Dans un contexte de fortes tensions entre offre et demande de soins (Médecine générale + Médecine spécialisée), l’Union régionale des professionnels de santé – Médecins libéraux du Grand Est (URPS ML Grand Est) a mené une étude pour mesurer les délais d’obtention d’un rendez-vous. en 2024, avec neuf spécialités médicales : cardiologie, dermatologie, chirurgie orthopédique, gastro-entérologie, gynécologie médicale et obstétrique, ORL, pédiatrie, psychiatrie et rhumatologie. L’enquête a porté sur 2 143 médecins au total. Précisons d’emblée que les rendez-vous demandés le sont par de nouveaux patients (qui ne font donc pas partie de la patientèle du spécialiste) et selon deux scénarios : 1 scénario (S1) où le patient contacte directement le spécialiste (par téléphone ou internet ) pour un motif non urgent et une seconde (S2) lorsque le patient est adressé par un médecin traitant pour un cas semi-urgent.
On apprend par exemple que pour obtenir un rendez-vous avec l’un des 415 cardiologues de la région, il faut 108 jours médians (50% de moins, 50% de plus) dans le cas du scénario 1, sachant que seul un patient sur deux parvient à pour obtenir un rendez-vous (par téléphone ou via internet). Il est de 20 jours médians, dans le scénario 2. Chez un psychiatre (389) : il est de 16 jours mais avec seulement 17% de rendez-vous obtenus (S1) et 8 jours en S2 avec 19% de rendez-vous obtenus. Chez un pédiatre (209) : 8 jours (S1) avec 48% de rendez-vous obtenus et 1 jour (S2) avec 26% de rendez-vous.
Un « tsunami » de départs à la retraite
Bref, c’est un long processus et force est de constater que dans bien des cas, le patient (qui porte bien son nom) doit travailler dur pour trouver un rendez-vous. Surprenant? Pas vraiment. Ce n’est pas un scoop, on sait depuis des années qu’avec la réforme du numerus clausus (qui limite le nombre d’étudiants) on ne forme plus assez de médecins : de 8 500 au début des années 70 à moins de 4 000 dans les années 90 . Et ce, alors que dans le même - les besoins de soins ont augmenté compte tenu du vieillissement de la population. Mais ce n’est pas tout. “Nous sommes confrontés à une masse inédite et exceptionnelle de départs à la retraite de médecins spécialistes, ce qui n’est jamais arrivé auparavant”, a expliqué le Dr Thierry Bour, trésorier de l’URPS ML Grand Est, qui a commenté les résultats et parlé d'”un véritable tsunami de départs”. .» Entre 2011 et 2022, les arrêts d’activité ont augmenté de 54 à 114 %, selon les spécialités.
En Lorraine, les départements ruraux (Meuse et Vosges) doivent faire face à une pénurie de spécialistes plus marquée avec respectivement 3,4% et 6,7% de la population régionale, pour 1,9% et 3,3% de spécialistes. Pour la Moselle et la Meurthe-et-Moselle, les données sont de 18,8 % et 14,6 % ; et 13,2% et 16,2%. Il n’y a cependant « pas de corrélation évidente entre densité de spécialistes et horaires de rendez-vous », précise le Dr Bour. Comprenez qu’il n’est pas plus compliqué d’obtenir un rendez-vous chez le dermatologue en Meuse qu’en Moselle et plus simple d’en obtenir un chez un pédiatre dans les Vosges qu’en Meurthe-et-Moselle. Autre constat : l’idée selon laquelle les spécialistes travaillent moins qu’avant est mise à mal. « Les spécialistes travaillent en moyenne 55 heures/semaine et 10 % de plus qu’il y a 20 ans (étude URPS ML GE 2023) », précise l’enquête.
La situation va s’améliorer
Une note positive pour terminer. La situation est très compliquée mais elle va s’améliorer. D’abord parce que le nombre de spécialistes augmente. Pour la Lorraine, il y aura 6 % de médecins en plus à partir de 2030, 21 % à partir de 2035 et 54 % d’ici 20 ans (source : Drees). Ensuite parce que la démographie est en baisse (ce qui pose d’autres problèmes). Pour accompagner ces tendances et apporter des améliorations à court terme, l’URPS ML Grand Est plaide pour une augmentation du - des médecins spécialistes (via notamment une généralisation des stages indépendants pour les internes), une libération du - (embauche d’assistants médicaux, d’outils numériques, etc. ) et rendre les spécialistes plus accessibles via le développement de sites secondaires, notamment. « Les fondamentaux sont bons, les jeunes arrivent en nombre, et les départs vont vite diminuer. Par ailleurs, les exercices collectifs se développent et se modernisent. Gardons-nous d’introduire de nouvelles évolutions réglementaires ou législatives pseudo-innovantes qui pourraient briser cet élan vers une amélioration rapide de la situation », conclut le Dr Bour.
Combien d’attente à Metz, Nancy et Thionville ?
Exemples de délais pour une personne souhaitant prendre rendez-vous, par téléphone, avec un spécialiste dont elle n’est pas déjà le patient et pour une non-urgence. Ces délais, issus de l’enquête URPS ML Grand Est, sont ceux où un rendez-vous a été obtenu sachant que le taux d’échec (c’est-à-dire pas de rendez-vous) est élevé (souvent supérieur à 50 %).
Cardiologie
Metz : 129 jours (médiane)
Nancy : 91 jours
Thionville : 107 jours
Dermatologie
Metz : 48 jours
Nancy : 159 jours
Thionville : 3 jours
Rhumatologie
Metz : 246 jours
Nancy : 50 jours
Thionville : 61 jours
Gynécologie
Metz : 83 jours
Nancy : 28 jours
Thionville : 71 jours