L’accord de 2024 avec l’UE est un peu plus favorable à la Suisse que celui de 2018

L’accord de 2024 avec l’UE est un peu plus favorable à la Suisse que celui de 2018
L’accord de 2024 avec l’UE est un peu plus favorable à la Suisse que celui de 2018
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Le projet 2024 comprend plusieurs nouveautés qui ne figuraient pas dans l’accord-cadre institutionnel de 2018. Il s’agit à la fois d’établir de nouvelles règles institutionnelles pour certains accords bilatéraux existants et, élément nouveau, de conclure de nouveaux accords (électricité, santé publique et protection des consommateurs). En raison de son importance politique, nous nous concentrerons ici principalement sur l’aspect institutionnel.

Une nouvelle logique verticale pour éviter l’effet guillotine

Il existe des différences de forme notables entre le projet de 2024 et celui de 2018. Ce dernier a été conçu comme un traité horizontal. Il prévoyait un cadre institutionnel unique. Il était prévu de l’appliquer à cinq accords bilatéraux déjà existants, ainsi qu’à de futurs accords.

Le projet 2024 nous fait passer d’une logique horizontale à une logique verticale. En d’autres termes, chacun des cinq accords bilatéraux préexistants, ainsi que chacun des nouveaux accords, dispose de son propre cadre institutionnel. Concrètement, le résultat général est cependant similaire à celui obtenu en 2018.

Alors quel est l’avantage de cette nouvelle approche verticale ? Premièrement, cela fait planer le spectre d’une sorte de « super-guillotine ». En effet, une éventuelle dénonciation de l’accord-cadre de 2018 aurait eu des conséquences en cascade sur plusieurs autres accords bilatéraux qui auraient été automatiquement abrogés. Deuxièmement, il permet certaines adaptations pour tenir compte de la spécificité des accords, notamment en termes d’adoption du droit européen pertinent par la Suisse.

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Si la forme générale change entre le projet de 2018 et celui de 2024, il faut néanmoins souligner que les fondamentaux restent les mêmes.

Reprise dynamique du droit européen, mais litiges réglés par un tribunal arbitral

Premièrement, la Suisse s’engage à entreprendre de manière dynamique le développement du droit européen pertinent, à quelques exceptions près (voir ci-dessous).

Deuxièmement, les différends entre la Suisse et l’UE devront être réglés devant un tribunal arbitral commun. Exit donc la logique de règlement « politique » qui prévalait jusqu’à présent et qui avait pour conséquence que les différends bilatéraux restaient souvent en suspens. Comme c’était le cas dans le projet de 2018, le tribunal arbitral reste lié par les arrêts de la Cour de justice de l’UE si le litige concerne l’interprétation et l’application du droit de l’UE.

Concernant la reprise dynamique par la Suisse du développement du droit européen pertinent, il existe néanmoins quelques exceptions intéressantes dans le projet 2024. Ils ont été âprement négociés par la Suisse.

Par exemple, lorsqu’une nouvelle disposition européenne constitue une « régression sociale » par rapport au droit suisse, Berne pourrait refuser de l’intégrer dans son ordre juridique. Toutefois, cette exception ne concerne que les travailleurs détachés.

A noter que la notion de régression sociale n’est pas définie et pourrait bien entendu faire l’objet d’interprétations contradictoires entre l’UE et la Suisse. Dans ce cas, le tribunal arbitral commun trancherait.

Des éléments de flexibilité dans le dossier social…

Autre exemple, on se souvient que le projet d’accord de 2018 avait fait l’objet de critiques car il aurait pu impliquer une reprise par la Suisse de l’intégralité de la directive sur les droits des citoyens de l’UE.

Le texte de 2024 est plus précis et souligne que plusieurs éléments de cette directive ne doivent pas nécessairement être repris par la Suisse, notamment ceux qui empêchent l’expulsion automatique des « criminels étrangers » ou ceux qui pourraient conduire au « tourisme social ».

On se souvient également que l’accord de 2018 avait suscité de nombreuses polémiques concernant la suppression de la caution exigée des entreprises employant des travailleurs détachés. Pour rappel, cette disposition du droit suisse permet d’exercer des pressions pour que les règles sur les travailleurs détachés soient respectées. L’accord de 2024 n’apporte pas beaucoup de changement dans ce domaine. Il rappelle simplement qu’une caution ne peut être exigée que dans le cas d’entreprises frauduleuses.

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Une autre controverse concernait le remboursement des honoraires versés à ces mêmes travailleurs détachés. Le droit européen prévoit qu’ils correspondent aux taux du pays d’origine du travailleur, généralement inférieurs à ceux de la Suisse. Le projet 2024 n’aborde pas spécifiquement cette question. Le Conseil fédéral affirme de manière énigmatique que «la Suisse exploitera pleinement la marge de manœuvre offerte par la directive européenne sur le détachement de travailleurs». Une manière de dire que nous ne pourrions pas appliquer le droit européen car plusieurs États de l’UE s’en distancient déjà.

…et dans le dossier d’immigration

Au-delà des questions institutionnelles liées à la reprise du droit européen, la Suisse a également profité des négociations pour obtenir quelques modifications à l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). Auparavant, la clause de sauvegarde visant à limiter l’immigration en cas de graves difficultés économiques ou sociales ne pouvait être activée que si la Suisse et l’UE l’acceptaient. Désormais, la Suisse peut activer cette clause unilatéralement sous le contrôle du tribunal arbitral. L’UE se réserve toutefois le droit de prendre des mesures compensatoires proportionnées.

Enfin, concernant la participation de la Suisse à la cohésion intra-européenne, qui n’était pas évoquée dans l’accord de 2018, la Suisse s’engage à payer, dès 2030, une contribution de 350 millions de francs par an contre 130 actuellement. Jusqu’à présent, cette contribution n’était incluse dans aucun traité bilatéral ; un simple mémorandum a fait l’affaire.

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En conclusion, le projet d’accord de 2024 clarifie certains points qui avaient fait l’objet d’inquiétudes en 2018. Il lève certaines ambiguïtés et offre des garanties plus explicites à la Suisse, notamment en matière de gestion autonome de l’immigration. En ce sens, on peut dire qu’elle est plus favorable aux intérêts suisses, sans pour autant apporter de nouveautés révolutionnaires.

 
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