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De nouveaux quartiers. Du Belvédère à peine inauguré aux Bassins à Flot en pleine crise d’identité, en passant par Belcier entre deux âges, Brazza et Niel en construction, ou Amédée-Saint-Germain en lutte : entre les deux réveillons, « Sud Ouest » se promène dans ces nouveaux lieux de vie bordelais, pour voir comment la vie s’y déroule.
CA l’image du Belvédère, trois kilomètres plus loin le long de la Garonne, il n’est pas difficile de se perdre dans le dédale des innombrables immeubles érigés dans le tout nouveau quartier Brazza à Bordeaux. L’ensemble d’une cinquantaine d’hectares, au pied du pont Chaban-Delmas, qui prévoit d’accueillir environ 9 000 personnes d’ici cinq ans, ne cesse de se densifier au gré des nouvelles constructions et des livraisons. Bientôt, les premiers programmes du groupe Cardinal sur l’îlot Soferti se concrétiseront, tandis que les projets de création d’une place (Andrée-Chedid) et d’un parc (Allée des Coteaux) mûrissent. Malgré cette routine quotidienne, la vie du quartier a déjà pris forme.
Ces quatre dernières années, plus de 2 500 habitants, soit près de 3 000, ont pris possession de ce Brazza autrefois industriel, divisé en deux espaces : sa partie sud, présentant notamment un Carrefour Market ou ses résidences face au pont, et sa partie nord, où on y retrouve l’impressionnant complexe sportif UCPA, et depuis plusieurs jours, un Intermarché très fréquenté. Non loin de là, on croise Marion, une jeune maman vivant depuis 2021 en logement participatif, vantant le charme « industriel » du quartier et qui fait rapidement référence à l’association À Brazz’Ouverts lorsqu’on l’interroge sur ses activités.
La structure, créée en début d’année, rassemble 150 adhérents et plusieurs centaines de personnes gravitent également autour d’elle : elle compte jusqu’à 1 200 adhérents sur Facebook. C’est la continuité logique du projet Récipro-Cité qui, pendant deux ans (2021-2023), a vu un animateur affecté à Brazza mener différentes actions. Ce lundi soir, dans les locaux de la rue Jeanne-Lanvin, Maud tient la boutique, un oeil sur un film des années 80, tandis que des voisins défilent pour récupérer leurs fruits et légumes commandés sur le Naked Drive. Juste devant l’entrée, un verger a fleuri, nouvelle incarnation de l’association.
Nouveau profil
À Brazz’Ouverts organise un grand apéritif un jeudi par mois, des débarras garde-robe, des cours de yoga et vient de créer un jardin partagé. « Ici, les trois quarts des habitants ne sont pas Bordelais », explique son président Dimitri Allicar, qui se targue d’avoir été le premier à s’installer dans le nouveau Brazza au printemps 2021, y vivant « seul au monde » pendant trois semaines. « Nous avons la capacité de faire le lien », poursuit-il. « Lorsqu’un nouveau bâtiment s’agrandit, nous avons le temps d’attraper ses futurs occupants pour les familiariser avec la ville et le quartier. »
Maud, la trentaine, travaillant en recherche clinique, incarne ce nouveau profil de résidente. Originaire de région parisienne, elle a vécu quelques temps aux Chartrons avant d’emménager, en avril dernier, dans son appartement acheté sur plan de l’autre côté du fleuve. Elle constate une bonne présence médicale et commerciale, mais pointe aussi « un manque de transports en commun le soir », « un passage piéton meurtrier devant l’UCPA » et surtout des difficultés de circulation importantes et un stationnement illégal dans les rues Jeanne. . -Lanvin et le Festival. Commerçants et habitants tentent également d’alerter les pouvoirs publics à ce sujet : « La semaine dernière, nous avons dénombré trois accidents dans la même journée… », déplore-t-elle.
Comme des champignons
D’autres habitants se plaignent de la configuration architecturale qui provoque une chaleur excessive aux beaux jours. En attendant, il continue de pousser comme des champignons. Avec quelques semaines de retard, l’école Elsa-Triolet a ouvert ses portes lors de la dernière rentrée scolaire en septembre. Au début de l’année prochaine, ce sera le tour d’une crèche, et à l’automne un espace multisports, ainsi qu’une salle d’armes, devraient fleurir. La grande particularité de Brazza est qu’elle s’appuie sur un passé industriel. « On sait très bien ce qu’il y a derrière nous, avec de possibles répercussions sur la pollution des sols », observe Marion en poussant son jeune fils. Ce qui n’empêche pas le secteur de devenir plus vert.
Dans la renaissance de Brazza respire une ambiance un peu berlinoise
Habitat coopératif, résidence étudiante avec ses petites tables suspendues, d’autres où le vélo est roi : dans la renaissance de Brazza respire une ambiance un peu berlinoise. Le quartier se distingue également par ses Associations Syndicales Libres (ASL), propriétaires de rues ou d’espaces verts. L’une d’elles, qui gère 24 immeubles, soit 370 logements, doit financer l’installation de mobilier urbain, pour 20 000 euros, afin de lutter contre le stationnement incontrôlé dans deux artères.
Une autre question se pose : celle de l’accessibilité des parcs, dont l’entretien est financé par les propriétaires et bailleurs, alors que des sans-abri y plantent parfois leur tente ou que d’autres y passent quelques soirées agitées. « Ce sont des lieux publics mais qui sont finalement privés », explique Dimitri Allicar. « Nous nous interrogeons notamment sur la possibilité de les rendre au domaine public. »
Une autre option pourrait être de restreindre leur accessibilité. A quelques centaines de mètres, au sein de la Zone d’Aménagement Concertée (ZAC) Bastide-Niel, dans un autre quartier en pleine mutation, la résidence Rivéo devait également abriter un parc de plusieurs milliers de mètres carrés ouvert au grand public, selon l’ambition architecturale de Winy Maas. Elle fut finalement fermée par des grilles afin d’éviter d’éventuelles nuisances.