REPORTAGE _ Pour conserver ses médecins généralistes, Le Vigan, au cœur des Cévennes méridionales, a développé un système de cohabitation médicale original. Depuis le 1est En octobre dernier, le village de 4 000 âmes a ajouté un nouveau centre de santé au centre de santé préexistant (MSP) – mais dont le nombre de médecins était en déclin – préservant ainsi le village de la désertification médicale qui menaçait. Cette nouvelle organisation est le résultat d’un travail en harmonie entre tous les acteurs de la région. Comment ce modèle original – qui peut inspirer d’autres – a-t-il été rendu possible ? Reportage sur place de notre envoyé spécial.
Quand on est passé de 6 médecins à 4 au MSP, la charge de travail est devenue insupportable. Si nous étions tombés à 3, nous aurions fermé.
Dr Antoine Brun d’Arre
Un MSP qui perd ses médecins
Tout a commencé il y a environ deux ans lorsque le Jardin des Orantes, le centre de santé du Vigan – petite ville du Gard de 7 000 habitants (agglomération comprise) –, qui comptait alors six médecins généralistes, a vécu, coup sur coup, une retraite puis la mort subite d’un collègue. « Quand nous sommes passés de 6 médecins à 4, la charge de travail est devenue insupportable. Si nous étions tombés à 3, nous aurions fermé», confie le Dr Antoine Brun d’ArreMédecin généraliste de 63 ans. Originaire du pays, il est revenu s’installer au Vigan en 2012 après un exil de quelques années dans le Maine-et-Loire, et a créé un centre de santé (MSP), qui, selon lui, doit permettre de garantir à long terme -présence médicale à terme sur le territoire.
« À l’époque, j’étais convaincu qu’un MSP était une condition condition sine qua non pour attirer les médecins mais pas une garantie », explique-t-il. Le Dr Brun d’Arre avait raison. Malgré les nombreux stagiaires reçus en stage et tous les efforts de promotion du centre de santé dont la construction a représenté un investissement de 900 000 euros, celui-ci n’a pas réussi à recruter de nouveaux médecins. « Les jeunes citadins n’ont plus de lien avec la campagne, estime le Dr Brun d’Arre. Avant, ils y avaient un grand-père ou une grand-mère à qui ils rendaient visite. Désormais, les jeunes de Nîmes ou de Montpellier ne nous connaissent pas. »
Dr A.S. Antoine Brun d’Arre, médecin libéral au MSP du Vigan
Des élus très engagés
La prise de conscience d’une possible disparition du MSP s’est progressivement imposée dans les esprits. Mais, une réunion en mars 2022, au cours de laquelle Emmanuel Vigneronun historien de la santé et géographe, qui habite ce quartier, expose devant un amphithéâtre rempli d’une centaine d’élus et de professionnels de santé, les sombres projections de la démographie médicale locale, provoquant un choc électrique. « Nous avons créé un comité de pilotage avec des soignants bénévoles pour mettre en œuvre une politique d’attractivité », relate Régis Bayle, président de la communauté de communes (com’com) du Pays Viganais, qui regroupe une vingtaine de villages. Which com’com du Pays Viganais met immédiatement en place une journée d’accueil des internes en médecine de Montpellier-Nîmes. Mais rejoint surtout le groupement d’intérêt public GIP « Ma Santé, Ma région », créé en Occitanie en juillet 2022 par le président de la région Carole Delga (PS), qui favorise effectivement la création de centres de santé (voir encadré) partout où les territoires sont privés de professionnels de santé.
Une nouvelle formule, fruit d’un consensus
Dans le cas du Vigan, les échanges entre les différents acteurs, médecins, élus locaux, GIP « Ma Santé Ma Région », et l’ARS d’Occitanie sont très constructifs et permettent de mener à bien le projet de création d’un Centre de Santé dans le village. rapidement. Quelques rencontres ont cependant été nécessaires pour trouver la formule idéale qui conviendrait à tous les médecins.
Parmi les 4 médecins du MSP, les deux plus jeunes souhaitaient devenir salariés du centre. Tandis que les deux médecins généralistes les plus âgés, le Dr Brun d’Arre, 63 ans, et son confrère de 73 ans, Dr François Joubertproche de la retraite, voulait rester médecin libéral. Un changement de statut et l’application de la grille salariale selon l’ancienneté (bloquée à 24 ans) auraient entraîné une perte de revenus, concède le Dr Brun d’Arre, 32 ans dans la profession.
Tous les stagiaires que nous avons reçus recherchent le modèle salarié
Sylvie Arnal
Après plusieurs réunions, la solution a émergé pour maintenir une offre de soins libérale en complément du nouveau centre de santé. La communauté de communes du Pays Viganais a racheté les murs du centre de santé aux médecins pour un montant de 570 000 euros grâce notamment à des subventions de l’ARS d’Occitanie (270 000 euros) et de la région (215 000 euros). Alors que les médecins du centre de santé disposent d’un accès gratuit à trois bureaux et espaces communs, les médecins du MSP paient un loyer de 500 euros par mois pour leur cabinet.
Soucieux de maintenir l’accès aux soins pour les habitants de sa commune, Sylvie Arnalmaire du Vigan, se réjouit de la solution trouvée. « Les jeunes médecins ne veulent plus travailler à l’ancienne, ils veulent concilier vie professionnelle et vie familiale. Tous les stagiaires que nous avons reçus recherchent le modèle salarié. Avec cette nouvelle organisation, il y avait une volonté parmi les élus de prendre en compte les aspirations des médecins. »
L’emploi salarié, plébiscité par les jeunes
« Nous avons eu la chance d’avoir des élus réactifs et dynamiques et une volonté politique forte pour soutenir l’offre de soins dans la région », confie l’un d’eux, le Dr. Bénédicte Gal. Ce médecin généraliste est aujourd’hui salarié du centre de santé après avoir travaillé en indépendant pendant près de sept ans au MSP du Vigan. Avec plus d’un mois de recul, le Dr Gal, qui n’imaginait pas devenir médecin salarié il y a deux ans, apprécie son nouveau statut. « L’emploi nous a soulagés en nous libérant des charges administratives et en nous permettant de recentrer notre activité sur la médecine. »
La médecin généraliste travaille 24 heures sur 24 et demi au centre de santé pour gagner du temps pour ses autres activités. En novembre, elle devient chef de clinique en médecine générale à la faculté de médecine de Montpellier et elle assure des permanences occasionnelles en tant que médecin pépiniériste dans deux communautés de communes.
« La transition opérée en octobre n’a demandé aucun effort particulier », observe-t-elle, satisfaite que la greffe ait eu lieu. Le médecin généraliste voit dans l’emploi une « voie d’avenir » pour tous les médecins qui ont peur de s’installer. « Cela peut être une étape pour se rassurer, retrouver confort et qualité de vie, ou terminer sa carrière avec moins de pression », souligne-t-elle.
« Sans le centre, nous n’aurions pas pu rester »
Son mari, Dr Sébastien Joannyun médecin généraliste de 36 ans qui exerçait également en libéral au MSP, se réjouit de la solution trouvée au Vigan où il est également devenu médecin salarié au centre de santé et où il travaille trois jours par semaine. « Sans le centre de santé, nous n’aurions pas pu rester », estime-t-il aujourd’hui.
Le Dr Joanny est également convaincu que le travail salarié deviendra la norme. « L’emploi nous décharge d’une grande partie du travail administratif. Aujourd’hui, je gagne un peu moins (80 % de mes revenus précédents) mais j’ai gagné en liberté d’esprit. » À 1est En octobre, le centre a recruté un 3e médecin à temps partiel, médecin généraliste sorti de sa retraite pour aider. Les médecins du MSP et du centre de santé recevront également des internes qui pourront effectuer la moitié de leur stage en médecine libérale et l’autre en emploi salarié.
Pour moi, peu importe que mon médecin soit salarié ou indépendant.
Éric, patient
« Ce projet est de la haute couture »
Ce modèle combinant domicile et centre de santé est-il susceptible de produire des enfants ? Rejoint par Medscape édition française, Didier Jaffrédirecteur de l’ARS Occitanie, porte en tout cas un regard très positif sur cette alliance public-privé.
La réussite du projet Vigan reflète avant tout la très bonne entente entre les différents acteurs, médecins, politiques et institutions.
Professor Emmanuel Vigneron
« Tout projet permettant de maintenir ou de développer une offre médicale doit être soutenu », commente le patron de l’Agence. Au Vigan, il n’était pas question de voir partir les médecins, bien implantés dans la zone aux côtés de l’hôpital local. C’est pourquoi l’ARS a soutenu ce projet original. Il faut accompagner les territoires avec des initiatives sur mesure, c’est de la haute couture ! »
Professor Emmanuel Vigneron,
historien de la santé et géographe, a joué un rôle central dans ce projet
A la fois témoin et partie prenante de ce projet, Emmanuel Vigneron est également enthousiaste. « Ce projet est un terrain d’expérience fantastique », estime le professeur émérite de l’Université de Montpellier, auteur d’un ouvrage de référence sur les centres de santé. Il est écrit dans la Constitution que la nation garantit à tous la protection de la santé. Cela concerne le remboursement des dépenses de santé mais aussi la mise en place de moyens d’accès aux soins. La santé est l’affaire de tous. Cela nécessite de rassembler différents acteurs. La réussite du projet Vigan reflète avant tout la très bonne entente entre les différents acteurs, médecins, politiques et institutions. »
Des patients soulagés
La réussite de ce projet à long terme dépendra de la compréhension des deux structures, chacune ayant son propre fonctionnement et leur capacité à surmonter d’éventuelles difficultés. Les médecins ont déjà identifié un petit inconvénient ; RGPD oblige, ils ne peuvent pas partager le dossier médical du patient entre l’Etablissement de santé et le centre de santé, même si le patient consulte les deux structures.
Les patients du Vigan sont soulagés de maintenir une présence médicale dans leur ville. C’est le cas deÉricpatient à l’EHPAD : « Avant, je devais attendre deux semaines pour avoir un rendez-vous, maintenant je pouvais en avoir un tout de suite », confie-t-il dans la salle d’attente. Et pour moi, peu importe que mon médecin soit salarié ou indépendant. » Tourbillonla cinquantaine, confie qu’il craignait de voir partir les médecins. « Il aurait fallu aller à Ganges, à 20 kilomètres d’ici, ça m’aurait dérangé. Je suis rassuré qu’ils aient trouvé une solution. »
Centres de santé : comment ça marche ?
Le principe des centres de santé soutenus par un groupement d’intérêt public (GIP) est simple :
« L’interco ou le service met à disposition les locaux et assure leur entretien. La région investit à 100 % dans les équipements. Le GIP assure le fonctionnement, les salaires des médecins et des secrétaires », explique Sandrine Baylacchef de projet pour le développement des centres de santé au GIP « Ma Santé, Ma Région ».
Les centres de santé doivent répondre à un cahier des charges (taille du bureau, toilettes, salle d’attente), respecter les règles d’accueil du public et les normes d’accessibilité, être ouverts de 8h à 20h, et idéalement le samedi matin si possible.
Les centres ne peuvent voir le jour que s’ils disposent d’au moins deux médecins. Un plan de santé est élaboré avec les médecins et validé par l’ARS. Les médecins perçoivent un salaire qui répond aux règles de la grille salariale hospitalière majorée qui évolue en fonction de l’ancienneté du médecin. « Le salaire démarre à 4 000 euros jusqu’à plus de 7 000 euros à 24 ans d’ancienneté, plafond de la grille », précise Sandrine Baylac.
Les médecins sont déchargés des tâches administratives, leur assurance RCR est couverte mais ils doivent participer aux soins continus.
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