Dionysos en tournée à Aix en Provence

Dionysos en tournée à Aix en Provence
Dionysos en tournée à Aix en Provence

Le groupe DIONYSOS vient de terminer sa tournée à Aix en Provence le 13 décembre 2024. Notre chroniqueur Diego a eu le privilège de rencontrer Mathias Malzieu lors de leur dernier passage au Krakatoa à Mérignac.

L’occasion de revenir sur 30 ans d’une carrière hors du commun avant une nouvelle tournée du chanteur l’année prochaine en duo qui proposera une réinterprétation de ses plus belles compositions entrecoupée d’extraits d’un nouveau roman à paraître. Ce sera le 2 avril 2025 à Colmar, le 19 avril au Rocher de Palmer à Cenon, le 6 mai à Perpignan et le 23 mai à Rouen.

Diégo : Suite à votre accident (double fracture tibia-péroné) en début d’année après le premier concert, la tournée a-t-elle été menacée de report ?

Mathias : Après ma chute, j’ai immédiatement réfléchi (depuis l’hôpital) à l’idée d’inventer un siège qui permettrait à l’aventure de continuer. Après l’opération, je devais avoir une pause de travail jusqu’à fin mai et une recommandation des infirmières de ne pas me fatiguer la jambe avant début avril… J’avoue que la nuit je décroche et ma double fracture me gêne… Néanmoins l’idée du fauteuil « Giant Jack » qui est le personnage central du spectacle semblait évidente, notamment dans les mots : « Giant Jack est sur mon dos ». Sébastien Monchal, qui a illustré le livre et le disque, m’a conçu un fauteuil sur mesure avec l’aide de Lucie, cinéaste avec l’aide de l’IA. Finalement, le lundi suivant mon accident, le projet a été validé et nous avons repris la route 15 jours plus tard, annulant 3 concerts.

Diégo : Étiez-vous presque dans le livre Guinness pendant 40 secondes d’un concert ?

Mathias : J’ai toujours rêvé d’être là mais il me semble qu’un huissier est nécessaire sur place et qu’il n’est pas possible de valider un enregistrement sur de simples vidéos. En gros, il faut prévoir de se casser la jambe sur scène ! Les concerts de Nîmes, Dijon et Grenoble sont reportés.

Diégo : En quelques mots, comment se sont passées les 30 années de Dionysos ?

Mathias : Nous sortons une biographie intitulée « The Mechanics of the Extraordinary » écrite par Morgan Kervella, journaliste au sud-ouest et son projet est un regard extérieur à travers ses interviews. 30 ans, c’est une fusée… J’ai l’impression que le groupe à 3 ans, c’est comme 300 ans ! «Quand on perd la notion du -, on gagne la notion du -» dit l’écrivain Kerouac et son personnage Dean Moriarty. On retrouve également ce type de réflexion chez le philosophe Henry David Thoreau qui a inventé la désobéissance civile. Il n’était pas qu’un râleur mais s’isola dans une cabane pendant 2 ans et demi au XIXème siècle pour éviter d’être soumis à son gouvernement. Il a déclaré que l’expression la plus laide au monde était de « tuer le - ». Il vaut mieux vivre que tuer le - et cela s’applique bien à Dionysos. On n’a jamais tué le -, on a vécu plusieurs vies et ça est passé très très vite.

Diégo : Concernant le livre et étant donné que tous les membres de Dionysus ont été interviewés, étiez-vous ensemble ou « en solo » ?

Mathias : Nous avons tous vécu des situations similaires avec des sentiments différents. Les entretiens avec Morgan étaient « individuels » et les questions portaient soit sur le groupe, soit sur des membres spécifiques. C’est une question de pudeur, votre réponse est différente si vous êtes seul ou en groupe.

Diégo : 2024 a été une année « extraordinaire » comme le précise le livre et le disque, est-ce un choix purement symbolique ?

Mathias : C’est pour marquer le 30e anniversaire. Lors du festival de Montaigu en 2021, plusieurs lecteurs/auditeurs m’ont posé des questions sur les personnages des différents univers et les liens entre tous mes livres. J’ai beaucoup apprécié la réflexion et j’ai imposé une chronologie de 1860 à 2022 sous forme d’arbre généalogique afin d’écrire des « spin-offs » de mes livres et personnages. Évidemment, mes écrits étaient parsemés de chants de Dionysos. Pour les 30 ans, je voulais un livre et l’idée a mûri de réécrire nos chansons avec des amis et de les utiliser pour une tournée anniversaire. C’est ainsi qu’est né le projet « Extraorinarium », entre nuits de travail, tournée avec Daria en cours, choix des invités et arrangements avec Olivier Daviaud pour la phase cinéma du disque.

Diégo : D’ailleurs, concernant les invités d’« Extraordinarium », avaient-ils carte blanche ou avez-vous influencé de manière significative le résultat final attendu ?

Mathias : C’est toujours un échange. Validez d’abord le titre sélectionné puis la magie du studio. Des surprises dans un cadre qui doit rester flexible. Il y avait évidemment une première idée ! C’est comme inviter quelqu’un chez vous et lui dire « prenez ce que vous voulez dans le réfrigérateur ! » » Nous avions un cadre de base qui a été amélioré par l’invité concerné, exactement comme je le fais lorsque je travaille avec Dionysus et que j’arrive avec mes démos et que nous en faisons des chansons. Ils ne naissent pas sur des confitures et la base reste malléable.

Au départ, nous avions le fantasme d’inviter des artistes comme Orelsan ou Angèle qui sont loin de notre monde à revisiter nos titres. Rapidement, le choix des artistes avec lesquels nous avions déjà une histoire musicale commune s’est imposé. Par exemple, nous avons vécu nos premières émotions sur scène avec Dolly (et Manu) lors de notre première partie dans les années 90.

Autre exemple pour Matthieu Chedid : je l’ai rencontré par hasard 3 jours avant ma greffe de moelle osseuse en 2013. Je lui ai parlé d’une lettre de ma grand-mère retrouvée par mon père et il est venu chez moi pour enregistrer ce morceau au piano-voix afin éditer un disque vinyle à 300 exemplaires ! Pas de pression et c’est le début de l’histoire « Le Guerrier de Porcelaine » écrite après ma greffe.

Une autre histoire avec Fire Arthur ! Chatterton : En 2016, nous nous sommes rencontrés sur le tournage et il jouait « Western Under The Snow » avec son groupe. Il me raconte une anecdote dans le métro parisien, il m’a rencontré à l’âge de 15 ans et m’a dit qu’il était fan de la chanson « Don Diego 2000 ». D’ailleurs, ce jour-là, je lui ai offert mon premier roman qui venait de paraître ! Cette chanson lui rappelle sa jeunesse avec son frère et lorsque nous nous sommes retrouvés sur un plateau et qu’il était entre - devenu chanteur, il m’a semblé naturel que les invités de notre disque aient un « sens historique » plutôt que des featurings réputés malgré toute l’estime que j’ai pour eux.

Mathias Malzieu

Encore une anecdote avec l’écrivain Bernard Werber chez Albin Michel au début du Covid. J’étais récemment en couple avec Daria et il m’a prêté sa maison de campagne pendant deux mois pour qu’on ne reste pas entassés dans mon espace parisien de 30m2 ! J’en ai profité pour écrire « Le Guerrier de Porcelaine », le récit de mon voyage de Paris à Düsseldorf en vélo électrique pour rejoindre mon donneur de moelle osseuse ainsi que mon roman « La joyeuse perturbation des métriques de l’amour ». Tout ça à la table de Bernard Werber ! Il est un ancien journaliste scientifique du Nouvel Observateur et la chanson « Tuto Pour Marcher sur l’Eau » a des influences surréalistes de « Charlie » et un style pastafarien. C’est pourquoi je voulais qu’il fasse le commentaire pour le compte rendu. Je ne vais pas vous parler des 15 invités mais vous avez déjà 4 beaux exemples de la genèse du projet et du choix des invités !

Diégo : Et un titre comme « Coccinelle » qui a 25 ans a très bien vieilli !

Mathias : En effet la version de l’album « Haïku » a bien vieilli et on aime rejouer des morceaux volontairement oubliés lors de quelques tournées. Pour plaire au public, il faut s’amuser sur scène.

Diégo : Steve Albini (ndlr : décédé depuis cette interview) et John Parish sont des producteurs – déclencheurs du succès de Dionysus ?

Mathias : Bien sûr, mais Daniel Presley aussi. Il est moins connu et a travaillé avec Grant Lee Buffalo and the Breeders ! Mike a bien pris le relais et il n’est pas exclu que nous sortions un prochain disque avec un réalisateur extérieur pour sortir de notre zone de confort.

Diégo : Parmi les 10 albums sortis, l’un d’eux était-il plus difficile que les autres ?

Mathias : Le plus complexe est « La Mécanique du cœur » car il comprend 8 invités et une heure de musique avec un orchestre symphonique. Tout cela enregistré dans la cuisine de Mike ! Sinon notre dernier en date, 15 invités pour « Extraordinarium » avec 4 faces aux ambiances différentes… Les 15 jours de studio ont été intenses !

Diégo : Qu’aimez-vous chez McEnroe et dont je sais que vous êtes fan ?

Mathias : Un tout ! Beaucoup de mes chansons parlent d’hypersensibilité (avec l’amour ou la perte) et j’ai adoré le côté « à fleur de peau » de John McEnroe. Il jouait au tennis comme Picasso le peignait, avait des poignées de raquette peu orthodoxes, avait peu de soutien, jouait en demi-volée mais son mauvais côté était sa colère sur le terrain. Il avait un sentiment d’injustice qui m’a touché ! Cette hypersensibilité me parle.

Diégo : Pour le Superbowl 2025, imaginons que Dionysos soit désigné pour jouer à la mi-- pendant 12 minutes ! Quelles chansons jouez-vous ?

Mathias : Pour le Superbowl, ça doit être génial ! Je dirais « Giant Jack », « McEnroe’s Poetry » et « Song for Jedi ».

Diégo : Avez-vous un rituel avant de monter sur scène ?

Mathias : Oui. Un petit câlin rond qui dure 1 minute sans forcément parler. C’est important de se rassembler, d’autant plus que je ne monte pas sur scène en même - que mes camarades.

Diégo : Pour finir la question habituelle de vos meilleurs concerts vécus en tant que spectateur ?

Mathias : En 2000, Tom Waits au Grand Rex à Paris. Un conteur à l’intensité rock n’roll, mêlant improvisation, émotion, rires et surprises. Björk au festival de Benicassim en 1998 avec un quatuor à cordes et Mark Bell au beatmaking. Elle débute sur « Hunter » avec des costumes déjantés et offre de la magie sur scène. Le rappel de « So Broken » avec un guitariste flamenco est incroyable dans un festival espagnol. Enfin, Nick Cave au piano-voix à Genève avec Warren Ellis et Jim Scavunos à la batterie. Il attaque avec « The Mercy Seat » et on a l’impression de voir Elvis déguisé en Dracula jouant Leonard Cohen ! Après j’ai vu The Beastie Boys à l’Élysée Montmartre, Nirvana à Grenoble, Pixies au zénith… plein de références !

Mathias Malzieu and Diego

Diégo : Merci Mathias pour cette superbe interview, à bientôt !

Mathias : Merci à vous deux.

Diego sur les rochers

Thanks: Anael from Tôt Ou Tard

Photos : Alexia @troubleshooteur

 
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