Publié le 18 décembre 2024
Le budget participatif, lancé avec beaucoup de communication par la municipalité de Grenoble depuis 2015, se voulait un modèle de démocratie locale. Pourtant, après huit éditions, les faits parlent d’eux-mêmes : ce système, présenté comme un outil d’« responsabilisation » citoyenne, est massivement boudé et est devenu un levier d’exploitation politique, déconnecté des réalités et des attentes des Grenoblois.
L’APPAREIL N’A JAMAIS TROUVÉ SON PUBLIC
Malgré des campagnes de sensibilisation coûteuses, la budgétisation participative n’a jamais décollé. Entre 2016 et 2023, la tendance est à la baisse. Le pic de participation était de 6 000 votants en 2019, soit… moins de 5 % de la population éligible. Habituellement, les taux ont tendance à osciller autour de 3 %. Ce désaveu massif illustre la rupture entre la majorité Verts/LFI et les citoyens, qui ne croient pas à cette mascarade de participation démocratique.
LE MANQUE DE DIVERSITÉ DES PARTICIPANTS
Un rapport interne au service « participation et vie associative », réalisé par un doctorant, confirme isolément cette opération. Il souligne un manque flagrant de diversité parmi les participants, issus en grande partie de milieux privilégiés au fort capital social, alors que les quartiers populaires restent marginalisés. En bref : un instrument pour CSP + beaux quartiers. Il pointe également les obstacles rencontrés par les habitants pour déposer ou voter des projets.
PROJETS NON REPRÉSENTANTS
Corollaire de cette homogénéité des participants : la sélection des projets surreprésente clairement les priorités idéologiques des Verts. En 2023, 50% de l’enveloppe a été allouée à un projet lié à l’installation de panneaux solaires (qui prévoyait même d’en installer au cimetière Saint-Roch…), par ailleurs porté par un salarié d’une structure directement affiliée à la municipalité, ALEC, dont Grenoble est actionnaire. On retrouve aussi toute la gamme chère aux « bobos » : projets de toilettes sèches ou d’éoliennes, ateliers vélos, trottinettes (à noter que deux d’entre eux achetés via le budget participatif pour 20 000 euros (!) ont été volés cette année : quand le Grenoble des petites fleurs rencontre l’obscur Grenoble…)…
UN OUTIL DE DÉPANNAGE DES POLITIQUES MUNICIPALES
Le budget participatif s’apparente aussi davantage à un levier complémentaire aux compétences des services de la ville qu’à un véritable outil démocratique. En plus de l’exemple de l’employé de l’ALEC et des panneaux solaires, nous avons fait « réhabiliter » des fontaines grâce à un projet de budget participatif déposé par… un employé municipal. En 2022, nous avons également eu un projet de plantation d’arbres déposé par un agent du service nature de la ville (dirigé par le député Gilles Namur). Ce qui devrait être une porte d’entrée vers des initiatives citoyennes originales devient un moyen pour les services d’accomplir les tâches qui leur incombent en - normal.
TENTATIVE DE RUSTINE FACE AUX (IN)COMPÉTENCES DE LA VILLE
Les tâches qui leur incombent, mais uniquement celles qui constituent une priorité politique des Verts/LFI. Les Grenoblois ont souvent été tentés de recourir au budget participatif dans l’espoir que seraient abordés les problèmes du quotidien royalement ignorés par des élus qui ne s’intéressent pas à ces sujets. Certains citoyens ont par exemple déposé des projets pour la « lutte contre le bruit », le « droit au calme », ou encore demander un parking relais sur l’esplanade face au manque de stationnement. Des projets évidemment jamais acceptés car allant à l’encontre des dogmes piollesques.
Démocratie gadget
La majorité municipale a en effet mis en place une véritable démocratie gadget. Nous refusons de prendre en compte les commentaires des Grenoblois sur les projets les plus impactants dans leur quotidien (la fermeture d’Agutte Sembat qui a contribué au développement de la délinquance à Hoche, la suppression des parkings qui va tuer les commerçants, etc.), mais pour les consoler, nous les laissons choisir des micro gadgets qui n’amusent que ceux qui n’ont pas d’autres problèmes en tête. Verrouillez l’essentiel, autorisez l’inutile.
L’EXEMPLE DU LAC DE LA VILLENEUVE
Ce confinement est parfaitement illustré par le projet municipal du Lac de la Villeneuve. Fortement contestés par les habitants, ils se sont regroupés collectivement et ont soumis un contre-projet au prochain budget participatif. Celui-ci a passé les premières étapes de sélection mais la municipalité prévient déjà que les budgets participatifs ne sont acceptés qu’à condition « que la Ville n’a pas déjà de projet prévu sur le site d’implantation ciblé « . Très clair : les élus ont prévu autre chose, donc les avis des habitants ne seront pas écoutés même s’ils remportent le budget participatif.
LES ENCHÈRES ÉLEVÉES EN PÉRIODE PRÉÉLECTORALE
Face à l’échec indéniable du budget participatif depuis 2015, et à l’approche des élections, les Verts/LFI ont sorti un dernier tour de leur sac : il n’y aura plus une édition par an comme avant. cas jusqu’à présent, mais seulement une fois tous les deux ans. Et le budget alloué sera allongé en conséquence : de 800 000 euros par édition à 1,8 million d’euros. L’occasion d’augmenter encore un peu leur clientèle électorale et de dynamiser leur communication à l’approche des élections municipales de 2026…
REPENSER LA PARTICIPATION CITOYENNE
Pas sûr que cet énième stratagème fumigène fonctionnera. Le budget participatif à Grenoble passe vraiment un mauvais moment. Le gadget est de moins en moins illusoire à mesure que l’on voit monter, quartier par quartier, la révolte des habitants, des associations, des collectifs contre des projets importants qui s’imposent eux-mêmes sans laisser de choix. Une véritable participation citoyenne passerait par le respect de l’engagement numéro 1 des piollis en 2014 : «co-construire des projets avec les habitants« . Pas par les appareils des usines à gaz qui permettent de choisir la couleur du mobilier urbain.