est vu, comme toutes les femmes afghanes, ses ailes coupées.

En écoutant Munira me raconter son parcours, j’ai vite compris qu’elle faisait partie de ces résistantes qui avaient un postdoc en courage. La médecin de 30 ans, que j’ai rencontrée à Montréal, est la première d’un groupe de femmes afghanes exceptionnelles à avoir obtenu un permis d’études d’Ottawa grâce à l’avocate québécoise Gabrielle Thiboutot de l’OBNL Pour les réfugiés.

Soutenue par une équipe de bénévoles, l’organisation se bat depuis trois ans pour que les universitaires afghans qui, après la chute de Kaboul, se sont vu refuser l’accès à l’éducation, puissent poursuivre leurs études au Canada.⁠1.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

De gauche à droite : membres de l’organisation Pour les Réfugiés, Me Marc-André Séguin, Me Gabrielle Thiboutot et l’enseignant Sharen Craig, accompagnés du médecin afghan Munira

C’est ainsi que Munira a obtenu une bourse pour poursuivre une maîtrise en sciences de la santé à l’Université Wilfrid Laurier. Arrivée au pays début décembre, elle débutera son programme en janvier 2025. Et les mots lui manquent pour exprimer sa gratitude.

En tant que femme afghane, avoir cette chance de poursuivre mes études est inestimable.

Munira, médecin afghan

Après avoir initialement interdit à toutes les filles afghanes de plus de 12 ans d’aller à l’école, les talibans ont décidé d’exclure les femmes de l’université, privant plus de 100 000 étudiants afghans de leur droit à l’éducation.

Jusqu’à récemment, il subsistait une exception pour les écoles d’infirmières et de sages-femmes. Mais le 3 décembre, les talibans ont annoncé qu’ils fermaient également ces écoles.

« C’est vraiment tragique pour nous. Parce que c’était le dernier espoir des femmes afghanes qui voulaient étudier », m’a expliqué Munira.

« Le sentiment qu’on a, c’est que les filles en Afghanistan ne valent rien… C’est très triste », m’a dit la jeune femme qui, malgré tout, s’accroche à son rêve de retourner à Kaboul après ses études pour ouvrir une clinique et travailler à améliorer la condition des enfants. femmes.

De nombreuses femmes afghanes se sentent abandonnées par la communauté internationale, souligne-t-elle.

Nous avons reçu beaucoup de soutien du gouvernement canadien au cours des 20 dernières années à Kandahar, notamment pour encourager les filles à aller à l’école. Mais lorsque les talibans sont revenus en Afghanistan, nous n’avons pas bénéficié du même soutien. Nous avons été oubliés.

Munira, médecin afghan

À Kandahar, où Munira a grandi, aller à l’école était une entreprise à haut risque pour elle et ses camarades de classe. Car même après avoir été chassés du pouvoir fin 2001, les talibans ont continué à terroriser les filles qui souhaitaient étudier.

« À l’école, nous vivions sous la menace », dit-elle. Après l’explosion d’une bombe dans son école, l’armée canadienne s’est engagée à protéger les écolières afin qu’elles puissent continuer à aller en classe.

En 2008, non loin de chez elle, des jeunes filles se rendant à l’école ont été aspergées d’acide par des hommes à moto. Pendant un an, Munira n’a pas pu aller en classe. Le risque était trop grand. «J’ai tellement pleuré!» Je voulais absolument retourner à l’école ! »

Pour que Munira puisse reprendre ses études, sa grand-mère a fini par élaborer un projet avec elle. Ils partaient ensemble, dans un taxi, tous deux cachés sous une burqa pour passer complètement inaperçus. Et ils emprunteraient chaque jour un itinéraire différent pour ne pas éveiller les soupçons.

« Comme les filles ne sont pas autorisées à s’asseoir sur la banquette arrière du taxi, ma grand-mère et moi nous sommes assises dans le coffre ouvert. »

PHOTO SANAULLAH SEIAM, AGENCE - ARCHIVES

Femmes afghanes assises à l’arrière d’un taxi à Kandahar

Sa grand-mère l’a attendu toute la journée devant l’école. Un jour, un homme qui pensait qu’elle demandait l’aumône lui proposa de l’argent. Elle répondit fièrement : « Je ne suis pas une femme pauvre. J’attends ma petite-fille qui est à l’école. »

Munira avait-il peur ? Bien sûr. Mais pas question pour elle d’abandonner. En l’écoutant, j’ai pensé aux paroles de Nelson Mandela qui disait que le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de surmonter la peur.

Le Dconcernant Munira l’a certainement vaincue.

Si l’histoire de Munira est extraordinaire, elle a aussi quelque chose de tristement ordinaire en Afghanistan, souligne M.e Marc-André Séguin, président de l’organisme Pour les réfugiés.

Malheureusement, le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, n’a jamais donné suite à la politique publique déposée en avril 2024 par l’OBNL pour pérenniser son initiative et traiter les dossiers des étudiants afghans moyennant des frais supplémentaires. ’empathie.

Du côté québécois, rien n’est prévu non plus pour leur faciliter la vie.

« Ce serait une très bonne résolution pour 2025 si Ottawa nous permettait d’offrir cette opportunité à davantage de jeunes femmes – sans que cela coûte un sou aux contribuables canadiens », affirme Marc-André Séguin.

« Ce serait aussi une superbe résolution que le gouvernement Legault fasse la même chose. En août 2021, le premier ministre affirmait que le Québec était prêt à faire sa part pour accueillir les femmes afghanes. Cette promesse n’a toujours pas été honorée⁠2. »

Espérons qu’en 2025, la résolution « À la hauteur du courage des femmes afghanes » figurera en tête de liste.

1. Lisez la chronique « N’oubliez jamais les filles de ce pays »

2. Lire l’article « Québec « prêt à faire sa part », assure Legault »

 
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