LLe roi Mohammed VI a présidé, le 23 décembre 2024 au palais royal de Casablanca, une séance de travail consacrée à la révision du Code de la famille. Cette réunion marque une étape majeure dans ce processus, vingt ans après la mise en œuvre initiale de la Moudawana. Ce monument juridique, qui avait déjà marqué une avancée significative en matière de droits des femmes et de stabilité des familles, subit ainsi, sous la supervision éclairée du Souverain, une révision dictée par l’évolution de la société marocaine.
Une réforme mûrement réfléchie, où tradition et modernité semblent s’embarquer dans un mariage harmonieux, et qui cherche un équilibre entre conservatisme et aspirations progressistes. C’est pourquoi l’approche adoptée par le Royaume pour cette réforme est à saluer.
Pas moins de 100 propositions ont émergé des consultations menées par l’Instance chargée de réviser le Code de la famille, enrichies d’auditions auprès des acteurs institutionnels, civils et religieux. On imagine aisément les débats animés autour de la table : moderniser, mais sans heurter ; réforme, tout en préservant les constantes religieuses et sociales du pays. Le Roi, dans son rôle de garant des valeurs islamiques et de la justice sociale, exerçait son arbitrage royal, notamment sur les points où les avis pouvaient diverger.
Une méthode qui démontre une volonté de consensus et un souci du détail, loin des révisions purement techniques ou imposées. Ce qui distingue cette nouvelle réforme, c’est justement cette capacité à concilier respect des normes religieuses, comme le principe de Maslaha (l’intérêt général), et adaptation aux réalités sociétales contemporaines. Des propositions qui font bouger les lignes Parmi les amendements envisagés, certains retiennent particulièrement l’attention. L’autorisation pour les Marocains résidant à l’étranger de se marier sans la présence de deux témoins musulmans, si cela s’avère impossible, constitue ainsi une reconnaissance des réalités de la diaspora.
LL’octroi de la tutelle légale des enfants à la mère responsable de la garde corrige également ce qui était perçu par beaucoup comme une injustice. L’égalité progresse également sous d’autres formes, comme la reconnaissance du travail domestique de l’épouse dans le calcul des biens communs. Cette disposition, bien que symbolique, traduit une avancée significative pour les femmes, souvent invisibles dans leur contribution au foyer. Et qu’en est-il de la révision de la Nafaqa (pension alimentaire), désormais due dès l’établissement de l’acte de mariage ? Cela pourrait réduire les abus et mieux protéger les femmes abandonnées.
Mais la réforme ne se limite pas à des ajustements juridiques. C’est aussi un projet de société pour renforcer la justice familiale, consolider les droits des femmes, protéger les enfants et préserver la dignité des hommes. Bref, une approche qui rappelle, loin des discours populistes, que la famille, cellule de base de la société, ne peut prospérer qu’en assurant un équilibre entre toutes ses composantes. Ne soyons cependant pas naïfs : traduire ces propositions en lois claires, applicables et intelligibles ne sera pas une tâche facile. Des lectures judiciaires contradictoires, des interprétations parfois divergentes entre juges, ou encore des résistances sociales peuvent être des obstacles à la mise en œuvre de cette réforme.
C’est pourquoi le Roi, conscient de ces enjeux, a insisté sur la nécessité de clarté et de complémentarité pour éviter ces écueils. La volonté du Souverain est de placer le Maroc dans une dynamique d’ouverture et de progrès. En se projetant au-delà des clivages idéologiques, cette réforme reflète donc un pari sur l’avenir et une foi dans la capacité du Royaume à évoluer tout en restant fidèle à son identité. Ce ne sera pas une panacée, mais cela promet d’être une avancée majeure pour une société en quête d’équité et de stabilité. En attendant son adoption législative, chacun peut déjà entrevoir les contours d’une Moudawana rénovée, fidèle aux fondements du Royaume et à la hauteur des aspirations du peuple marocain.