« Imaginez le sentiment de cet homme. Imaginez-vous, imaginez que votre enfant, que vous chérissez, vienne délivrer cette souffrance. Pour justifier la crédulité de Brahim Chnina face à sa fille, qui a lancé la rumeur sur le parcours de Samuel Paty en octobre 2020, Nabil El Ouchikli, l’un de ses avocats, a demandé à la cour d’assises spéciale de Paris de “mets-toi dedans la peau” de son client pour le juger, lors de ses plaidoiries au procès de l’assassinat du professeur d’histoire-géographie, mardi 17 décembre.
« Liberté pour Brahim Chnina »» a réclamé de son côté Louise Tort, qui a demandé l’acquittement, tout comme Frank Berton, le troisième et dernier avocat de l’accusé de 52 ans à plaider. Même si“il faut du courage” prendre cette décision, a-t-il concédé. Car Brahim Chnina est licencié pour « association de malfaiteurs terroriste » avec le prédicateur islamiste Abdelhakim Sefrioui, suite à « leur accord pour cibler et stigmatiser », avec “un discours plein de haine”Samuel Paty, décapité le 16 octobre 2020 par Abdoullakh Anzorov, un jeune islamiste radical tchétchène. “Désolé, mais je n’ai pas eu la démonstration”, de cette « association de malfaiteurs terroriste », de cette “entente”» considérait Frank Berton.
Lors de son interrogatoire le 2 décembre, l’accusé a nié toute responsabilité dans l’attentat, mais a exprimé plusieurs regrets, dont celui d’avoir “il croyait sa fille à 100%”. “Cette jeune fille de 13 ans s’est enfermée dans un mensonge”, “objectivement indétectable, car elle mélangeait le vrai et le faux”, » a défendu Nabil El Ouchikli, tantôt en élevant la voix, tantôt en chuchotant. “Il n’y a rien de terroriste chez Brahim Chnina”, a insisté l’avocat, qui s’est efforcé de présenter son client comme « un père qui protégera sa fille ». Mais son raisonnement, explosif, est difficile à suivre : si, au début de la plaidoirie, il a cité Honoré de Balzac, à la fin, il n’a pas hésité à pointer la responsabilité de Charlie Hebdo dans la réédition des caricatures de Mahomet en septembre 2020.
« Juger Brahim Chnina, c’est le but de ce procès »puis réintègre sa collègue Louise Tort. Sur un ton vif et humoristique, l’avocat a détaillé “Toute la catastrophe d’un père qui a tout raté”, alors que « sa famille est sa vie ». « Brahim Chnina, depuis qu’il est petit, il est soignant »» s’est-elle vantée, en référence au travail d’aide à domicile que son client occupait avant sa détention provisoire. « La première chose qu’il fait en arrivant [la prison de] Fresnes c’est donner au Téléthon”a-t-elle confié.
“Vous ne ferez pas de lui un véritable salaud parce que nous le voulons vraiment.”» finit par lâcher Louise Tort. « Soit vous cédez à l’opinion publique et à son cortège, soit vous faites ce qui est le plus dur et, à mon avis, c’est le juger. Jugez un tel homme, que nous voulons voir comme un terroriste », a déclaré Frank Berton, s’adressant à la cour d’assises spéciale de Paris, qui rendra son verdict jeudi ou vendredi.