Fusion permettant de meilleurs services publics pour ses promoteurs, « absorption » à des fins politiques pour ses détracteurs : la nouvelle commune de Saint-Denis, deuxième ville d’Île-de-France après Paris, est entrée en vigueur mercredi mais n’a pas fini d’alimenter les querelles.
Pour marquer cette fusion entre Saint-Denis et sa voisine Pierrefitte-sur-Seine, votée au printemps dernier, maires et élus de la majorité socialiste avaient prévu une inauguration symbolique, à un carrefour où les deux panels se font toujours face.
Un geste qui a bouleversé une Pierrefittoise membre de l’association “Stop Fusion Pierrefitte Saint-Denis” vivant à la frontière des deux anciennes communes. Vitupérer contre un « une stratégie politique incroyable »elle a interrogé plusieurs élus présents mercredi avant de rentrer chez elle.
Les édiles de ces communes de Seine-Saint-Denis, Mathieu Hanotin (Saint-Denis) et Michel Fourcade (Pierrefitte-sur-Seine), ont surpris par leur décision de fusion annoncée en avril 2023.
Les deux maires socialistes avaient souligné qu’en devenant la deuxième commune d’Île-de-France, derrière Paris et devant Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), la ville nouvelle pèserait davantage au niveau national lors de plusieurs arbitrages, notamment financière, et pourrait également obtenir de nouvelles marges de manœuvre en matière d’investissement.
Cette fusion entraînera également une baisse d’impôts pour les habitants de Pierrefitte qui pourront également bénéficier de la cantine scolaire et de la politique de lutte contre l’habitat indigne à Saint-Denis.
« Réservoir de voix » socialistes
Avec officiellement 149 781 habitants, selon les services de la mairie, la nouvelle commune pourra difficilement obtenir une dotation réservée aux communes fusionnées totalisant moins de 150 000 habitants.
La nouvelle collectivité recevra ainsi 15 euros par habitant pendant trois ans, pour un total d’environ 6,74 millions d’euros.
Mais la dotation “ne suffira pas à absorber la baisse d’impôts sur Pierrefitte”a déclaré à l’AFP Sofia Boutrih, conseillère municipale PCF à Saint-Denis et chef de file de l’opposition à M. Hanotin, qui s’inquiète « des difficultés d’organisation ».
Pour les opposants à la fusion, le projet est avant tout une manœuvre politique visant à acquérir « un réservoir de voix » socialistes en vue des prochaines élections municipales de mars 2026, alors que Mathieu Hanotin avait repris la ville en 2020, aux mains des communistes depuis la Libération.
“Les votes ne nous appartiennent pas”a répondu mercredi Michel Fourcade, qui devient premier adjoint de la nouvelle commune aux côtés de M. Hanotin, tout en restant maire de la commune déléguée de Pierrefitte-sur-Seine.
“Il faut que (les oppositions) aient quelque chose à dire”il évacue.
Prenant acte de la fusion, Mme Boutrih ne «ne faites pas campagne sur la scission».
En revanche, elle promet, si elle devient cheffe de la mairie en 2026, de procéder à un audit avant de consulter la population sur la nécessité de continuer ou non, rappelant que le mariage des deux villes n’était pas dans les programmes des deux maires. lors des dernières élections municipales.
Réduction du nombre d’élus
Le processus de fusion est permis par une loi de 2010 enrichie d’autres textes.
Les principales cibles sont les villages et les petites communautés rurales d’un pays qui compte depuis longtemps plus de 36 000 communautés, avec le risque de voir certaines d’entre elles sans gouvernance faute de candidats aux élections, et parfois au prix d’un service public de mauvaise qualité. .
En ce sens, le mariage des grandes villes est « atypique »concédait en mai dernier Françoise Gatel, alors sénatrice centriste d’Ille-et-Vilaine et aujourd’hui vice-ministre chargée de la Ruralité, à l’origine d’une loi en 2019 sur les communes nouvelles.
Pour être effective, la fusion doit être votée en conseil municipal sans consultation obligatoire de la population, puis validée par la préfecture, qui vérifie le respect de la procédure.
Le 31 mai 2024, le projet de commune nouvelle de Saint-Denis est voté avec 45 voix pour sur 55 à Saint-Denis et 26 pour sur 36 à Pierrefitte.
Le conseil municipal d’installation se tiendra samedi à la mairie de Saint-Denis, réunissant les 94 conseillers municipaux.
Lors des prochaines élections municipales, le nombre d’élus sera considérablement réduit – peut-être autour de 60.